Carlo Emilio Gadda
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Carlo Emilio Gadda
1893-1973
La biographie et l'oeuvre de Gadda se rejoignent.
Si bien que ce n'est pas énoncer un simple fait biographique que
de dire que Carlo Emilio Gadda est né à Milan, qu'il a habité à Rome à partir de 1950 et qu'à une instruction
technico-scientifique (il possède en effet un diplôme d'ingénieur), il allia, jeune encore, une formation approfondie
d'humaniste.
La Première Guerre mondiale, à laquelle il prit part, lui inspira deux de ses oeuvres les plus
significatives : le Giornale di guerra e di prigionia, qui ne fut publié qu'en 1955 et Il Castello di Udine (1934) qui eut
une influence décisive sur la suite de son évolution de romancier.
Entre ces deux ouvrages se situe La Madonna dei
filosofi, parue en 1931.
Il y a déjà dans ce premier Gadda toutes les humeurs éthiques et idéologiques qui formeront
par la suite l'âcre suc de ses principaux romans.
En 1944 parut L'Adalgisa : le discours de Gadda s'élargit sur le plan
social et sur le plan humain.
Les nombreuses notes qui accompagnent l'ouvrage trahissent le désir, chez l'auteur,
d'approfondir la chose instituée, au moyen d'une technique savante et érudite à l'extrême.
Les Novelle dal ducato in fiamme, ouvrage paru en 1953, mais qui contient des textes bien antérieurs à cette date,
préludent au Pasticciaccio : ce sont Milan, puis Rome, défigurées, déformées par le grotesque comme sous le coup
d'une rage inconsciente et contenue.
L'image dantesque de la " bestialité déchaînée " semble être la marque du
Pasticciaccio, plus encore que des Novelle.
Gadda, dans ces deux oeuvres, a implacablement attaché au pilori
l'homme vaincu, l'humanité qui s'est laissé réduire à l'anéantissement.
La Cognizione del dolore, couronnée au dernier Prix Formentor, a réservé une surprise en ce qu'elle fournit la clé du
système gaddien, incompréhensible en apparence.
La " connaissance " et la " douleur ", ces deux substantifs qui
forment le titre de l'ouvrage, sont aussi les deux composantes principales de l'art de Gadda.
" Connaissance "
équivaut à " recherche ", c'est à elle que se rapportent les " moyens " du récit de Gadda et ses suggestions : la
géographie précisément, et la philologie ; la " douleur ", en revanche, est un cri universel, émouvant, jailli des
profondeurs, une source de larmes et de fantaisie.
Au premier de ces termes correspond la première partie du livre,
bouffonne, tarabiscotée et baroque comme les villas d'un hypothétique pays d'Amérique latine qui ressemble
d'ailleurs singulièrement à la Lombardie ; au second — la " douleur " — correspond la dernière, amenée par une
transition extrêmement abrupte : partie dans laquelle la bouffonnerie cède le pas à l'élégie, et où la douleur montre
ses racines lointaines.
Gadda, encore une fois, fournit la clé de son système tout entier ; et, pour comprendre la
Cognizione ou quelque autre de ses ouvrages, le lecteur n'a qu'à se conformer à sa prescription : " Il s'agit de lire,
dans les strates ou dans les conglomérats grotesques du complexe Cognizione, non pas une électivité glandulohumorale délibérée de l'auteur, mais une représentation consciente de la bêtise du monde et de l'inanité de la soidisant histoire, qu'il serait plus exact de nommer une farce jouée par des comédiens imbéciles et des diplomates
obtus.
".
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