Commentaire - BAC GÉNÉRAL 2022 Épreuve de Français - Sylvie Germain
Publié le 26/09/2022
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«
BAC GÉNÉRAL 2022Épreuve de Français
Commentaire
Éléments d’introduction
:
Le roman est souvent défini, à juste titre, d’abord par son caractère narratif,
centré autourd’un ou de plusieurs personnages, et l’on a parfois tendance à
occulter ses origines versifiées.
Or larecherche de poétisation de l’écriture
romanesque est une v
oie qui, tout en ayant toujours perduré,est particulièrement explorée par les
romanciers depuis la deuxième moitié du XX
e
siècle.
Ayant
commencé par l’écriture de contes et nouvelles, Sylvie Germain a emprunté cette
voie dans ses
romans aux accents merveilleux.
Les « Chants » de ses
Jours de colère
publiés en 1989 se situent
dans les forêts du Morvan, dans un passé indéterminé où ont grandi les neuf fils
d’Ephraïm
Mauperthuis et de Reinette-la-Grasse.
Le chapitre « Les Frères » brosse leur
portrait.
Nous nous
demanderons donc dans quelle mesure ce portrait collectif des frères révèle
l’univers poétique du
roman.(Les grandes parties du plan doivent ici être annoncées de manière
rédigée.
Nous les proposons ci-dessous sous forme de plan détaillé).
I.
Le portrai
t collectif d’hommes –
forêts
Cette page, dans un premier temps, donne à lire le portrait collectif des neuf
frères.1)
Un portrait romanesque qui construit l’attente du lecteur
●
La p
remière phrase de l’extrait
est une phrase à construction attributive qui permet
de typologiser les personnages qui vont être au centre de l’extrait.
Le pronom
quiouvre le paragraphe crée un effet d’attente.
Le lecteur n’a pas de référence
pour ce
pronom.
●
Ce n’est que dans le dernier paragraphe de l’extrait que l’on a une désignation
plus
précise «
Ils étaient les fils d’Ephraïm Mauperthuis et de Reinette
-la-Grasse » l.21/22
qui reprend la même construction attributive que la première phrase de l’extrait.
●
Le portrait se construit par touches successives, caractéristiques à la fois
physiques,morales et sociales : « puissance » l.2, « « solitude » l.2, « accents de
colère » l.10, « troppauvre » l.22.2)
Un portrait collectif
●
Le portrait n’est pas celui d’un personnage mais de neuf personnages
qui semblent
n’en former qu’un seul.
●
Usage des pluriels : pronoms « ils » l.1, l.10, « eux » l.10, « les » l.21, « hommes »
l.1, « lesfils » l.21.
●
Des personnages indistincts : pas de déterminants « Ils étaient hommes » l.1, et
sanscaractéristiques individuelles : définis comme «
fils de…
» l.21, le verbe « connaître »
(x2) qui pourrait caractériser l’un des personnages a pour sujet un «
ils » qui prendpresque une valeur indéfinie.3)
Un portrait d’hommes des bois
●
La principale caractéristique des personnages est leur lien, leur appartenance à
la
forêt, mise en évidence dès le début de l’extrait avec l’anadiplose «
… des forêts.
Et lesforêts…
».
●
Ce lien est si fort qu’ils deviennent presque étrangers à l’humanité
.
La premièrephrase les définit comme « hommes
» alors qu’à la ligne 11, ils ont été élevés
« davantage parmi les arbres que parmi les hommes » : parallélisme de
construction
qui semble signifier qu’ils n’appartiennent ni à l’un ni à l’autre.
II.
Une allégorisation de la forêt
À travers le portrait de ces hommes, c’est la forêt qui se dessine, une forêt
allégorisée.
1)
Un refuge
●
La forêt les recueille quand leur maison construite par l’homme ne peut plus les
« abriter ».
●
L’évocation des habitudes des animaux parmi lesquels ils ont grandi
(« bêtes quigîtent dans les forêts », « se glissent les renards, les chats
sauvages », « les venellesque frayent les sangliers ») est une analogie avec le
mode de vie des frères protégéspar la nature.2)
Une mère nourricière
●
La forêt est représentée comme une mère nourricière qui remplace la mère
desneufs frères : «
Ils s’étaient nourris depuis l’enfance des fruits…
; » l.11, phrase qui doitêtre lue en parallèle de « pour pouvoir les nourrir » l.21.
