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commentaire: Laurent Gaudé, La Mort du roi Tsongor, Actes Sud, collection Babel, 2002, p.16-17

Publié le 17/05/2022

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« Laurent Gaudé, La Mort du roi Tsongor, Actes Sud, collection Babel, 2002, p.16-17. C'était à l'époque où le roi Tsongor était jeune.

Il venait de quitter le royaume de son père. Sans se retourner.

Laissant le vieux roi périr sur son trône fatigué.

Tsongor était parti.

Il savait que son père ne voulait rien lui léguer et il refusait de subir cette humiliation.

Il était parti, crachant sur le visage de ce vieillard qui ne voulait rien céder.

Il avait décidé qu'il ne demanderait rien.

Qu'il ne supplierait pas.

Il avait décidé de construire un empire plus vaste que celui qu'on lui refusait.

Ses mains étaient vives et nerveuses.

Ses jambes le démangeaient.

Il voulait parcourir des terres nouvelles.

Porter le fer.

Entreprendre des conquêtes aux confins des terres connues.

Il avait faim.

Et jusque dans ses nuits, il prononçait le nom des contrées qu'il rêvait d'assujettir.

Il voulait que son visage soit celui de la conquête.

Il leva son armée alors même que le corps de son père était encore chaud dans sa tombe, et partit vers le sud, avec l'intention de ne jamais reculer, d'arpenter la terre jusqu'à ce qu'il n'ait plus de souffle et de faire flotter partout les enseignes de ses ancêtres. Les campagnes du roi Tsongor durèrent vingt ans.

Vingt ans de campements.

De combats. Et d'avancées.

Vingt ans où il ne dormit que sur des lits de fortune.

Vingt ans à consulter des cartes.

A élaborer des stratégies.

Et à porter ses coups.

Il était invincible.

A chaque nouvelle victoire, il ralliait les ennemis à ses rangs.

Leur offrant les mêmes privilèges qu'à ses propres soldats.

Et son armée, ainsi, malgré les pertes, malgré les corps mutilés et les famines ne faisait que grossir.

Le roi Tsongor vieillit à cheval.

Le fer à la main.

Il prit femme à cheval, pendant une de ses campagnes.

Et chaque naissance de ses enfants fut acclamée par la masse immense de ses hommes encore suant de l'ardeur des champs de bataille.

Vingt ans de lutte et d'expansion jusqu'au jour où il parvint au pays des rampants. C'étaient les dernières terres inexplorées du continent.

Aux confins du monde.

Après cela, il n'y avait plus rien que l'océan et les ténèbres.

Les rampants étaient une peuplade de sauvages qui vivaient, disséminés, dans des huttes de boue minuscules.

Ils n'avaient ni chef, ni armée.

C'était une succession de hameaux.

Chaque homme vivait là, avec ses femmes.

Dans l'ignorance du monde qui l'entourait.

C'étaient de grands hommes maigres. Squelettiques parfois.

On les appelait les rampants parce que, malgré leur très grande taille, leurs huttes n'arrivaient pas à la hauteur d'un cheval.

Personne ne savait pourquoi ils ne construisaient pas d'habitat à leur taille.

Vivre ainsi, dans des huttes minuscules, leur donnait à tous une silhouette voûtée.

Un peuple de géants qui ne se tenaient jamais droits. Un peuple de grands hommes maigres qui marchaient, de nuit, le long des sentiers de poussière, le dos plié, comme si le ciel pesait de tout son poids sur eux.

En combat singulier, c'étaient les plus terrifiants des adversaires.

Ils étaient vifs et sans pitié.

Ils se déployaient de toute leur taille et fondaient sur leurs adversaires comme des guépards affamés.

Même désarmés, ils étaient redoutables.

Il était impossible de les faire prisonniers car tant qu'il restait en eux une parcelle de force, ils se ruaient sur le premier homme qu'ils voyaient et tentaient de le terrasser.

Il ne fut pas rare de voir des rampants enchaînés se jeter sur leurs geôliers et les tuer à coups de dents.

Ils mordaient.

Ils griffaient.

Ils hurlaient et dansaient sur le corps de leur adversaire jusqu'à ce que celui-ci ne fût plus qu'une bouillie de chair.

Ils étaient redoutables, mais ils n'offrirent au roi Tsongor qu'une piètre résistance. Jamais ils ne parvinrent à s'organiser.

Jamais ils n'arrivèrent à opposer à son avancée une ligne de front.

Le roi pénétra dans les terres rampantes sans trembler une seule fois.

Il brûla un à un les villages.

Il réduisit tout en cendres et le pays ne fut bientôt plus qu'une terre sèche et vide où l'on entendait le cri des rampants, la nuit, qui hurlaient leur peine, insultant le ciel pour cette malédiction qui tombait sur eux. Vous ferez le commentaire littéraire de ce texte.. »

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