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Certains contemporains de Racine lui ont souvent reproché de faire partie de l'école des « doucereux ». Que pensez-vous de ce reproche ?

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« Certains contemporains de Racine lui ont souvent reproché de faire partie de l'école des « doucereux ». Que pensez-vous de ce reproche? Pour discuter clairement ce sujet, il faut commencer par une explication historique qui reconstituera le milieu d'opinion où Racine a fait jouer ses pièces.

Nous connaissons déjà l'opinion des cornéliens qui réclament des tragédies grandes où les héros sacrifient délibérément l'amour pour appliquer leur énergie à de hautes ambitions. Mais, bien avant Racine, cet idéal cornélien tendait à être supplanté au théâtre par l'idéal « galant ».

Cet idéal venait de l'Astrée, des goûts mondains, des romans de La Calprenède, de Mme de Scudéry, etc.

Dans ces romans, le héros ne sacrifie pas l'amour ; il sacrifie tout à l'amour ; il est aveuglément soumis aux volontés de sa maîtresse; et si elle l'exige, il renoncera pour elle non seulement à l'ambition, mais même à l'honneur, du moins à celui que donnent la victoire et les grandeurs.

Au théâtre, les auteurs à la mode entre 1650 et 1667, Quinault, Thomas Corneille, écrivent encore des tragédies de type cornélien ou mêlent la tragédie grande et la tragédie galante.

Mais ils écrivent aussi des pièces uniquement galantes, par exemple : la Mort de Cyrus, de Quinault, où Cyrus renonce à une victoire sûre pour se faire le prisonnier et l'esclave de Sémiramis qu'il combat et dont il s'est épris en l'apercevant dans la bataille; le Timocrate de Thomas Corneille (le plus grand succès dramatique du siècle) où Timocrate combat sa propre armée pour plaire à celle qu'il aime et qui est l'ennemie héréditaire de son pays.

Racine lui-même écrit d'abord une tragédie purement cornélienne, la Thébaïde; puis une tragédie galante où Alexandre est occupé avant tout à soupirer d'amour pour une reine vaincue. Cela dit, dans quelle mesure les tragédies de Racine ont-elles subi l'influence de cet idéal galant? Pour les cornéliens, était « doucereux » tout ce qui, dans les tragédies de Racine, donnait la première place à la passion, même si cette passion était farouche et meurtrière.

Hermione, Roxane, Eriphile, Phèdre étaient doucereuses parce qu'elles ne s'occupent que de leur amour et non de leur rang et de leur gloire.

Titus même et Bérénice l'étaient, parce que, tout en sacrifiant leur amour à leur devoir politique, ils le faisaient avec trop de déchirement.

Pour nous, bien entendu, ce reproche n'a plus de raison d'être; c'est au contraire l'inflexibilité du héros cornélien qui nous paraît souvent conventionnelle.

Mais si la conception racinienne de la passion nous paraît le plus souvent humaine et pathétique, nous trouvons parfois des traces d'amour doucereux, de galanterie mondaine qui nous choquent.

On a souvent et justement relevé ce défaut dans certains propos de Pyrrhus, ou d'Oreste, dans le rôle de la plupart des « jeunes premiers » de Racine, Britannicus, Bajazet, l'Achille d'Iphigénie, l'Hippolyte de Phèdre, le Xipharès de Mithridate, ou dans certains tours de style, certaines métaphores qui étaient à la mode dans la poésie galante. Il y a sinon une excuse, du moins une explication de ces traces de galanterie chez Racine; il a subi l'influence de ce milieu d'opinion qui survit même après 1667, après Andromaque.

Sans doute les salons précieux se sont transformés, on ne lit plus guère les romans de Mme de Scudéry ou de La Calprenède.

Mais on goûte toujours les madrigaux, bouts-rimés, élégies, idylles galantes de Benserade, Sarasin, Pellisson, les romans galants de M'"e de Villedieu, les pièces à spectacle et musique d'où vont sortir les opéras de Lulli qui sont le grand engouement du siècle et où l'amour n'est que pure galanterie.. »

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