CLEOPATRE, REINE D'EGYPTE - PLUTARQUE, (50 à 120 après J.C.) , (Texte traduit du grec)
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CLEOPATRE, REINE D'EGYPTE
Longtemps après sa mort (en 30 av. J. C.), Cléopâtre continue à inspirer les écrivains et les poètes. La réalité et la légende se mêlent dans les récits qui évoquent sa vie, son règne, ses amours et son destin tragique. Sa rencontre avec Antoine, le général romain, est restée célèbre.
Aussi, malgré la fréquence des invitations qu'elle recevait d'Antoine lui-même et de ses amis, elle le méprisa et se moqua de lui à tel point qu'elle remonta le Cydnos à loisir, sur un navire à la poupe d'or, aux voiles de pourpre largement déployées, dont les rames étaient d'argent et se manoeuvraient au son de la flûte, associé à celui des pipeaux et des cithares. Elle-même était étendue sous une tente brodée d'or, parée comme Aphrodite sur les tableaux, et des enfants semblables aux Amours des peintres, debout de chaque côté, l'éventaient. De même les plus belles de ses suivantes, vêtues en Néréides et en Grâces, étaient, les unes au gouvernail, les autres aux câbles. Des odeurs d'une suavité merveilleuse, exhalées par des parfums nombreux embaumaient les rives du Cydnos. Quant aux gens du pays , les uns, tout de suite en partant de l'embouchure du fleuve, escortaient la Reine de chaque côté; les autres descendaient de la ville pour voir ce spectacle. La foule se répandant sur la place, à la fin Antoine lui-même fut laissé seul assis sur son tribunal. Et le bruit courut dans toute l'assistance qu'Aphrodite venait festoyer chez Dionysos (3) pour le bien de l'Asie. Il envoya donc inviter Cléopâtre à dîner; mais elle lui demanda de venir plutôt chez elle. Aussitôt, pour montrer de la bonne grâce et de la complaisance, il se rendit à l'invitation. Dans ce décor indescriptible, il fut surtout émerveillé de l'abondance des lumières. Il y en avait tellement, dit-on, descendant du plafond et attachées à la muraille, étincelant de tous les côtés à la fois, disposées ingénieusement les unes à côté des autres, en forme de rectangles et de cercles, que cette illumination était du petit nombre des spectacles vraiment beaux et dignes d'être contemplés.
Le lendemain, Antoine la traitait à son tour. Il s'efforça de surpasser l'éclat et la belle ordonnance du festin de Cléopâtre; mais, à ces deux points de vue, il se montra inférieur, eut le dessous. Il fut d'ailleurs le premier à railler la mesquinerie et la grossièreté du service. Cléopâtre, elle, entrevoyant à différentes reprises, dans les railleries d'Antoine, le soldat et l'homme vulgaire, lui répondit désormais avec beaucoup de sans-gêne et d'aplomb. En effet, à ce qu'on dit, sa beauté en elle-même n'était pas absolument incomparable, ni faite pour émerveiller. Mais sa conversation avait un charme irrésistible; et la perfection de sa personne, rehaussant la force persuasive de sa parole et l'agrément de son commerce, laissait un aiguillon dans les coeurs . On avait du plaisir rien qu'à écouter le son de sa voix ; elle employait aisément sa langue, comme un instrument à plusieurs cordes, à parier le dialecte qu'elle voulait, et il y avait un très petit nombre de Barbares auxquels elle dût parler par interprète. Elle donnait à la plupart d'entre eux la réplique par elle-même, par exemple aux Éthiopiens, auxTrogiodytes(4), auxjuifs, auxarabes, auxsyriens, auxmèdes, aux Parthes (5) . Elle savait encore, dit-on, plusieurs autres langues, alors que les rois, ses prédécesseurs, n'avaient pu même apprendre l'égyptien, et que, pis encore, certains d'entre eux ne savaient plus le macédonien.
Pour le moment, elle conquit Antoine. Il se laissa entraîner par elle à Alexandrie. Là, comme un adolescent en vacances, il passait son temps en plaisirs et en jeux, dépensant pour s'amuser la plus grande des richesses, qui, d'après Antiphon, est le temps. Ils avaient formé une association dite de la vie inimitable, et chaque jour ils se festoyaient mutuellement avec une prodigalité incroyable.
PLUTARQUE, (50 à 120 après J.C.) , (Texte traduit du grec)
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