Dans la pièce de Ionesco, Rhinocéros, en quoi peut-on parler de faillite du langage ?
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«
Analyse du sujet et problématisation :
Ionesco publie la pièce Rhinocéros en 1959, pièce emblématique du « théâtre de l'absurde » dépeignant une
épidémie imaginaire de "rhinocérite", maladie qui effraie tous les habitants d'une ville et les transforme bientôt tous
en rhinocéros.
L'expression faillite du langage évoque l'échec de la fonction propre au langage qui est essentiellement une
fonction de communication.
Le langage est la faculté d'expression que possède l'homme, faculté qui lui permet de
communiquer sa pensée grâce à la parole ou à l'écriture.
D'un point de vue plus linguistique, le langage peut se définir comme un ensemble de signes (vocaux, gestuel,
graphiques, tactiles, olfactifs, etc.) doté d'une sémantique, et le plus souvent d'une syntaxe.
Cette définition est
intéressante car elle renvoie à l'idée d'un langage non verbal, idée qu'il ne faut pas négliger au théâtre, lieu où tout
est considéré comme signe.
Problématique : Comment Rhinocéros de Ionesco développe-t-elle l'échec de la communication par
le langage ? Comment jette-t-elle un déni sur ce langage ?
I)
Le langage tourné en dérision
1)
Un langage mécanique ( parole + geste)
La transformation progressive des hommes en rhinocéros implique la transformation du langage qui se fait de
plus en plus mécanisé, les personnages ne s'exprimant plus que par des barrissements et des gestes de destruction.
Cette apogée de la mécanisation du langage est préparée dans la pièce par des scènes où règnent les clichés et les
formules toutes faites tendant à invalider la spontanéité du langage.
Ex : passage où Jean et Béranger discutent de l'alcoolisme de Béranger et traitent de la difficulté de vivre,
avant l'arrivée du vieux monsieur et du logicien : bien que le sujet de la conversation soit profondément humain, la
mécanisation du langage est en œuvre à travers les répliques de Jean qui se réfugie dans les stéréotypes.
La
réponse apportée par Jean à la " fatigue " de Bérenger : " c'est de la neurasthénie alcoolique, la mélancolie du
buveur de vin " (l.
8), ou la glorification de la " force ", valeur " morale " prédominante (l.
20) reflètent des clichés,
formules toutes faites, vagues et éculées.
On les assène, comme le fait Jean, sans aucun approfondissement, en les
plaquant sur une réalité autrement plus complexe (comme en témoignent son ton affirmatif, ses phrases définitives,
mais répétitives.
à étudier aussi la façon dont la conversation entre Béranger et Jean fait écho à celle entre le logicien et le
vieux monsieur dans un souci de répétition mécanique
2)
Le dérèglement du langage
Ionesco tourne le langage en dérision dans Rhinocéros en le présentant comme totalement déréglé et fondé
sur une logique contradictoire et absurde.
Rhinocéros se présente comme une véritable satire des discours logiques
qui se présentent comme rationnels et pourtant confinent à l'absurde.
à étudier la caricature de la logique dans le dialogue entre le logicien et le vieux monsieur : cf.
le traitement
du syllogisme prêtant à sourire du fait des exemples ridicules choisis : en effet, le choix de chats, leurs appellations
saugrenues (" Isidore et Fricot ") produisent un écart avec le sérieux rigoureux de la déduction invoquée.
Cet effet
de distorsion se trouve en outre renchéri par le syllogisme final qui rapproche " les chats " et l'éminent philosophe "
Socrate "...
On aboutit ici à une ineptie : « tout les chats sont mortels.
Socrate est mortel.
Donc Socrate est un
chat » : la mécanisation aboutit à un langage déréglé et tourné en dérision par l'auteur.
3)
Le langage : une parodie
Le langage dans Rhinocéros, est parasité par un comique de mots qui le renvoie à une forme parodique.
Ne cessant
d'utiliser les ressorts du calembour, du détournement d'expressions familières - l'expression «revenons à nos
moutons » est transformée (le contexte l'impose) en «revenons à nos chats ».
De façon similaire, la« rubrique des
chiens écrasés » devient la « rubrique des chats écrasés »- ou montrant tous les personnages souffrant d'une
logorrhée menant à des discussions stériles et récurrentes, ainsi sur l'unicornuïté ou la bicornuïté des rhinocéros,
Ionesco montre le langage comme une parodie de communication.
Noter aussi que
chez le logicien et chez Botard le langage devient la parodie d'un discours précis, dans le premier cas du discours
socratique, dans le deuxième cas du vocabulaire du militant de la gauche.
Transition possible : un comique dérisoire qui confine au tragique : « Le comique étant l'intuition de
l'absurde, il me semble plus désespérant que le tragique.
Le comique est tragique, et la tragédie de l'homme
dérisoire.
»
II)
La tragédie du langage.
»
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