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Chrétien de Troyes

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C'est sans doute vers 1158 ou 1160 que Chrétien de Troyes commence à écrire et donne des traductions du poète latin Ovide, traductions qui ont été perdues. Il écrit dans la même période, semble-t-il, une version de Tristan et Iseult. Durant les vingt années qui suivent, il compose cinq romans en vers octosyllabiques aux rimes plates. Parmi eux Lancelot ou Le Chevalier à la charrette, Yvain ou Le Chevalier au lion, et Perceval ou Le Conte du Graal. Ces deux derniers romans qui transposent, dans la société courtoise d'amour, de fêtes et de tournois, les personnages celtiques des chevaliers de la Table ronde, sont dédiés à la fille d'Aliénor d'Aquitaine qui épouse Henri Ier le Libéral en 1164, et à Philippe d'Alsace, comte de Flandre. Les histoires d'amour qu'il convient de prouver et celles d'aventures dont triomphe la bravoure, qui s'entrecroisent dans ces textes, sont les premiers signes de ce qui fonde le roman en France. Au XIXe siècle, Chrétien de Troyes sort lentement de l'ombre dans laquelle il était plongé depuis la fin du Moyen Âge. Mais sa connaissance reste bornée au petit cercle des médiévistes, surtout à son éditeur enthousiaste, Wendelin Foerster, qui voit en lui un romancier à thèse, à Gaston Paris qui le considère comme un conteur aimable, élégant et un peu maniéré. Grâce à la grande monographie de Gustave Cohen et aux différentes adaptations des romans de Chrétien en français moderne, le public cultivé de nos jours fait la découverte d'un romancier de tout premier plan. Edmond Jaloux, parlant de " réalisme magique " à propos des oeuvres les plus représentatives de l'entre-deux-guerres 1919-1939, remarque que " l'équilibre des divers plans, ou tremplins, de l'oeuvre d'art, jouant à la fois sur l'immédiat et sur le médiat, a été rarement aussi bien obtenu que par ce chanteur de la Champagne ".

« Chrétien de Troyes C'est sans doute vers 1158 ou 1160 que Chrétien de Troyes commence à écrire et donne des traductions du poète latin Ovide, traductions qui ont été perdues.

Il écrit dans la même période, semble-t-il, une version de Tristan et Iseult.

Durant les vingt années qui suivent, il compose cinq romans en vers octosyllabiques aux rimes plates.

Parmi eux Lancelot ou Le Chevalier à la charrette, Yvain ou Le Chevalier au lion, et Perceval ou Le Conte du Graal.

Ces deux derniers romans qui transposent, dans la société courtoise d'amour, de fêtes et de tournois, les personnages celtiques des chevaliers de la Table ronde, sont dédiés à la fille d'Aliénor d'Aquitaine qui épouse Henri Ier le Libéral en 1164, et à Philippe d'Alsace, comte de Flandre.

Les histoires d'amour qu'il convient de prouver et celles d'aventures dont triomphe la bravoure, qui s'entrecroisent dans ces textes, sont les premiers signes de ce qui fonde le roman en France. Au XIXe siècle, Chrétien de Troyes sort lentement de l'ombre dans laquelle il était plongé depuis la fin du Moyen Âge.

Mais sa connaissance reste bornée au petit cercle des médiévistes, surtout à son éditeur enthousiaste, Wendelin Foerster, qui voit en lui un romancier à thèse, à Gaston Paris qui le considère comme un conteur aimable, élégant et un peu maniéré.

Grâce à la grande monographie de Gustave Cohen et aux différentes adaptations des romans de Chrétien en français moderne, le public cultivé de nos jours fait la découverte d'un romancier de tout premier plan.

Edmond Jaloux, parlant de " réalisme magique " à propos des oeuvres les plus représentatives de l'entre-deux-guerres 1919-1939, remarque que " l'équilibre des divers plans, ou tremplins, de l'oeuvre d'art, jouant à la fois sur l'immédiat et sur le médiat, a été rarement aussi bien obtenu que par ce chanteur de la Champagne ".

Le sourire charmant des romans de Chrétien cache le même mystère que le sourire de l'ange de Reims et, comme dans toute oeuvre du Moyen Âge, toute aventure se double chez Chrétien d'une signification profonde, qui est l'expression symbolique de ce que le poète considère comme l'essence des choses.

Tout roman de Chrétien, comme toute véritable oeuvre d'art, est une grande aventure du poète lui-même.

Il en est ainsi d'Erec, de Cligès, de Lancelot ou le Chevalier à la charrette, de Guillaume d'Angleterre, d'Yvain ou le Chevalier au lion, de Perceval ou le Conte du Graal, qui nous sont conservés et qui s'échelonnent de 1155 à 1190 environ : il en était sans doute ainsi du Tristan et des contes ovidiens perdus, avec lesquels Chrétien avait débuté sa carrière dans les cours de Marie de Champagne, de Philippe de Flandre et probablement de Henri II d'Angleterre et de sa célèbre épouse, Aliénor d'Aquitaine.

