Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924
Extrait du document
«
Introduction
• Biaise Cendrars, poète français de ce siècle, semble né pour voyager comme l'illustre le titre de ses œuvres :
Bourlinguer et ici Feuilles de route.
• Pour l'auteur de la « Prose du Transsibérien », l'amour lui-même est un voyage.
Il en a la liberté, la nouveauté
toujours recommencée, la richesse infinie.
• Ce qui étonne et séduit, dans cet extrait de Feuilles de route, ce sont précisément la spontanéité, la liberté de ton
et l'enthousiasme communicatif qui caractérisent les sentiments du poète.
• Ce ton particulier est le fait d'une écriture apparemment sans recherche.
Les strophes hétérométriques et le vers
libre contribuent à créer cette impression d'une poésie libérée.
• En réalité, sous cet apparent désordre, le poète construit un ordre poétique à l'image de ce monde total auquel
l'amour lui donne accès.
• Trois thèmes seront donc envisagés :
1.
La spontanéité du sentiment amoureux.
2.
L'ouverture au monde.
3.
La plénitude.
1.
La spontanéité
1.
Surprise
• « La vie pleine de choses surprenantes » (v.
30) : c'est ainsi quand on aime, suggère Cendrars.
Tout est matière à
émerveillement.
Ce qui est banal (« choses ») devient étonnant.
Tout ce qui est connu (« Je vois la bouche que je
connais », v.
26) prend un caractère insolite, attire le regard : « Je prends mon bain et je regarde » (v.
25).
• La surprise imprègne le texte de Cendrars qui, à son tour, nous surprend :
— par son désordre apparent, ses enchaînements déroutants (« Je pèse mes 80 kilos / Je t'aime », v.
33-34) ;
— l'irrégularité de sa versification ;
— ses images humoristiques (« Ne te niche pas entre deux seins », v.
23) ;
— ses ruptures rythmiques (« Chanter courir manger boire / Siffler / Et apprendre à travailler », v.
18-19-20).
2.
Simplicité
• La surprise de l'amour est ici synonyme de simplicité : l'amour s'inscrit dans le décor même du quotidien.
Les activités
coutumières se poursuivent (« Je prends mon bain » (v.
25), « Je sors de la pharmacie » (v.
31)) mais elles n'ont plus
le même sens, le même poids ! (« Je pèse mes 80 kilos...
», v.
33.) Elles doivent même faire l'objet d'un nouvel
apprentissage (« apprendre à travailler », v.
20).
• Le langage du poème est à l'image de cette simplicité : le lexique, du moins, n'offre que des mots courants, n'évoque
que des réalités familières.
Discours apparemment sans effets si ce n'est celui de la simplicité, presque de la naïveté («
Regarde les beaux magasins », v, 8).
• L'homme qui aime est nu, étonné de cette nudité (« Je prends mon bain et je regarde », v.
25) et les mots euxmêmes, les mots usés de tous les jours, y gagnent une pureté nouvelle.
• Nudité qui a son équivalent dans le registre moral : la sincérité.
3.
Découverte
• L'enthousiasme qui anime le texte, sa véhémence naissent de la découverte du monde et de soi-même.
• Cette découverte passe par la sensation : aimer c'est ouvrir les yeux.
« Regarde », « je regarde », « Je vois ».
Découverte de son corps (deux dernières strophes).
Apprentissage des fonctions vitales (« manger boire » (v.
18),
respirer, marcher).
II.
L'ouverture au monde
1.
Liberté
• La leçon du poème est une leçon de liberté.
L'amour refuse l'immobilité, la fermeture, le nid des certitudes acquises
(« Ne te niche pas entre deux seins », v.
23).
• II suppose au contraire l'ouverture, l'espace (3e strophe), la respiration pleine (« Respire », v.
24).
• On notera l'ouverture significative des voyelles dans le poème et particulièrement celle du [a] : dans « apprendre »,
« travailler », « partir », « regarde ».
Ainsi dans le vers : « Respire marche pars va-t'en » (v.
24).
• L'absence de ponctuation invite également aux associations les plus libres.
2.
Voyage
• L'amour est mouvement, départ, voyage, aventure.
Il refuse la fixité, abolit tous les liens : « Quitte ta femme quitte
ton enfant...
» (v.
2),
• II franchit tous les espaces et les réunit : « Les montagnes Peau le ciel la terre » (v.
12).
Il est en ville (magasins,.
»
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