Lla « maison », dans ledernier paragraphe, est présentée comme celle qui devrait
non seulement« abriter » mais aussi « nourrir ».
Ses fonctions nourricières ont
été occultées par laforêt.
●
Le nom des parents n'apparaît
qu’en dernière ligne, pour désigner les fils.
3)
Une divinité créatrice
●
La forêt est présentée comme une divinité créatrice.
●
Référence biblique : « Et les forêts les avaient faits à leur image ».
●
Caractère immuable voire éternel souligné par l’hyperbole «
des millions de siècles »,
ou l’expression «
passages séculaires ».
●
Évocation des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle comme venus
rendrehommage à cette divinité.
III.
Une écriture romanesque du tout
Audelà du lien entre les frères et la forêt, l’écriture de cette page apparaît comme
ce qui permet de
créer un univers poétique et mystique.1)
Union subtile de l’homme et de la forêt
●
Multiplication des expressions alliant hommes et forêts : « leur sol commun » ;«
hommes et arbres » ; « un même chant »,
●
La « colère » qualifiant le chant de la forêt à la fin du premier paragraphe
et repriseau début du second paragraphe pour qualifier les « accents » des
hommes.
●
Rythme ternaire de l’énumération «
les bêtes, les hommes et les étoiles » qui lie lestrois entités : forêt, homme,
cosmos.2)
Un univers à la mesure de l’homme et du cosmos
●
Le passage crée un véritable univers.
Tous les éléments de la nature
sontreprésentés : végétal, animal, minéral.
●
Évocation régulière du cosmos : « voie lactée », « étoiles
»… qui est à l’image de laforêt (ou l’inverse)
: insistance avec les trois expressions « en parallèle », « enmiroir », « comme en
écho ».
●
Lien entre hommes, forêt et cosmos par l’évocation du d
essin : « à leur image »,« dessinent au ciel les étoiles ».3)
Un chant poétique
●
Plus qu’un portrait, cette page est un chant, une célébration de
l’univers formépar la forêt, l’homme et les cosmos.
●
Jeux sur les répétitions anaphorique de « chant », de manière entêtante,
commeun mantra.
●
Vocabulaire de la musique, du rythme.
●
Célébration de la rudesse de ce monde mais aussi de sa force de vie.
Éléments de conclusion :
●
Page qui pourrait être la présentation des personnages (cf.
titre du chapitre «
frères ») maisqui déjoue les attentes du lecteur en fournissant un portrait
allégorique qui laisse peu de priseau lecteur.
●
Ce qui est présenté, c’est plus un univers, à la fo
is poétique, cosmique et presque merveilleux,
une forêt peuplée d’êtres que l’on ne peut saisir, un monde célébré par un chant
poétique
purement romanesque.
DissertationSujet A
Victor Hugo,
Les Contemplations
, Livres I à IVLes livres I à IV des
Contemplations
ne sontils qu’un chant intime
?
Les Contemplations
, « grand espace de temps dans une vie de mortel », comme le rappelle lacitation
latine placée en introduction par Victor Hugo, ont été écrites en vingt-cinq ans
et sontparues en 1856.
Le « je
» y est omniprésent, assumé avec force, et proche de l’auteur
: il s’agit derestituer deux pans de l’évolution d’une «
âme
», avant et après l’épreuve du deuil.
L’ouvrage se
trouve donc à la croisée des genres poétique et autobiographique.Mais peut-on
ramener cette expérience narrative et poétique à la seule expression rythmée
etsonore de la personnalité
? En effet, le poète revendique avec force, et dès l’introduction,l’universalité.
Il
tend à dilater son expérience individuelle.
Il s’agit d’en faire le dit de tout
humain,
confronté à la vie.
Dès lors, l’in
timité paraît entourée, peutêtre dépassée par d’autres enjeux
: le « je », le chant intime,dans
Les Contemplations
, ne seraitil, au fond, qu’un prétexte
?
I.
Un chant intime : les mémoires poétiques de Victor Hugo
1.
Aria
Les C.
mettent en évidence l’évolution d’un homme au fil de ses
expériences.
Les premières
amours, par exemple, sont mentionnées avec parfois un soupçon d’auto
-dérision (Vieille chanson du jeune temps, Aurore ».
Par contraste, « A
Villequier » met en évide
nce la maturité d’un homme qui a
traversé de terribles épreuves, et une violente révolte métaphysique.
