Aragon, Le Roman inachevé, Que serais-je sans toi
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Aragon, Le Roman Inachevé, « Que serais-je sans toi ? »
Introduction :
Louis Aragon est célèbre en particulier pour son appartenance au groupe surréaliste qui fut pour lui un point
de départ bien plus qu’un système ou une doctrine.
Il puise son inspiration dans les recherches des surréalistes mais
rapidement, dès 1932, il rompt avec les surréalistes pour des motifs à la fois politiques et esthétiques.
Aragon
revendique en particulier une totale liberté d’invention.
Contrairement, aux surréalistes qui rejettent le roman, ne
pouvant accepter les phrases du type « la marquise sortit à cinq heure » qu’ils jugent parfaitement arbitraires et
inaptes à traduire la puissance poétique de la vie, Aragon, s’intéresse au roman et aux potentialités qu’il recèle comme
en témoigne le titre même du recueil dont est tiré notre poème.
Projet de lecture :
Ce texte « Que serai-je sans toi ? » s’apparente à de la poésie et qui plus est à de la poésie amoureuse
pourtant, il fait partie d’un recueil intitulé Roman inachevé, c’est pourquoi il nous incombe de nous demander quels
liens ce poème entretient avec le genre romanesque.
Pour cela, il convient d’analyser précisément la thématique de
l’amour.
Pourquoi peut-on dire que dans ce poème, l’éloge amoureux s’épanouit dans le fond aussi bien que dans la
forme ? Bien d’avantage, dans quelle mesure Aragon renouvelle-t-il le genre de l’élégie amoureuse ?
I Un poème d’amour
1) Un poème mystérieux : le problème de l’identification du destinataire
Avant, de nous lancer plus en avant dans l’étude de ce poème, il nous faut mettre en avant le problème de l’adresse.
A aucun moment, le destinataire n’est nommé, nous ignorons qui est ce « tu » que le poète célèbre ce qui confère au
poème une grande part de mystère.
Nous savons qu’il s’agit d’une femme comme en témoigne l’accord du participe
passé au vers 11, « si tu n’étais venue ».
Dès lors, la comparaison au vers 11 apparaît problématique « comme un
amant heureux ».
En effet, c’est le destinataire qui bénéficie de cette comparaison, pourtant le destinataire est une
femme ainsi nous observons un déplacement de sens, le poète lui-même était « l’amant heureux ».
Grâce à ce
déplacement, les deux personnages, le poète et sa maîtresse se confondent.
Leurs sentiments sont tels que les
personnalités se mêlent, les identités ne comptent plus pour rien comparé à la force de leur amour.
Grâce au mystère
qui plane sur l’identité du destinataire, le poème accède à une dimension plus générale.
2) Une élégie moderne
Une élégie est un poème lyrique exprimant une plainte mélancolique souvent liée à l’expression des sentiments
amoureux.
Depuis les poètes latins, les poèmes d’amour occupent une grande place dans la poésie.
Dans ce poème, ce
n’est pas la plainte qui domine, loin de là, mais le bonheur d’avoir rencontré l’être aimé et l’impact de cette rencontre.
C’est l’enthousiasme qui domine le poème.
Le « je » lyrique exprime sa reconnaissance vis-à-vis de la femme aimée
comme en témoigne le refrain « que serais-je sans toi ».
Le poète n’est rien sans cette femme qui lui a ouvert les yeux
qui lui a fait goûté les joies de ce monde.
Cette dimension est soulignée par les tournures hyperboliques « Je te dois
tout je ne suis rien que ta poussière ».
Le « je » lyrique s’efface derrière la femme vénérée à qui le poète rend un
véritable culte si bien que le poème apparaît comme un présent offert en gage de reconnaissance.
3) Un chant offert en hommage
Le poète, comme le montre le troisième paragraphe écrit pour cette femme qu’il adore, pour lui montrer la vigueur de
ses sentiments.
Il veut que ce poème soit le « miroir fidèle » où elle se reconnaisse.
Le thème du miroir était très prisé
par les surréalistes qui y voient de multiples analogies avec le rêve.
Ici, c’est le poème qui se fait miroir et miroir double
reflétant l’mage du poète et celle de la femme aimée qui se mêlent au point de se confondre pour ne former plus qu’un.
Le thème de la transparence est ici convoqué.
Le poète offre ce poème à cette femme afin qu’elle puisse voir en lui
comme à travers une maison de verre.
Dans ce poème, le miroir révèle, il est fidèle.
C’est que le poète exige de son
poème, il souhaite que le poème soit le fidèle miroir de ses sentiments.
Pour cela, il utilise les ressources de la poésie.
En effet, Aragon utilise les alexandrins respectant la césure à l’hémistiche la plupart du temps.
Il alterne les rimes
féminines et masculines.
Pourtant, il exploite de façon personnelle cette forme poétique traditionnelle en adoptant une
structure particulière dans chaque strophe : A B A A B B alliant ainsi les rimes suivies et les rimes croisées.
Ainsi, le
poème se caractérise par une mélodie particulière renforcée par les nombreux effets de répétition à commencer par la
reprise du refrain « Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre » ainsi que l’anaphore « j’ai tout appris de toi ».
C’est bien un chant que le poète offre à sa belle, le mot « chant » apparaît directement au vers 14 « Chaque mot de
mon chant ».
Transition : Si Aragon s’inscrit dans la tradition des poètes amoureux, il n’en demeure pas moins que ce poème se
démarque par sa modernité.
Au sein même de son chant d’amour, Aragon, laisse une place au récit tant et si bien que
le poème semble pouvoir se lire comme un conte.
II Le récit d’une rencontre amoureuse.
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