Corneille, Le Cid, Acte II, scène 5.
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Corneille, Le Cid, Acte II, scène 5.
LÉONOR
Vous laissez choir ainsi ce glorieux courage,
Et la raison chez vous perd ainsi son usage ?
L'INFANTE
Ah ! qu'avec peu d'effet on entend la raison,
Quand le coeur est atteint d'un si charmant poison !
Et lorsque le malade aime sa maladie,
Qu'il a peine à souffrir qu'on y remédie !
LÉONOR
Votre espoir vous séduit, votre mal vous est si doux ;
Mais enfin ce Rodrigue est indigne de vous.
L'INFANTE
Je ne le sais que trop ; mais si ma vertu cède,
Apprends comme l'amour flatte un coeur qu'il possède.
Si Rodrigue une fois sort vainqueur du combat,
Si dessous sa valeur ce grand guerrier s'abat,
Je puis en faire cas, je puis l'aimer sans honte.
Que ne fera-t-il point, s'il peut vaincre le comte !
J'ose m'imaginer qu'à ses moindres exploits
Les royaumes entiers tomberont sous ses lois ;
Et mon amour flatteur déjà me persuade
Que je le vois assis au trône de Grenade,
Les Maures subjugés trembler en l'adorant,
L'Aragon recevoir ce nouveau conquérant,
Le Portugal se rendre, et ses nobles journées
Porter delà les mers ses hautes destinées,
Du sang des africains arroser ses lauriers ;
Enfin tout ce qu'on dit des plus fameux guerriers,
Je l'attends de Rodrigue après cette victoire,
Et fais de son amour un sujet de ma gloire.
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