Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, dite « du voyant » (Charleville, 15 mai 1871).
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Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, dite « du voyant » (Charleville, 15 mai 1871).
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- Du reste, toute parole étant idée, le temps d'un langage universel viendra ! Il faut être académicien, - plus mort qu'un fossile, - pour parfaire un dictionnaire, de quelque langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l'alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie ! -
Cette langue sera de l'âme pour l'âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d'inconnu s"éveillant en son temps dans l'âme universelle : il donnerait plus - que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Énormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès !
Cet avenir sera matérialiste, vous le voyez; - Toujours pleins du Nombre et de l'Harmonie ces poèmes seront fait pour rester. - Au fond, ce serait encore un peu la Poésie grecque.
L'art éternel aurait ses fonctions; comme les poètes sont des citoyens. La Poésie ne rythmera plus l'action : elle sera en avant.
Ces poètes seront ! Quand sera brisé l'infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l'homme, jusqu'ici abominable, - lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l'inconnu ! Ses mondes d'idées différeront-ils des nôtres ? - Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses; nous les prendrons, nous les comprendrons.
En attendant, demandons aux poètes du nouveau, - idées et formes.
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