commentaire composé scène 14 acte IV Camus in Caligula
Publié le 20/03/2023
Extrait du document
«
Intro : Albert Camus est né en 1913 en Algérie dans une famille modeste.
Il
entreprendra des études de philosophie et deviendra par la suite un auteur
polygénique.
Il est aussi un journaliste engagé dans la Résistance et milite en
faveur des idéaux et combats moraux menés durant la période de l’après-guerre.
Il écrira, en tant que rédacteur en chef, de nombreuses tribunes pour le journal «
Combats », comme « Le siècle de la peur », parue en 1948.
C’est en 1957 que
la qualité de ses écrits sera récompensée par le prestigieux prix Nobel de
littérature.
L’ensemble de ses œuvres aussi prolifiques que variées, abordent les
thématiques humanistes et du mouvement de l’absurde dont il est une des
figures emblématiques.
Au travers de ses ouvrages, il développe un humanisme
se caractérisant par une prise de conscience de l’absurdité de la condition
humaine mais aussi d’une révolte qui constituerait la réponse à l’absurde car elle
donnerait un sens à l’existence.
C’est ainsi que « Caligula » s’inscrit dans ce
mouvement, faisant converger les thèmes fondateurs de l’œuvre camusienne en
évoquant la critique du totalitarisme, la solitude humaine et le pouvoir vain.
Cette pièce éponyme trouve donc parfaitement sa place dans le « Cycle de
l’absurde », aux côtés de « L’Etranger » et « Le mythe de Sisyphe ».
Son
contexte historique est donc essentiel pour saisir ces thèmes et la visée de
l’auteur.
En effet, la première écriture s’inscrit dans la période de la Seconde
Guerre mondiale et de l’Occupation démontrant à l’auteur qu’on ne peut défendre
un nihilisme absolu.
Il donnera ainsi à sa pièce une dimension politique.
Toutefois au fil des réécritures, c’est bien la dimension existentialiste qui
l’emporte où la pensée philosophique de l’auteur s’impose également.
Elle est
aussi ce qu’on appelle une œuvre de maturité puisqu’il aura fallu plus de 23
années au dramaturge, pour finaliser sa composition.
Il rédige le premier
manuscrit en 1938, inspiré par sa lecture de l’ouvrage de l’historien Suétone « la
vie des 12 Césars ».
Cependant, elle ne paraîtra qu’en 1944, aux éditions
Gallimard et sera présenté pour la première fois sur la scène du théâtre parisien,
Héberot, en 1945.
De plus, cette pièce moderne construite autour d’un
personnage principal classique, la rend difficile à définir.
Cependant le
comportement grotesque de Caligula mêlé à sa cruauté….
en fait une farce
tragique.
Cette pièce écrite en quatre actes, comprenant entre le premier et les
actes suivants, un intervalle de temps de trois années, met en scène l’empereur
romain Caligula dans toute son hybris et sa démesure.
Le passage étudié, soit la
scène 14 de l’acte IV, constitue le dénouement de cette pièce où il est question
de l’assassinat de l’empereur par une conjuration.
Dans ce passage nous nous demanderons en quoi ce dénouement est un faux
monologue qui s’articule entre folie et philosophie.
Dans un premier temps nous étudierons la prise de conscience de Caligula faite
par le faux monologue délibératif auquel il s’adonne face à son miroir.
Puis nous
aborderons la violence de ce dénouement.
En dernier lieu, nous analyserons
comment cette pièce peut amener le lecteur et le spectateur à une réflexion
philosophique.
Tout d’abord le début de cet extrait est marqué par l’omniprésence du miroir qui
est sans aucun doute l’objet le plus important de la scène, lui donnant toute sa
perspective.
En effet, il permet le dédoublement du personnage éponyme et le
confronte à son reflet, matérialisant sa conscience.
Ce face à face avec lui-même
est représenté par ses jeux de scène décrits dans les didascalies : « va vers le
miroir » (l.1), « revient vers le miroir » (l.9).
C’est par cette confrontation qu’il
reconnaît l’échec de sa quête.
Il est alors désorienté et semble perdu par ce
constat.
Le verbe d’action « tourne » (l.1) et le suffixe péjoratif « hagard » (l.1)
le montre.
C’est alors que son sentiment de culpabilité devient récurrent et se
traduit par cette antithèse « coupable » / « innocent » laissant place peu à peu
au sentiment de la résignation lorsqu’il comprend que ce qui est impossible le
restera.
« Je n’aurai pas la lune » (l.4).
« Devoir aller jusqu’à la consommation »
(l.5) cet euphémisme signifie que sa vie se consume progressivement.
L’auteur
nous montre ici que malgré la liberté absolue et le pouvoir sans limite que s’est
octroyé l’empereur, cela ne lui permet pas d’échapper ni à la condition ni à la
finitude humaine.