Depuis le XXe siècle, on s'est aperçu que non seulement la psychologie de Chrétien, mais aussi la composition de ses romans sont d'un raffinement inouï, ou plutôt qu'elles sont le résultat même de " l'aventure du poète " à la recherche du sens de la vie.

Chrétien, sur les traces de l'historien génial et fantaisiste qu'était Geoffroi de Montmouth dans son Historia regum Britannia, et de son traducteur français, maître Wace, a pour ainsi dire créé de plain-pied tout ce fameux " cycle breton ", qui n'a souvent de breton et de celtique que les noms des héros et des lieux où l'action se déroule.

Geoffroi de Montmouth avait inventé la fameuse cour du roi Arthur pour revendiquer aux rois normano-angevins d'Angleterre un droit moral de succession, d'un côté contre les Anglo-Saxons, de l'autre, contre les rois de France qui se paraient de la légende de Charlemagne, et les empereurs d'Allemagne qui se proclamaient successeurs de Rome.

Chrétien se sert de cette cour d'Arthur et de la " table ronde " de ses chevaliers, que nous rencontrons pour la première fois chez Wace, pour créer nouveau type de communauté humaine.

Ce n'est pas la communauté impériale, chrétienne et féodale qui apparaît dans les chansons de geste autour de la majestueuse figure de Charlemagne.

La cour d'Arthur est uniquement fondée sur un idéal commun, l'idéal du chevalier.

Elle vit dans une apparente oisiveté et ne s'occupe que de l'amour et de la chasse ; il n'y a pas d'entreprise commune contre l'ennemi extérieur ou intérieur de l'empire, comme dans les chansons de geste.

Mais la cour d'Arthur a une fonction inconnue à la cour de Charles.

Elle représente le point de départ et le point d'arrivée de la grande aventure de la vie individuelle, à laquelle le chevalier élu est appelé.

Cette aventure est essentiellement la défense d'une juste cause contre des êtres hommes, géants, monstres qui sont la négation de la chevalerie.

Dans cette aventure, ou plutôt dans cette suite d'aventures extraordinaires et variées, le chevalier a l'occasion de réaliser l'idéal de chevalerie dont il n'a peut-être au départ qu'une vague idée.

La chaîne d'aventures du chevalier, parti de la " table ronde " pour revenir y trouver l'approbation de la cour, est au fond une recherche de soi-même, non seulement comme individu mais comme membre de la société, comme personnalité.

Chrétien a puisé largement dans toutes les sources possibles, dans les contes et mythes antiques autant que celtiques.

Il en fait toujours un usage extrêmement libre et souverain.

Les savants modernes, arrêtés par certains passages obscurs, étranges en apparence, crurent souvent le surprendre à méconnaître le mythe primitif.

Avec un peu plus d'expérience de l'homme du Moyen Âge, qui attribue un sens profond à chaque geste, à chaque attitude dans l'art comme dans la vie, on voit cependant facilement que ce sont justement les passages les plus mystérieux, les plus énigmatiques, qui nous révèlent le fond même du récit et de sa composition.

Ainsi cette façon étrange de ne nommer son héros, comme Lancelot ou Perceval, qu'au milieu du roman, loin d'être une mystification, fournit la clef même de l'aventure.

On apprend le nom de Lancelot au moment où son sort se décide dans un combat singulier en présence de sa " dame ", la reine Guenièvre.

Perceval, le jeune niais, n'a été que le " beau fils " de sa mère, le " beau frère " de ses proches, le " beau sire " de ses serviteurs, jusqu'à ce que, après sa première visite au château du graal, il rencontre dans la forêt une pucelle.

Apprenant qu'il vient du château visible aux seuls élus, apprenant qu'il a complètement failli à son devoir en ne posant pas la question qui l'aurait révélé digne de devenir le chevalier du graal, cette pucelle lui demande : " Quel est ton nom, ami ? " Et Perceval, " qui son nom ne savait ", se plonge dans l'abîme de son existence et en devine le sens en devinant son nom : " Perceval le Gallois ".

A la lumière de cette scène tout le roman et sa composition enchevêtrée apparaissent sous un nouveau jour : Perceval, en trouvant son nom, saisit obscurément le sens de sa vie.

" Ton nom, lui a dit la pucelle, n'est pas " Perceval le Gallois ", mais " Perceval le Chétif ".

Et sa vie sera à partir de ce moment une marche de " Perceval le Chétif " vers " Perceval le Gallois ".. »

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