Commentaire serais je donc le seul lâche sur terre ? Voyage au bout de la nuit de Céline
Publié le 29/05/2022
Extrait du document
«
Texte étudié :
Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? pensais-je.
Et avec quel effroi ! …Perdu parmi
deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu'aux cheveux ? Avec casques,
sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflants, tirailleurs,
comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers,
pétaradant, enfermés sur la terre comme dans un cabanon, pour y tout détruire,
Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les
chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés que
mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je
m'étais embarqué dans une croisade apocalyptique.
On est puceau de l'Horreur comme on l'est de la volupté.
Comment aurais-je pu me douter
moi de cette horreur en quittant la place Clichy (1) ? Qui aurait pu prévoir, avant d'entrer
vraiment dans la guerre, tout ce que contenait la sale âme héroïque et fainéante des
hommes ? A présent, j'étais pris dans cette fuite en masse, vers le meurtre en commun,
vers le feu…Ça venait des profondeurs et c'était arrivé.
Le colonel ne bronchait toujours pas, je le regardais recevoir, sur le talus, des petites
lettres du général qu'il déchirait ensuite menu, les ayant lues sans hâte, entre les balles.
Dans aucune d'elles, il n'y avait donc l'ordre d'arrêter net cette abomination ? On ne lui
disait donc pas d'en haut qu'il y avait méprise ? Abominable erreur ? Maldonne ? Qu'on
s'était trompé ? Que c'était des manoeuvres pour rire qu'on avait voulu faire, et pas des
assassinats ! Mais non ! « Continuez, colonel, vous êtes dans la bonne voie ! » Voilà sans
doute ce que lui écrivait le général des Entrayes, de la division, notre chef à tous, dont il
recevait une enveloppe chaque cinq minutes, par un agent de liaison, que la peur rendait
chaque fois un peu plus vert et foireux.
J'en aurais fait mon frère peureux de ce garçon là
! Mais on n'avait pas le temps de fraterniser non plus.
Donc pas d'erreur ? Ce qu'on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n'était
pas défendu ! Cela faisait partie des choses qu'on peut faire sans mériter une bonne
engueulade.
C'était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux, comme le
tirage au sort, les fiançailles, la chasse à courre ! … Rien à dire.
Je venais de découvrir
d'un coup la guerre tout entière.
J'étais dépucelé.
Commentaire composée :
Le texte soumis à notre étude est un extrait du livre intitulé Voyage au
bout de la nuit est le premier roman écrit par Louis-Ferdinand Céline et publié
le 15 octobre 1932, son œuvre est devenue un classique du 20eme siècle.
Céline a participé à la Première Guerre mondiale en 1914, c’est ce qui l'a
poussée à écrire ce roman traitant le sujet de la guerre et montrant sa vision
de la guerre.
Il le fait en dénonçant la guerre et ses atrocités.
L’extrait qu’on
étudie est le début de son engagement dans la guerre.
On pourra donc se.
»
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