Une autre antithèse « compliqué »/ « simple » (l.11))
démontre également qu’il reconnaît l’inaccessibilité de sa quête insensée de
posséder la Lune, représentation de son exigence absolue.
« Tout serait
changé » (l.) car « il suffirait que l’impossible soit » (l.14)) la formulation de
cette attente est un paradoxe en elle-même : par définition l’impossible ne peut
pas être mais il a fait comme si cela pouvait être accessible.
Au travers de la
métaphore filée « où étanchée cette soif » il reconnaît que son souhait, sa soif
d’absolue parfait ne peut être satisfaite ni par l’amour humain : « si l’amour
suffisait » (l.11), n’étant que relatif, ni par l’amour ou la croyance en un dieu.
Ainsi la réponse négative à cette question purement rhétorique « Quel cœur, quel
dieu auraient pour moi la profondeur d’un lac » (l.12) signifie que son
insatisfaction est inéluctable.
La gradation descendante « cherché aux limites du
monde, aux confins de moi-même » (l.15) représente l’anéantissement de ses
désirs.
Puis, son échec se traduit aussi par l’utilisation du champ lexical du
mépris qu’il utilise pour faire une introspection sous la forme d’un blâme lorsqu’il
se rend compte qu’il est devenu tout ce qu’il a toujours détesté : « Quel dégoût,
après avoir méprisé les autres, de se sentir la même lâcheté dans l’âme.
».(l.7)
D’autre part, la prise de conscience de l’échec fait apparaître une nouvelle facette
de la personnalité de Caligula.
En le faisant s’adresser à son miroir le
dramaturge nous expose sa grande solitude dès le début de la scène.
Son
sentiment de solitude se traduit par sa « détresse »(l.4) mais aussi par la
constatation, sous la forme d’une tournure négative, qu’« Hélicon n’est pas
venu.
»(l.4) il se sent désespérément abandonné et l’appelle au secours, par cet
apostrophe « Hélicon ! Hélicon ! ».
(l.18).
La peur est aussi une émotion
exprimée par le personnage : « J’ai peur » (l.5/7), l’utilisation du registre
pathétique par l’auteur, provoque un sentiment de pitié au détriment du monstre
qu’il est réellement.
Les participes présents « s’agenouillant », « pleurant » (l.13)
nous montrent l’humanité du personnage car dans l’expression de sa souffrance
il nous donne à voir ses faiblesses.
Il nous apparaît alors comme un homme
démuni, effondré.
Il ne parvient plus à contrôler ses émotions qui le submergent
« plein de haine » [quel instrument] (l.17) il est rongé surtout par sa colère et sa
haine de lui-même.
Le registre pathétique utilisé dans la description des gestes,
à l’intérieur des didascalies retranscrit également les émotions de l’empereur
grâce à la mise en scène : « tends les mains vers le miroir en pleurant » (l.14).
On peut remarquer dans cette comparaison « cette nuit lourde comme la douleur
humaine » (l.19) que sa douleur est profonde et l’accable de son poids.
Ensuite, c’est en parlant à son reflet, qu’il réalise l’introspection de ses actes
mais aussi de son âme, rendu possible par la présence du miroir qui montre le
dédoublement de sa personnalité.
Ses gestes laissent transparaitre ce
dédoublement « il tends les mains vers le miroir.
» (l.14), « recule, revient vers
le miroir » (l.9), ses mouvement sur la scène peuvent laisser penser qu’il s’agit
d’une personne réelle en face de lui.
La scène est en réalité un faux monologue
car il s’apostrophe « Caligula ! »(l.2 puis l.27) comme s’il s’adressait à une autre
personne.
L’emploi alterné des pronoms personnels de la première et la
deuxième personne du singulier « je sais » (l.13), « tu le sais » (l.14) nous
montre ce dédoublement mais dans les répliques du personnage.
Son
introspection se trouve également au travers du faux monologue où il se
confronte encore et toujours à lui-même « c’est toi que je rencontre, toujours
toi » (.16) faisant qu’il est acculer à ce que lui renvoie son image dans cette
glace.
Ainsi son introspection a pour conséquence de le contraindre à
reconnaître que sa quête absurde était vouée à l’échec, le laissant dans une
solitude de plus en plus pesante, une colère grandissante et à un sentiment de
solitude conjugué à celui de la peur laissant augurer une fin proche.
2/
Par la suite, l’atmosphère s’alourdie de plus en plus et laisse présager un
dénouement dans la violence comme le montre la périphrase « des bruits
d’armes » (l.6) signifiant que la conjuration est annoncée.
L’ironie tragique de
l’arrivée d’Hélicon, le souligne aussi car en « surgissant » (l.21), il met en garde
Caligula, par cette anaphore : « Garde-toi, Caius....
»
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