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Dans son étude sur Albert Camus, Robert de Luppé écrit: «L'Etranger est une « oeuvre absurde » mais qui n'a pas la force de l'être jusqu'au bout: Meursault se réveille du lourd sommeil quotidien en faisant éclater sa révolte. » Par l'analyse précise de L'Etranger, essayez d'apprécier la justesse de cette affirmation.

Extrait du document

Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle.» Puis lui revienne les paroles, de l'infirmière : « Personne ne peut imaginer ce que sont les soirs dans les prisons. » 2. La lucidité. L'entrevue avec l'aumônier est décisive : Meursault découvre enfin sa vérité : « sûr de ma vie et de cette mort qui allait venir ». Aussi, se sent-il justifié par cette mort qui met les hommes, tous les hommes, sur le même plan, sans qu'il soit nécessaire de recourir à Dieu et encore moins à la justice des hommes qui le représente ici-bas. Car « tout le monde était privilégié. Il n'y avait que des privilégiés. Les autres aussi, on les condamnerait un jour». Ainsi, le héros est devenu lucide, il a conscience de cette vie « absurde » (le mot est enfin prononcé).

« Dans son étude sur Albert Camus, Robert de Luppé écrit: «L'Etranger est une « œuvre absurde » mais qui n'a pas la force de l'être jusqu'au bout: Meursault se réveille du lourd sommeil quotidien en faisant éclater sa révolte.

» Par l'analyse précise de L'Etranger, essayez d'apprécier la justesse de cette affirmation. Introduction : Premier « récit » de C amus, L'Etranger illustre d'une manière concrète la philosophie de l'absurde exposée dans Le mythe de Sisyphe.

En fait, de quoi s'agit-il ? C 'est une narration à la première personne : un homme fait le « récit » de sa vie jusqu'au moment où il tue un autre homme, est condamné à mort pour ce meurtre et attend dans sa cellule le moment de l'exécution capitale.

Il ne peut être question d'une « confession » mais d'une prise de conscience de plus en plus lucide de « l'absurdité » de la vie. I.

L'étranger ou l'homme absurde. 1.

Q ui est cet homme ? Un homme jeune : M eursault, employé de bureau sérieux ; il est indifférent à la banalité de son travail quotidien : « Q uand j'étais étudiant, j'avais beaucoup d'ambitions...

mais quand j'ai dû abandonner mes études, j'ai très vite compris que tout cela était s ans importance réelle.

» Il vient de perdre sa mère, qu'il avait placée dans une asile de vieillards.

Il n'a pas connu son père. Depuis qu'il ne vit plus avec sa mère, il occupe s eul l'appartement familial, désormais trop grand pour lui. 2.

C omment vit-il ? M eursault vit donc seul.

Une fois sorti de son travail, qu'il fait consciencieus ement, il essaie tant bien que mal d'organiser s es loisirs : il s'ennuie, surtout le dimanche, qu'il n'aime pas (« j'ai pensé que c'était dimanche et c ela m'a ennuyé, je n'aime pas le dimanche»).

Il a des amis ou plutôt des camarades : C éleste, le restaurateur, chez qui il prend quelquefois ses repas (le reste du temps, il prépare lui-même sa cuis ine) ; Emmanuel, un camarade de bureau, qui l'ac compagne certains soirs au c inéma.

M arie, jeune dactylo qu'il avait connue à son bureau, qu'il avait désirée et avec qui il se lie le lendemain de l'enterrement de sa mère ; leur passe-temps favori : la plage, la baignade. Enfin, il parie de temps en temps, lorsqu'il les rencontre dans l'escalier, avec ses voisins de palier : le vieux Salamano et son chien galeux ; Raymond Sintis, « magasinier » de s on état et souteneur. C omment prend-il c onscienc e des êtres et des c hoses ? C e garçon n'est pas bavard : c'est un « caractère taciturne et renfermé », mais il écoute volontiers son interlocuteur.

P ar contre, souvent son attention se relâche, et alors il n'entend plus rien.

O u alors, il se tait, n'ayant plus rien à dire, et s'enferme dans son mutisme (même avec Marie qui lui propose de devenir sa femme). En fait, M eursault observe beaucoup les êtres et les choses : il « regarde », « remarque », « constate » et cherche alors à comprendre. C e regard posé sur les êtres , sur « l'autre », fait que Meursault ess aie toujours d'interpréter les paroles, les gestes, les attitudes de c elui qui parle.

Mais il ne comprend qu'après coup, car les apparences (et les mots en particulier) ne signifient rien.

M eursault s e garde ainsi de juger autrui mais comme, d'autre part, il se sent « étranger » aux autres, ses rapports avec le monde sont basés sur une parfaite indifférence. II.

Le drame et la naissance de l'absurde. P ourtant c et employé sérieux, ce garçon intelligent et sensuel, qui tire ses jouissances d'une vie simple, devient un meurtrier. 1.

Les conditions du meurtre.

Ici intervient la présence obsédante du ciel « éclatant de lumière » et du soleil « écrasant » qui s'emparent totalement du jeune homme, de sa nature ardente mais contenue. A insi, il s 'assoupit dans le car qui le mène à l'as ile des vieillards.

