Cécile SAUVAGE (1883-1927) (Recueil : Tandis que la terre tourne) - La maison sur la montagne
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Cécile SAUVAGE (1883-1927) (Recueil : Tandis que la terre tourne) - La maison sur la montagne Notre maison est seule au creux de la montagne Où le chant d'une source appelle des roseaux, Où le bout de jardin plein de légumes gagne La roche qui nous tient dans son âpre berceau. Septembre laisse choir sur les molles argiles La pomme abandonnée aux pourceaux grassouillets. Nous avons dû poser des cailloux sur les tuiles ; Car la bise souvent s'aiguise aux peupliers, Le volet bat la nuit, le crochet de la porte Danse dans son anneau. Nous avons peur et froid. La mare des moutons réveille son eau morte Et soudain un caillou branlant tombe du toit. J'aime, sous mon poirier rongé de moisissures, Des champignons serrés voir surgir le hameau, Un petit dahlia me plaît par ses gaufrures, Mes brebis ont le nez et les yeux du chameau. Notre univers s'étend au gré de notre rêve, Le silence est mouillé par la voix du torrent, La lune de rondeur sort quand elle se lève D'un nid de thym perché sur les monts déclinants. Assise dans le jour de la porte qui pose Son reflet sur la cruche verte et le chaudron, Pour la pomme de terre au ventre dur et rose Je couds des sacs. Je vois blondir le potiron. Les pruneaux violets se rident sur leurs claies, La salade du soir est dans le seau de bois Et des corbeaux goulus qui frôlent les futaies Font en se querellant tomber de vieilles noix. C'est le temps où la feuille aux ramures déborde, La montagne nourrit des herbes de senteur, Notre chèvre s'ennuie et tire sur sa corde Pour atteindre aux lavandes fines des hauteurs. Le maître près d'ici laboure un champ de pierres ; Je vais pour son retour tremper le pain durci, Préparer à sa faim une assiette fruitière Et le verre où le vin palpite et s'assoupit. Nous nous plaisons de vivre à côté de l'espace ; Un vol d'abeilles tourne avec des cris de fleurs, La neige qui l'été reste dans les crevasses Semble se détacher des nuages bougeurs. Des guêpes au long corps tettent les sorbes mûres, La maison qui se hâle a des mousses au dos, La cloche des béliers sonne nos heures pures. Pour nous chauffer, sitôt que la lune a l'oeil clos, Le soleil comme un boeuf fume dans l'aube nue ; Car sur nos pics le ciel de lin tiède est tendu Et notre front obscur est touché par la nue Lorsqu'elle vient dormir dans les chênes tordus.
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