Les C.
ont
donc quelque chosedu « grand air
» d’une vedette de l’opéra, qui se met à l’avant
-scène pour faire valoir avec brio sonexpérience, sa virtuosité.2.
Aubade
Passage obligé de la poésie lyrique romantique, l’exploration du
monde intérieur
prend ici toute saforce.
« Il faut que le poète
, épris d’ombre et d’azur
», exprime ce qu’il ressent
: le champ lexical de lasensibilité est très vaste dans les C.
« Frissons, caresses,
ivresses, rêves » ont la part belle dans lespremiers poèmes, alors que les «
luttes, haines, colères, effrois » prennent leur part dans la suite.
Cette revue des émotions éprouvées, adressée au lecteur, prend la forme d’une
co
nfidence.3.
Chanson populaire
Les C.
sont l’œuvre d’une vie, mais d’une vie de poète rompu à toutes les finesses
de la versification.Les textes sont toujours d’une grande
musicalité
, sur le modèle de la « flûte invisible » (musicalitérevendiquée dans la « Vieille
chanson du jeune temps »).
Les rythmes et les sons sont utilisés avec la
liberté des romantiques, comme le rappelle la «
Réponse à un acte d’accusation
».
Recréant le
monde ou le reflétant par la parole, le chant intime est aussi l’écho attentif du
chant du monde.
Tr : Le s
olo se révèle donc aussi polyphonie, dans une poésie qui se voue à dire
l’expérience humaine
et la beauté parfois fragile du monde.
II.
Un hymne global et universel
1.
Litanie spirituelle
Le chant intime, léger ou profond, se dilate à la mesure de l’universel quand il
s’agit de
méditer surla vie
et son sens ou son absurdité.
Cet agrandissement de l’individuel se ressent, par exemple,
dans la révolte contre Dieu dans « A Villequier » : «
Seigneur, je reconnais
que l’homme est en délire/S’il ose murmurer,/Je cesse
d’accuser, je cesse de maudire,/Mais laissez
-moi pleurer » permet deretrouver les grandes phases du deuil humain.
Le « je »
poétique devient donc ici philosophique etuniversel.2.
Symphonie
Cette universalité ne s’applique pas seulement aux aspects les plus accablants de
la vie, et quel’expression de la joie, du rire, de l’interrogation, de l’engagement
politique, de la consolation, estaussi présente dans les C.
L’évocation des
bigarreaux, des araignées et des orties, d’un maîtred’études, ou encore du ciel,
de l’hiver, de la foire, de Charles Vacquerie, bien qu’elles soient mises en
ordre de manière très étudiée, forment une mosaïque ou une symphonie : la
poésie permet decélébrer la
divers
ité et la richesse de l’expérience de la vie
humaine, en faisant entendreharmonieusement ses voix si diverses.3.
Choral(e)Dans le même temps, le poète met en relief
d’autres personnalités
: nombreux sont ici les portraits
d’enfants chantant ou travailla
nt, de femmes aimées ou désespérées, les instantanés de scènes deménage
(Intérieur, Les luttes et les rêves) ou, dans la même section, les portraits pris
sur le vif de
limonier ou d’avocat.
Par le poème, chacun trouve son expression
: le poète rend compte de pensées
intimes prêtées à d’autres personnages.
L’œuvre devient ainsi chorale, sans
quitter le champ de la
réflexion personnelle
: elle ne proclame pas de slogans, mais, faisant œuvre d’empathie, donne la
parole à ceux qui pourraient rester sans voix.Tr :
Les C., en exprimant l’intime, s’attachent aussi à rendre compte de la mosaïque
de sensations,d’idées, d’expériences parfois fugitives dont est formée l’intimité
personnelle du poète, ou de
celledes
humains qu’il a écoutés et rencontrés.
III.
Une musi
que invitant à savourer la vie, cultiver l’espoir
1.
Le récitatif de la préface
Les C.
bouleversent la définition habituelle du lyrisme, expression d’une
sensibilité particulière, pour
assigner une nouvelle ambition à la poésie.
Cet agrandissement est assumé par
Victor Hugo, quidepuis les Voix intérieures, avait clairement formulé son
ambition : « Il vient un moment dans la vie
où, l’horizon s’agrandissant sans cesse, un homme se sent trop petit
pour continuer de parler en sonnom.
(…) C’est encore l’homme, mais ce n’est plus
le moi
».