Sur le chemin du cimetière, il est étourdi par « l'éclatement du ciel insoutenable », et par le soleil qui le remplit. De même, sur la plage, sous le soleil, s on cerveau est vide : « je ne pensais à rien parc e que j'étais à moitié endormi par ce s oleil sur ma tête nue ». Enfin, Meursault s'assoupit dès qu'il a bu du vin : « J'ai dormi* un peu parce que j'avais trop bu de vin». 2.

La scène du meurtre.

A u fond, ses motivations sont très simples : il règle sa conduite et ses gestes sur ses impulsions...

Or quand M eursault retourne vers le rocher où est caché l'A rabe, il note encore : « Le iront surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient sous ma peau ».

A lors, il tire : « J'ai secoué la sueur et le soleil.

» M ais, malgré la brûlure du soleil qui l'empêchait de penser, qui l'étourdissait, il restait lucide : « J'ai pensé à ce moment qu'on pouvait tirer ou ne pas tirer ». Bien plus, d'une certaine façon, il juge son acte : « Je savais que c 'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d'un pas.

M ais j'ai fait un pas, un s eul pas en avant », et...

c'est l'irréparable. 3.

Les deux versions du crime.

Pour M eursault, tout est simple.

Il reste étranger à ce qui se passe, il ne se sent pas concerné : « A u début...

tout cela m'a paru un jeu.

» A uss i le comportement de ses interlocuteurs ne lui paraît pas naturel : le juge le regarde « d'une façon bizarre » ; le président lui annonce ,sa condamnation « dans une forme bizarre ». Un mur d'incompréhension continue à le séparer radicalement des autres.

Même le langage ne permet pas la communication : « Moi j'écoutais et j'entendais qu'on me jugeait intelligent.

Mais je ne comprenais pas bien comment les qualités d'un homme ordinaire pouvaient devenir des charges écrasantes contre un coupable.

» D'où son irritation lorsque le procureur, puis l'avocat le tiennent à la fois pour quantité responsable mais négligeable et le cantonnent, en quelque sorte, dans l'impression qu'il éprouve d'être un intrus : « ...on avait l'air de traiter cette affaire en dehors de moi.

T out se déroulait sans mon intervention De temps en temps, j'avais envie d'interrompre tout le monde et de dire, : mais tout de même, qui est l'accusé ? C 'est important d'être l'accusé.

Et j'ai quelque chose à dire ! ». III.

L'éclatement de la révolte. Etranger aux autres, parce que indifférent, M eursault sent soudain sur son banc d'acc usé, au contact des autres, qu'il dépend d'eux à partir du moment où ils le jugent. 1.

La prise de conscience.

A u cours de son procès, M eursault se rend compte, peu à peu, que « quelque chose était changé ».

Non pas que les choses aient pris de l'importance mais il c ommence maintenant, au seuil de la mort, à en avoir une c onscience plus nette. D'abord, il pense à sa mère : « P our la première fois depuis bien longtemps, j'ai pens é à maman...

P ersonne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle.» P uis lui revienne les paroles, de l'infirmière : « P ersonne ne peut imaginer ce que sont les soirs dans les prisons.

» 2.

La lucidité.

L'entrevue avec l'aumônier est décisive : M eursault découvre enfin sa vérité : « sûr de ma vie et de cette mort qui allait venir ».

A ussi, se sent-il jus tifié par cette mort qui met les hommes, tous les hommes, sur le même plan, sans qu'il soit nécessaire de recourir à Dieu et encore moins à la justice des hommes qui le représente ici-bas.

C ar « tout le monde était privilégié.

Il n'y avait que des privilégiés.

Les autres aussi, on les condamnerait un jour».

A insi, le héros est devenu lucide, il a conscience de cette vie « absurde » (le mot est enfin prononcé).

A bsurdité qu'il ressentait confusément, mais qu'il ne s'avouait pas explicitement. 3.

La rencontre avec le monde.

M algré cette lucidité de dernière heure, il ne regrette pas cette vie car « purgé du mal » (le jugement d'autrui) et «vidé d'espoir», «je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférenc e du monde »...

« de l'éprouver si pareil à moi, s i fraternel enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que je l'étais encore, ».

C ette révélation le délivre : par la haine (car il n'a pas connu l'amour, même pas l'affection), il se sent solidaire des autres hommes, ses semblables, et ce nouveau lien l'arrac he à sa s olitude es sentielle. Conclusion : A insi, il s emble bien que, selon l'expression de Robert de Luppé, « M eursault se réveille du lourd sommeil quotidien en faisant éclater sa révolte », mais le héros ne s'arrête pas au stade négatif de cette révolte.

En dernier ressort, elle lui permet de « s aisir » le sens absurde de l'existence et, de ce fait, de communier par sa propre indifférenc e avec l'indifférence du monde.

V oilà sa vérité, son bonheur et pourquoi il se sent « prêt à tout revivre », comme sa mère qui, à la fin de sa vie, avait pris un « fiancé, avait joué à recommencer ».. »

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