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Dans La Religieuse "Diderot se livre à ce qu'il nomme lui-même une effroyable satire des couvents, mais cette volonté polémique ne vaudrait que pour l'anecdote s'il n'y développait une véritable méditation sur les méfaits de la solitude et sur les effets pervers de la violence que l'homme exerce contre la nature et contre lui-même- spirituellement par le fanatisme, physiquement par la répression systématique des besoins du corps". Dans quelle mesure ce propos de Pierre Lepape (Diderot,

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Dans quelle mesure cette infamie qu'il dénonce dans les ordres monastiques constitue-t-elle la trame de son roman? C'est la distinction compliquée entre nature bonne et nature déchue que Diderot essaie de résoudre à travers l'histoire de Soeur Suzanne. Il semble que deux axes principaux ont guidé son entreprise, et ce à travers les différents couvents fréquentés par la religieuse: D'une part l'observation empirique des effets pervers de la continence non consentie, quelle soit dans le domaine de la solitude ou des besoins naturels au corps, et d'autre part la condamnation sans appel des institutions (en particulier religieuses…) qui laissent libre cours à ces actes odieux sous couvert de piété, et qui justifient d'écrire ce qu'il appelle lui-même "une effroyable satire des couvents".

« S'il y a bien une idée essentielle du siècle des Lumières, et qui trouve sa source chez Erasme, c'est celle de l'anthropocentrisme.

La société féodale et monarchique considérait, selon l'enseignement de l'Eglise catholique, que l'homme est certes la créature la plus parfaite de la création car possédant une âme spirituelle, et qui utilise sa raison pour s'élever au dessus des réalités matérielles.

Cette raison est essentiellement naturelle, elle appartient par nature à l'homme à la différence de tous les autres animaux.

Mais l'homme est blessé par le péché originel, et donc Dieu reste au dessus de toutes les préoccupations humaines, son culte et sa connaissance doivent passer avant celle de l'homme déchu, si ce dernier espère retrouver un jour le paradis dont ses premiers parents ont été chassés. Donc seule la grâce divine donne à l'homme une véritable dignité.

Par contre, depuis Erasme la définition de l'homme va changer: l'homme naît bon, puisque créé par Dieu qui ne peut créer d'être imparfait, et cette bonté naturelle doit servir uniquement à son bonheur terrestre, à savoir son accomplissement (à travers le culte de l'homme) et la construction d'une société parfaite.

Rousseau, le grand ami de Diderot, définissait l'homme comme un solitaire (Discours sur l'origine de l'inégalité).

Diderot, lui, échappe à cette considération utopique, et malgré son matérialisme et pose la question: "Dieu qui a créé l'homme social, approuve-t-il qu'il se renferme?"(La Religieuse).

Comment l'héroïne de son roman qui semble posséder les plus nobles qualités humaines peut se retrouver à l'état de bête? L'homme a-t-il en lui assez de violence pour imposer à ses semblables une vie contre nature, à savoir une vie d'enferment? N'est-ce pas aller contre la perfection à laquelle il doit aspirer? Dans quelle mesure cette infamie qu'il dénonce dans les ordres monastiques constitue-t-elle la trame de son roman? C'est la distinction compliquée entre nature bonne et nature déchue que Diderot essaie de résoudre à travers l'histoire de Sœur Suzanne.

Il semble que deux axes principaux ont guidé son entreprise, et ce à travers les différents couvents fréquentés par la religieuse: D'une part l'observation empirique des effets pervers de la continence non consentie, quelle soit dans le domaine de la solitude ou des besoins naturels au corps, et d'autre part la condamnation sans appel des institutions (en particulier religieuses…) qui laissent libre cours à ces actes odieux sous couvert de piété, et qui justifient d'écrire ce qu'il appelle lui-même "une effroyable satire des couvents". "Où est- ce que la nature, révoltée d'une contrainte pour laquelle est n'est point faite, brise les obstacles qu'on lui oppose, devient furieuse, jette l'économie animale dans un désordre auquel il n'y a plus de remède? "(p152), nous dit l'auteur à travers M.Manouri lors de son plaidoyer au procès de Sœur Suzanne.

Nous sommes à la moitié du roman et pourtant cela sonne comme un bilan.

Quoi de pire peut attendre Sœur Suzanne? Peut-être fautil mieux d'abord essayer de comprendre ce qui dans les persécutions subies par Suzanne motive un tel discours de la part de son avocat. Sainte-Marie, son premier couvent.

On peut dès les premières pages remarquer que Diderot laisse plein d'indices qui montrent à quel point on ne peut pas accuser Suzanne de tout considérer avec un mauvais oeil, puisqu'elle dit ellemême: "Et j'allais à Sainte-Marie, c'est mon premier couvent, avec beaucoup de gaieté." (p47).

Elle est certes plus heureuse de quitter une maison où elle n'est pas considérée pour en trouver une autre, mais elle pourrait témoigner un double refus, et venger cette indifférence par une indifférence égale.

Or elle ne le fait point.

Mais petit à petit, lorsque le poids de la solitude et la considération de sa vie dans le silence des cloîtres et des cellules se fera sentir et qu'il faudra alors s'y résigner, elle commencera alors à s'exprimer avec force, en allant jusqu'à risquer la réputation de sa famille.

Du point de vue de ses souffrances, on peut dire que son séjour à Sainte-Marie est celui des souffrances morales, et ce selon deux points de vue: la révélation de sa naissance illégitime, et l'appréhension de son engagement irrémédiable dans la vie religieuse.

Lors de son entretien avec le père Séraphin, Diderot montre que même si elle ne perd en rien la foi et son respect de l'institution cléricale, elle ne peut plus rien attendre de celle-ci non plus.

" Vous entrerez en religion" (p67).

Alors que ce prélat a devant lui une jeune fille de seize ans, il lui annonce à la fois que non seulement elle n'a pas de père, mais qu'en plus elle n'aura pas de vie.

Et Suzanne essaie de chercher une logique à tout cela.

En effet, si elle n'est plus considérée comme membre sa famille, donc elle n'en dépend pas, donc elle n'est pas forcée de leur obéir, et désobéir ne constituerait alors pas une faute morale.

Elle sait ce qu'est la liberté, que l'enseignement de l'Eglise est formel: on ne peut imposer à un être d'aller contre sa conscience, car si l'acte posé n'est pas fait librement il perd alors toute valeur méritoire.

C'est ce qu'elle essaie de rappeler à son interlocuteur:"Je connais du moins le prix de la liberté, et le poids d'un état auquel on n'est. »

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