À cet effacement, ou à cette fusion du soidans l
’universel, répond la proclamation des C.
: « Quand je vous parle de moi,
je vous parle de vous
.Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi ! ».
La prose annoncela nouvelle vocation universelle de la poésie, qui, en captant les
instants où se forme la sensibilitéindividuelle, accède à la nature humaine.2.
CantateLe livre poétique répond alors à la vocation de
relier
, autre étymologie du religieux : les nombreuxnoms qui apparaissent, par
exemple, dans la table des matières, tissent une sorte de réseau inter
temporel et dont la géographie, vaste, permet au lecteur de s’y glisser
: d’Omphale à Meurice
Froment, de Dante à Thérèse, Louise B., Claire P, André Chénier ou Alexandre
D.,.
les personnagesmythologiques croisent les êtres réels ou historiques,
illustres ou inconnus.
Granville et Villequier
percutent l’Enfer de Dante
: tous et tout prend une dignité poétique, dans le prisme de la sensibilité
du poète, qui transfigure le monde pour l’unifier, rendre sensible sa beaut
é, et la faire percevoir aulecteur.3.
Discours
Il en ressort que, loin de n’être qu’un chant intime, les C.
ressortissent à une
musique universelle enmême temps qu’individuelle.
Pour réaliser ce paradoxe, il
faut une forme d’alchimie, qui repose sur
la force spéciale attribuée aux mots
par Hugo : Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou
bacchante, S’offre, se donne ou fuit […] Il frappe, il blesse, il marque, il
ressuscite, il tue (I, 8) et plus
loin : «
Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant (…) Car le mot, c’est le Verbe, et le
Verbe, c’est
Dieu
».
Version moderne d’une certaine musique des sphères, la poésie des
Contemplations, enemboîtant l’individuel dans l’universel, et en enchâssant
l’universel dans l’intime, renouvelle notre
vision du monde et notre manière de lire la poésie.Chant
intime d’une âme toujours en formation, et à qui rien d’humain n’est étranger, les
C.
se font
encore chant choral exprimant la diversité des expériences humaines.
Leur
ambition est aussi dedonner voix à toutes les consciences humaines attentives à
leur expérience de la vie.
Le poète,« rêveur » plus attentif au monde que les
travailleurs, leur donne ainsi la possibilité de saisir, enlisant, la richesse de leur
propre vie.
Messager du monde, il est encore le messager des hommes.Dans
cette double mission, Victor Hugo exalte et renouvelle la puissance des mots.
Sujet B
Charles Baudelaire,
Les Fleurs du Mal
Dans
L’
Art romantique
(Théophile Gautier, 1869), Baudelaire écrit : «
C’est un des privilègesprodigieux de l’Art que l’horrible, artistiquement
exprimé, devienne beauté
».
Ce proposrend-il compte de votre lecture des
Fleurs du mal
?
Depuis l’Antiquité, les alchimistes trava
illent en secret pour trouver la formule qui leur permettra detransformer le
plomb en or.
Ces apprentis sorciers cherchent à transfigurer une matière vile en
leplus noble des matériaux.
À leur image, le poète se fait alchimiste comme le
déclare CharlesB
audelaire dans l’épilogue de la seconde édition des
Fleurs du Mal :
«
O vous
! Soyez témoins que j’aifait mon devoir/Comme un parfait chimiste et comme une
âme sainte/Car j’ai de chaque choseextrait la quintessence,/Tu m’as donné ta boue
et j’en ai fait de l’or
».
À propos de Théophile Gautier,« poète impeccable », « parfait magicien » à
qui il dédicace ce recueil, Baudelaire écrit dans
L’Art
romantique
en 1869 : «
C’est un des privilèges prodigieux de l’Art que l’horrible, artistiquement
exprimé, devienne beauté
».
Quel est ce pouvoir extraordinaire évoqué ici ? Comment Baudelaire et
bien d’autres poètes
utilisent-ils leur art pour transmuer «
l’horrible
» en « beauté » ? En nousfondant sur notre lecture attentive des
Fleurs du Mal
et des textes qui ont accompagné son étude,nous nous demanderons dans un
premier temps
comment l’art poétique exprime l’horrible demanière artistique, puis qu’il parvient
à le transformer en beauté car le poète
, comme nous leverrons dans un dernier temps, est un alchimiste au pouvoir
prodigieux.
I.
Exprimer l’horrible....
»
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