Dans quelle mesure les productions artistiques (cinéma, peinture, musique, littérature...) permettent-elles de « comprendre l'esprit » d'une époque ?
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«
Introduction
• Les rapports arts-histoire sont complexes.
• Longtemps les historiens ont privilégié faits, grands hommes d'État, chefs de guerre...
• Cependant l'histoire des civilisations semble de plus en plus essentielle.
• L'histoire non-événementielle donne même de l'importance au simple quotidien.
• À plus forte raison à ce qui représente l'imagination créatrice des peuples : ses productions artistiques.
• Or les artistes eux-mêmes ont des attitudes différentes sur ce problème : leurs œuvres permettent-elles de «
comprendre l'esprit » de leur époque ?
• S'y insèrent-elles, volontairement ou non, au point d'être parcelle de l'âme du peuple?
• Ou au contraire la dépassent-elles, atteignant une valeur intemporelle, universelle ?
• Les chefs-d'œuvre sont-ils sources sûres pour l'historien, et de quelle qualité?
I.
L'historien et l'artiste
• L'historien a coutume de s'appuyer sur des recherches précises qu'il recueille avec la minutie du savant.
• Tel qui va écrire une œuvre sur Pétain, par exemple, se formera d'abord une information élémentaire.
« Il lira en premier ce que Pétain a dit, écrit, corrigé, en particulier ses discours qu'il écrivait soit lui-même soit
faisait rédiger par des collaborateurs, mais corrigeait toujours ; or les corrections sont particulièrement révélatrices.
• Il étudiera .
— ses lettres, celles de son entourage, de tous ceux qui l'ont approché, qui l'aimaient ou ne l'aimaient pas ;
— les mémoires de l'époque ;
— les archives françaises, allemandes, anglaises...
de tous les peuples plus ou moins directement concernés.
• Il confrontera les diverses présentations des faits, s'appuyera sur des témoignages dont il tentera de décrypter
l'essence.
• Viendront l'aider dans sa recherche les livres qui se sont faits volontairement les chroniqueurs de la période
envisagée ou qui l'ont choisie comme toile de fond.
• Ainsi, juste après la guerre de 40-45, ont fleuri des romans qui, frappés par la dureté des années vécues par
l'auteur, ou son expérience simplement, en sont restés imprégnés ; tels Week-end à Zuydcote de ROBERT MERLE OU
AU bon beurre de J.
DUTOURD.
• Ce sont des textes qui ont voulu être écho complet ou partiel de certains événements historiques.
• Il paraît donc normal que l'historien les utilise puisque l'auteur a lui-même soit vécu la période qu'il transpose dans
le romanesque, soit entendu bien des proches en parler, et a complété son expérience par des recherches
personnelles.
• Un bon nombre de films également, soit composés en plein événement, soit transposés après coup, mais avec
l'intention déterminée de peindre la période précise, présentent une mine riche d'images et d'intentions.
Ainsi deux
interdits ou La Bataille du rail de RENE CLEMENT pour 1940-45.
• Telle peinture figurative également sera révélatrice, car elle a voulu l'être ; ainsi les tableaux sur les campagnes
napoléoniennes.
Exemple : Le Champ de bataille d'Eylau (GROS) OU Scènes des massacres de Scio (DELACROIX),
peinture désireuse d'attirer l'attention sur un scandaleux génocide et dont l'inspiration philhellénique est aussi celle
d'un poème des Orientales de HUGO : « Chio, île des vins n'est plus qu'un sombre écueil...
»...
• ...
ou telle symphonie de BEETHOVEN, chantant sa joie devant les idées progressistes des pré-révolutionnaires de
1789...
ou
• ...
tandis que la vaste fresque de PICASSO sur Guernica et parallèlement le poème d'ELUARD se sont élevés en
témoignage d'autant plus fort contre les atrocités de la guerre que l'art les transfigure.
• Ces œuvres plus tard ont été dites « engagées » — Cf.
l'existentialisme : CAMUS et Les Justes, où se montre la
volonté d'entraîner ses contemporains dans une action ; ou bien SARTRE et Les Mains sales, pièce considérée à la
création comme une possible attaque des Staliniens —.
Voilà de nets échos d'époque.
• Mais combien d'autres artistes refusent d'être « dans » leur siècle...
• Véritable prise de position « au-dessus de la mêlée », et sens particulier donné à l'attitude et à la place de
l'artiste.
• Exemple : FLAUBERT qui veut, en ciselant son œuvre d'art, atteindre les vérités de l'écriture loin des agitations du
siècle.
Désir d'un art pur.
• Théorie de Y « art pour l'art », qui se passerait d'une inspiration prenant racine dans l'immédiat, ne lui permettant
pas le détachement nécessaire.
• Ainsi FLAUBERT s'appuiera sur le passé lointain des luttes intestines dans la Carthage d'Hamilcar, père d'Hannibal,
pour écrire Salammbô, ou HEREDIA évoquera les faits héroïques du passé dans Les Trophées.
• On affirmera l'inutilité immédiate du chef-d'œuvre, l'art ne devant avoir d'autre but que lui-même sans aucun souci
de ce que ces auteurs nomment « l'utilité sordide ».
Ils visent à l'impassibilité — Cf.
TH.
GAUTIER.
• Culte de la forme, de la beauté.
Écoles qui recherchent la beauté éternelle, plastique : Alexandrins, Parnassiens,
Symbolistes dont l'esthétique élaborée ne doit être souillée d'aucune anecdote, d'aucun « reflet des désordres
humains » (VALERY) et qui hait « tout mouvement qui déplace les lignes ».
Exemple : le film Le Sourire vertical de LAPOUJADE.
• Sans être aussi systématiques, d'autres artistes semblent à première vue peindre tout autre chose que leur
époque.
Les tragédies Britannicus, Andromaque, Phèdre...
sont situées dans des siècles révolus dont RACINE
connaît si bien l'atmosphère que tel vers :
« Quand pourrai-je au travers d'une noble poussière Suivre de l'œil un char fuyant dans la carrière ? » (Phèdre) fait
ressurgir en rapide tableau à nos yeux la Grèce antique et ses courses de char.
Belle reconstitution du passé et pas.
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