Bien des écrivains ont goûté et célébré la solitude. Avez-vous vous-même éprouvé l'utilité et le charme de la solitude ? Qu'il en soit ainsi ou non, essayez de dégager très sincèrement ce que vous ressentez dans un moment de solitude. Vous éclairerez votre analyse en comparant votre propre expérience avec les réactions que vous inspirent des écrivains comme Montaigne, Descartes, Pascal, La Fontaine, Rousseau, Chateaubriand, Lamartine, etc.
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Bien des écrivains ont goûté et célébré la solitude.
Avez-vous vous-même éprouvé l'utilité et le charme de la solitude ? Qu'il en soit ainsi
ou non, essayez de dégager très sincèrement ce que vous ressentez dans un moment de solitude.
Vous éclairerez votre analyse en
comparant votre propre expérience avec les réactions que vous inspirent des écrivains comme Montaigne, Descartes, Pascal, La Fontaine,
Rousseau, Chateaubriand, Lamartine, etc.
Introduction : La solitude a inspiré ses Rêveries d'un promeneur solitaire à Jean-Jacques Rousseau, ses Méditations et ses
Recueillements à Lamartine, la plupart de ses Contemplations à Victor Hugo.
Personne ne saurait nier son caractère profondément
poétique.
La solitude paraît aussi nécessaire au poète que l'armure au chevalier, que le clair de lune à l'adolescent romantique, ou que le
téléphone à l'homme d'affaires survolté.
Pourtant, je ne ressens pour ma part aucun goût pour l'isolement : volontiers, je dirais, après la
Célimène de Molière :
La solitude effraie une âme de vingt ans...
Je ne me sens ni comme Montaigne qui ne rêvait que de sa « librairie », ni comme Vigny qui aspirait à sa «tour d'ivoire» ; je suis de mon
époque, et à ce titre j'aspire à vivre intensément, en dévorant la vie à belles dents, en multipliant les contacts avec tous les groupes
humains, en voyageant en groupe, en visitant des pays étrangers, bref en communiant avec la foule innombrable sans jamais chercher à
m'isoler des hommes...
I.
Eloge de la solitude.
Il n'y a pas que Rousseau pour goûter les Rêveries d'un promeneur solitaire ; moi aussi, j'aime souvent errer à travers champs, en pleine
campagne, humant à pleins poumons la fraîche odeur du foin coupé, me délectant de cette impression si sereine de n'avoir de comptes à
rendre à personne..., car :
1.
Le charme de la solitude.
Il y a en effet un charme incantatoire, une magie de la solitude.
Autant être mélangé avec d'autres dans une
foule peut paraître pénible et vain, autant se retrouver seul avec soi-même nous rapproche en quelque façon de Dieu même.
C'est
proprement « divin ».
Odi profanum vulgus et arceo, disait Horace.
« Je hais la foule et je m'en écarte.»
2.
L'analyse de la solitude nous révèle que le sentiment de délectation que nous pouvons en retirer est fait d'une multiplicité d'éléments
subtils :
la béatitude tranquille due à l'isolement ;
la contemplation de la nature qui n'est entravée par rien d'extérieur à elle ;
la fuite devant ce que le monde peut avoir d'hostile et de désagréable.
3.
Les réactions que nous inspirent les grands écrivains qui ont parlé de la solitude relèvent d'une sympathie toute symbolique à l'égard
de leurs oeuvres.
C'est ainsi que nous éprouvons la violence de l'orage breton avec Chateaubriand, la délicatesse de la petite nature
champenoise avec La Fontaine, la chaleur du poêle allemand qui brûle l'imagination de Descartes, la profondeur des vallons et des lacs
bourguignons de Lamartine.
II.
Les limites de la solitude.
La solitude n'est agréable pour un jeune homme ou une jeune fille de dix-sept ans que lorsqu'elle dure peu de temps.
D'une manière
générale :
La solitude effraie une âme de vingt ans et nous n'éprouvons pas toujours les mêmes sentiments que ceux qui l'ont chantée.
D'où :
1.
La solitude prolongée provoque l'ennui.
A notre âge, nous aimons le mouvement, le changement d'occupation, les contacts avec les
autres hommes, avec les autres groupes.
D'ailleurs, Pascal lui-même n'a-t-il pas dit que :
Le silence éternel des espaces infinis m'effraie ? Il n'adorait donc pas exclusivement la solitude...
Lamartine n'a-t-il pas bien souvent
abandonné « l'isolement » pour entrer dans l'arène politique, en allant jusqu'à dire : la poésie, c'est de la graine de niais !
Et le bon La Fontaine n'a-t-il pas lui aussi souvent fui la solitude pour fréquenter la cour, ses intrigues et sa multitude bigarrée ?
2.
Les réactions que nous inspirent les forcenés de la solitude sont plus négatives.
On comprend mal Montaigne s'enfermant dans sa «
librairie », plus mal encore le Chateaubriand des Mémoires d'Outre-Tombe qui coupe les contacts avec le réel, ci pas du tout Descartes
lorsqu'il se réfugie en Hollande pour fuir la foule parisienne...
La solitude est bonne pour le vieillard et non pour l'adolescent.
Celui-ci veut connaître la vie la respirer à pleins poumons, brûler la
chandelle par les deux bouts, tandis que le vieillard — celui qui a déjà existé — considère nui! assez vécu et peut précisément fuir les
hommes pour s'enfermer dans sa tour d'ivoire.
III.
Nécessité de la solitude.
La solitude est utile :
1.
Elle permet une juste vision des choses — bien plus, une révision des notions, une remise en question des valeurs.
Sans solitude, on
est pris dans le courant même de la vie, et cet élan qui nous entraîne nous empêche de mesurer le juste équilibre de la vie.
2.
Il est dans l'existence des périodes d'action où l'on aime à se plonger dans le réel, et à s'élancer dans la collectivité, et d'autres où l'on
préfère la contemplation, la méditation, la réflexion solitaire.
Volontiers, l'on dirait avec le Moïse
de Vigny :
Seigneur, vous m'avez fait puissant et solitaire, Laissez-moi m'endormir du sommeil de la terre.
3.
II est utile de pouvoir se réserver des moments de travail personnel où l'on se livrera à des tâches d'autant plus efficaces qu'on sera
seul à les assumer.
Dans ces cas-là, la solitude n'est pas seulement nécessaire, elle est indispensable.
Conclusion : Il y a deux visages de la solitude : celui riant, exubérant, alerte et vif du jeune enfant qui joue dans son parc ; et ce côté
grave, sérieux, triste, voire un peu sinistre, de la solitude du vieillard, du méditatif qui se répand en plaintes amères.
Si le jeune homme
affectionne le premier aspect d'une solitude agréable, en revanche, il n'est pas pensable qu'il puisse apprécier la solitude intellectuelle et
créatrice d'un Chateaubriand vieillissant...
Si des écrivains chevronnés ont goûté et célébré la solitude, ce fut leur droit le plus strict ; mais
c'est aussi le nôtre de ne vouloir recourir à elle qu'à partir du, moment où nous n'aurons plus rien à perdre ni à attendre d'une vie très
active qui nous fera horreur...
La grande leçon de la solitude n'a-t-elle pas été tirée par Vauvenargues lorsqu'il a soutenu non sans
vigueur : La solitude est à l'esprit ce que la diète est au corps : mortelle quand elle est trop longue, quoique nécessaire ?.
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