Charles-Ferdinand RAMUZ. (Derborence, 1934)
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Charles-Ferdinand RAMUZ. (Derborence, 1934)
[Charles Ferdinand Ramuz est un romancier suisse de langue française. L'action de Derborence se situe dans le Valais, pays alpin voué à l'élevage. Dans l'extrait proposé, une jeune femme regarde la montagne au-dessus de son village ; elle pense à son mari, qu'elle a épousé quelques mois auparavant, et qui est berger dans la montagne.]
En face d'elle, et juste au niveau de ses yeux, il y a les montagnes. Il n'y en a pas seulement une, ni deux, ni dix, mais des centaines ; elles sont rangées en demi-cercle comme une guirlande de fleurs suspendue dans le bas du ciel. C'est plus haut que les forêts, plus haut que les pâturages, plus haut que les rochers ; là flottent toutes ces neiges, toutes ces glaces coloriées, qui sont étrangement détachées de ce qui les porte, qui sont devenues étrangères à leurs soubassements que l'ombre a déjà noircis. Et plus l'ombre augmente au-dessous d'elle, plus elles deviennent légères, plus aussi leur clarté s'accroît, qui est faite de tous les roses, de tous les rouges, de tous les tons de l'or ou de l'argent. Alors ça lui a fait doux autour du cœur. En avril, quand on s'est marié, les pêchers étaient en fleurs. Ils recommencent a fleurir, c'est une promesse. Elle a parcouru de l'oeil toute la chaîne, encore une fois : c'est comme quand le pêcher fleurit, en effet, comme quand l'églantine s'ouvre, comme quand le cognassier plus incertain, plus timide, plus tardif, montre le dernier ses bouquets ; car les montagnes à ce moment ont commencé à pâlir, à passer ; elles se fanent, elles deviennent grises ; mais qu'est-ce que ça fait? pense-t-elle, parce que demain elles refleuriront.
Liens utiles
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