Dans la préface d'une de ses tragédies, Racine prétend « avoir suivi l'Histoire avec beaucoup de fidélité ». Certains critiques se sont plu, au contraire, à retrouver dans ses pièces un reflet de son époque. En faisant la part de la vérité historique et de l'actualité dans le théâtre de Racine, vous montrerez qu'il se recommande surtout par sa valeur générale et humaine. ?
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Dans la préface d'une de ses tragédies, Racine prétend « avoir suivi l'Histoire avec beaucoup de fidélité ».
Certains
critiques se sont plu, au contraire, à retrouver dans ses pièces un reflet de son époque.
En faisant la part de la vérité historique et de l'actualité dans le théâtre de Racine, vous montrerez qu'il se
recommande surtout par sa valeur générale et humaine.
LES GRANDES LIGNES DU PLAN
Les trois points essentiels sont nettement indiqués.
Mais les sous-parties? Le plan précédent, sans parler de plusieurs plans sur
Corneille, vous a habitués à distinguer plusieurs éléments dans une pièce, entre autres essentiellement le sujet et les personnages.
Voilà vos subdivisions.
LECTURES — On ne vous demande pas de vous limiter à l'étude d'une pièce.
N'en profitez pas pour faire une revue d'ensemble.
Contentez-vous de deux tragédies : Britannicus et Mithridate.
Mieux vaut approfondir qu'élargir outre mesure.
Lisez avec soin les
préfaces des tragédies essentielles, où Racine s'explique sur la manière dont il a utilisé l'Histoire (pas seulement celles de Mithridate et
de Britannicus).
Relisez les deux pièces — en particulier Britannicus ; Mithridate — en confrontant avec les notes de vos éditions qui
vous donnent pour ces différents passages, au bas des pages, les sources historiques correspondantes de Racine.
PLAN DÉTAILLÉ
Racine se plaît à manifester à plusieurs reprises, dans ses préfaces, des scrupules d'historien.
Pourtant, de son propre aveu, il ne s'est
pas gêné pour modifier sur certains points la matière que lui offrait l'Histoire.
C'est qu'il voulait éviter de choquer le goût et les préjugés
de ses contemporains.
C'est surtout qu'il entendait dégager de ces données historiques toute une peinture générale et humaine.
Par là
ses sujets et ses personnages sont à la fois de leur temps, de son temps et de tous les temps.
I.
Vérité historique
Ces sujets et ces personnages sont d'abord de leur temps : dans une large mesure ils se conforment à la vérité historique.
Sans doute
Racine n'a-t-il pas respecté pleinement cette exactitude des faits et des dates à laquelle les critiques du XVIIe siècle attachaient tant de
prix.
Il fait vivre Britannicus et Narcisse deux ans de plus qu'ils n'ont vécu.
Il crée de toutes pièces l'amour de Britannicus et de Junie et
fait au dénouement entrer la jeune fille chez les Vestales, alors qu'on ne pouvait y être admis après l'âge de dix ans.
De même Monime
n'est plus, comme chez Plutarque, la sultane favorite, mais la fiancée de Mithridate.
Elle aime son fils Xipharès alors que Plutarque fait
état des lettres passionnées qu'elle écrivait au roi du Pont.
Mais ces tragédies nous tracent, au cours de scènes pathétiques, des
tableaux historiques : dans le plaidoyer d'Agrippine en face de Néron à la Scène n de l'Acte IV, surgit toute une évocation de la Rome
impériale : la vénalité de l'armée et du peuple, la servilité du Sénat.
Mithridate, devant ses fils, en même temps qu'il leur expose son
grandiose projet d'une marche sur Rome, fait le procès de l'impérialisme romain.
Surtout Racine a su conserver à ses personnages
l'essentiel de leur personnalité historique.
Certes Burrhus est idéalisé (Tacite nous montre que son austère vertu se tempérait
fâcheusement d'opportunisme et de faiblesse).
