Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, Lettre 81
Publié le 22/02/2023
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Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, Lettre 81
Roman épistolaire du XVIIIe siècle, Les Liaisons dangereuses narre les manigances
de deux libertins: la marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont.
Les libertins aux
XVIIe et au XVIIIe siècles revendiquent leur liberté dans le domaine de la pensée
comme dans celui des mœurs.
Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées? quand
m’avez-vous vue m’écarter des règles que je me suis prescrites, et manquer à mes
principes? je dis mes principes, et je le dis à dessein: car ils ne sont pas comme
ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et suivis par
habitude, ils sont le fruit de mes profondes réflexions; je les ai créés, et je puis dire
que je suis mon ouvrage.
Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j’étais vouée par état au
silence et à l’inaction, j’ai su en profiter pour observer et réfléchir.
Tandis qu'on me
croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu’on s’empressait
à me tenir, je recueillais avec soin ceux qu’on cherchait à me cacher.
Cette utile curiosité, en servant à m’instruire, m’apprit encore à dissimuler:
forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux de ceux qui
m’entouraient, j’essayai de guider les miens à mon gré; j’obtins dès lors de prendre à
volonté ce regard distrait que vous avez loué si souvent.
Encouragée par ce premier
succès, je tachai de régler de même les divers mouvements de ma figure.
Ressantais-je quelque chagrin, je m’étudais à prendre l’air de la sérénité, même
celui de la joie; j’ai porté le zèle jusqu’à me causer des douleurs volontaires, pour
chercher pendant ce temps l’expression du plaisir.
Je me suis travaillée avec le
même soin et plus de peine, pour réprimer les symptômes d’une joie inattendue.
C'est ainsi que j’ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je
vous ai vu quelquefois si étonné.
J’étais bien jeune encore, et presque sans intérêt:
mais je n’avais à moi que ma pensée, et je m’indignais qu’on put me le ravir ou me
surprendre contre ma volonté.
Munie de ces premières armes, j’en essayai l’usage:
non contente de ne plus me laisser pénétrer, je m’amusais à me montrer sous des
formes différentes; sûre de mes gestes, j’observai mes discours; je réglai les uns et
les autres, suivant les circonstances, ou même seulement suivant mes fantaisies:
dès ce moment, ma façon de penser fut pour moi seule et je ne montrai plus que
celle qu’il m’était utile de laisser voir.
Ce travail sur moi-même avait fixé mon
attention sur l’expression des figures et le caractère des physionomies; et j’y gagnai
ce coup d'œil pénétrant, auquel l’expérience m’a pourtant appris à ne pas me fier
entièrement; mais qui, en tout, m’a rarement trompée.
A) Présentation du passage et projet de lecture:
➔ Présentation et situation de l’extrait:
- Les Liaisons dangereuses est un roman épistolaire: entièrement écrit par lettres
entre deux libertins qui étaient amants: Marquise de Merteuil et Vicomte de Valmont.
Ces derniers passaient leur temps à séduir des jeunes gens religieux et les
détourner de la vertu.
Ils lançaient des défis pour savoir qui arriverait à séduire telle
et telle personne.
- La Lettre 81 est une lettre ou la Marquise explique quel genre de personne elle est et
comment elle est devenue ainsi.
➔ Composition de l’extrait:
- Dans cette lettre, La Marquise se montre différente des autres femmes, elle incarne
un personnage en marge de la société, un personnage qui ne respecte pas les
normes et les attentes sociales.
Cette dernière exprime sa fierté d’avoir un caractère
fort assez indépendant.
Dans cette lettre, La Marquise est totalement honnête dans
son discours avec Vicomte.
- Nous nous demanderons:
● Quelle image la Marquise donne-t-elle d'elle-même ?
➔ Plan de l’explication:
Mouvement 1: “ligne 1-5” ; Mme de Merteuil se définit par opposition aux autres
femmes.
Mouvement 2:“ligne 6-17”; Comment Mme de Merteuil s’est formée à la dissimulation
Mouvement 3: “ligne 18-28” ; Mme de Merteuil affirme sa puissance
B) Analyse linéaire :
➢ Premier mouvement :
Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées? quand m’avez-vous
vue m’écarter des règles que je me suis prescrites, et manquer à mes principes? je dis mes
principes, et je le dis à dessein: car ils ne sont pas comme ceux des autres femmes, donnés
au hasard, reçus sans examen et suivis par habitude, ils sont le fruit de mes profondes
réflexions; je les ai créés, et je puis dire que je suis mon ouvrage.
-
-
une très forte présence du pronom personnel “je” renforcée à la première phrase par
le pronom personnel intensif “moi” ainsi que les pronoms possessifs du première
personne du singulier “mes” “mon” viennent souligner la côte de narcissisme et de
fierté chez Mme de Merteuil.
des questions rhétoriques (à Vicomte) interpellent le lecteur et cherchent à attirer son
attention
-
Ces questions rhétoriques viennent opposer La Marquise aux restes des femmes:
moi ≠ des autres femmes : désignées avec mépris
- l’adjectif péjoratif “ inconsidérées “
- le déterminant démonstratif “ces” : une manière de les
rejeter loin d’elle
+ rythme ternair ; les groupes participes “donnés” “reçus”
“suivis” ; qui est chargé par un sentiment de mépris
vis-à-vis de ces femmes qui ,pour elle, respecte les règles
de la société sans réfléchir
≠ La Marquise: elle a ses propres règles et qui affirme son indépendance en créant ses propres
règles et manières de vivre :
- La répétition du verbe “dire” montre son insistance sur ses propres paroles, ce qui
montre qu’elle est fière de ce qu’elle est.
➢ Deuxième mouvement :
Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j’étais vouée par état au silence
et à l’inaction, j’ai su en profiter pour observer et réfléchir.
Tandis qu'on me croyait étourdie
ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu’on s’empressait à me tenir, je recueillais
avec soin ceux qu’on cherchait à me cacher.
Cette utile curiosité, en servant à m’instruire, m’apprit encore à dissimuler: forcée
souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux de ceux qui m’entouraient, j’essayai
de....
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