Chanson d'automne de Oscar-Vadislas de Milosz, Le poème des décadences.
Extrait du document
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L'évocation de l'automne est un sujet souvent traité par les poètes qu'ils appartiennent au mouvement baroque qui
aime traduire le changement et la mouvance du monde ou au Romantisme parce que cette saison se prête à des
accents mélancoliques.
Telle est en effet la tonalité de cette Chanson d'automne du poète d'origine lithuanienne
Milosz.
Cet auteur de romans, de pièces de théâtre qui célèbre le verbe, l'amour divin et transcrit des visions
mystiques est plus connu pour sa poésie décadente, morbide.
Nul en effet plus que lui ne mérite le terme de poète décadent (adjectif qu'il emploie pour le titre d'un de ses recueils)
si l'on comprend le mot comme une attirance profonde vers le désespoir, la mort, la vanité de toute entreprise.
L'automne est la saison de la mort et le genre de la « chanson » n'atténue en rien le pessimisme de Milosz.
L'automne est ici une saison traitée sur le mode symbolique et non réaliste par un auteur dominé par la fuite du temps
et le désespoir.
***
L'automne est souvent considéré comme une saison intermédiaire entre l'été qui incarne l'abondance, la maturité, et
l'hiver, symbole de mort ou du moins d'endormissement de la nature.
Milosz accentue cette tradition en réduisant
l'automne à un passage, un lieu et un espace vidés de sens qui annoncent la mort.
La saison et le texte sont traversés
par le vent, seule présence à
peu près vivante, que le refrain met en valeur par ses nombreuses occurrences (vers 1, 2, 4, 8, 12, 16, 20 et 24) et
son allitération en [V] « Ecoutez la voix du vent ».
La fuite du temps est également soulignée par la totale
dématérialisation de l'automne.
La plupart des poètes en effet commencent par évoquer cette saison avant d'en tirer
un symbolisme quelconque.
Les ors des feuillages, les fruits, les activités humaines de l'automne sont prétextes à des
descriptions, à des tableaux.
Ceux-ci peuvent être colorés comme chez Lamartine,
Salut, bois couronnés d'un reste de verdure, Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature Convient à la douleur et plaît à mes regards [...]
(L'Automne)
ou volontairement plus estompés comme ces deux derniers vers d' « Automne » d'Apollinaire (Alcools) :
Oh ! l'automne l'automne a fait mourir l'été
Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises.
Milosz ne procède à aucune description ; l'automne est une pure saison mentale.
On ne peut en effet taxer de
descriptifs des vers comme :
Il n'y a plus de feuilles, il n'y a plus de fruits Dans les vergers détruits
qui célèbrent l'absence, soulignée par le rythme régulier.
L'automne s'insère dans un déroulement temporel, celui des saisons.
Les feuilles et les fruits tombés évoquent
l'automne et le souvenir de l'été au vers 13 :
Les lambeaux de l'été suivent le vent de la plaine.
Les intempéries de l'automne annoncent le règne de l'hiver avec la métaphore de la neige et l'évocation de la
tourmente, toutes deux liées à la fuite du temps :
L'implacable oubli neige sinistrement Sur les tombes des amis et des amants...
et
Tous vos souvenirs, toutes vos peines
Se disperseront dans la tempête muette du Temps.
L'adjectif « muette » souligne d'ailleurs que cette tempête est métaphorique et non réaliste : Milosz refuse toute
peinture pittoresque de l'automne.
Le cycle de la nature est, de manière assez traditionnelle, lié au déroulement de la vie humaine.
La différence entre les
deux notions, celle de cycle et celle de déroulement sans retour, engendre le pessimisme.
Les âges de la vie sont
évoqués au troisième vers :
Malédiction des morts, berceuse des vivants.
On notera l'ordre : le poète commence par la mort soulignée par l'allitération en [M].
Le rythme régulier met sur un
même plan la mort et la vie si bien que le mot « berceuse » fait moins référence à la naissance qu'à un endormissement
dont on ne sait s'il est le sommeil, l'engourdissement de l'hiver ou une variante de la mort.
Le temps s'écoule
implacablement sans que l'Homme puisse s'y opposer.
L'impuissance, qui fonde l'absurdité de la condition humaine,
s'oppose aux pouvoirs du vent et du temps.
Les derniers vers de la chanson évoquent avec un désespoir résigné la
fuite du temps :
Nous irons rêver, demain, sur les ruines D'Aujourd'hui.
Le futur, la métaphore des « ruines » et l'alliance de mots entre « hier » et « aujourd'hui » soulignent combien toute
acti-vité est vaine devant la destruction.
Le motif de la fuite du temps est généralement associé à celui du souvenir qui peut en atténuer le pessimisme.
En
effet, le souvenir permet de lutter contre le temps en ressuscitant le passé et en s'opposant à ce flux implacable qui.
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