Mais le portrait de Néron fait pressentir sous « le monstre naissant » ce que sera son
vrai visage : sa brutalité et son sadisme, son hypocrisie et son goût du cabotinage allié à un certain sens artistique.
Sans doute ne
saurait-on parler d'une résurrection historique au sens où nous l'entendons de nos jours.
Ni Mithridate, ni Britannicus ne nous offrent la
vision plastique et intégrale d'une civilisation avec les coutumes, les usages et les rites auxquels se plient les différents membres du
corps social, les édifices où se déroulent les actes capitaux de leur vie sociale et morale.
Mais tout cela déborde évidemment le cadre
de la tragédie.
II.
Actualité
Cette peinture incomplète est donc aussi une peinture quelque peu inexacte.
Le respect de la bienséance inséparable de la tragédie, le
souci de ne pas choquer ses contemporains dont il pouvait d'ailleurs dans une certaine mesure partager les préjugés, ont amené
Racine à modifier les faits et les caractères.
Pas plus qu'il n'avait voulu présenter Andromaque comme l'esclave de Pyrrhus, il n'a
consenti à montrer en Monime la favorite de Mithridate égorgée sur son ordre.
Néron se montre galant et empressé à l'égard de Junie
qu'il vient de faire enlever.
Junie, de son côté, s'exprime avec une élégance non dénuée de recherche et même de préciosité.
Moi, que je lui prononce un arrêt si sévère ! Ma bouche, mille fois, lui jura le contraire.
Quand même jusque-là je pourrais me trahir,
Mes yeux lui défendront, Seigneur, de m'obéir.
On en pourrait dire autant de Britannicus.
Quant à Xipharès, le fils de Mithridate, par sa discrétion et par son esprit chevaleresque, par
le respect qu'il témoigne à celle qu'il aime, par les métaphores précieuses dont il sème volontiers ses propos, il fait figure « d'honnête
homme » et de «jeune premier».
On ne se l'imagine guère mêlé à une intrigue de sérail.
Tous ces héros, quoi qu'en ait dit Racine, ne
sont pas loin d'être des « céladons ».
III.
Vérité générale et humaine
Pourtant les retouches que Racine apporte aux éléments historiques sont faites moins pour adoucir que pour approfondir.
De ses sujets
comme de ses personnages il met en valeur la portée générale et humaine.
Britannicus et Mithridate nous peignent deux drames
familiaux qui peuvent se retrouver à toutes les époques.
La lutte qui oppose Néron et Agrippine nous fait assister aux efforts d'un jeune
homme qui cherche à s'affranchir de l'indiscrète tutelle que sa mère exerce sur lui ; dans la seconde tragédie un père et son fils sont
épris de la même femme.
Pour être plus rare, cette rivalité amoureuse n'est pas cependant sans exemples.
Ces couplets où ils
s'opposent fournissent aux personnages l'occasion de donner libre cours aux passions qui les dominent.
Mais la même passion garde
d'un individu à l'autre sa note originale.
L'ambition est mesquine chez Narcisse.
Elle revêt chez Agrippine une certaine grandeur.
L'amour chez Junie est empreint de tendresse protectrice, chez Monime il est fier et pudique ; il est sensuel chez Mithridate,
chevaleresque chez Xipharès.
La jalousie de Néron se traduit par la joie mauvaise qu'il se promet à l'idée de désespérer son rival.
Telle est donc la part que Racine assigne à l'Histoire au sein de la tragédie.
La dignité du genre s'accommode heureusement de
l'évocation de ces drames et des ces personnages empruntés à un lointain passé.
Pour ne pas dépayser les spectateurs de son temps,
il a modifié des situations, rejeté dans l'ombre certains traits de caractère.
Mais il a gardé en fin de compte l'essentiel puisque sous ces
noms historiques il a su faire revivre d'une manière émouvante et lucide les passions humaines dans ce qu'elles ont d'éternel.
Par là il
se révèle vraiment un classique..
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