De l'essai ou du dialogue, quel vous paraît être le genre le plus adapté pour faire adhérer à une thèse ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet
Le sujet invite à comparer deux genres littéraires qui ont en commun de chercher à convaincre leur lecteur.
Il faut
donc d'abord définir ces deux genres.
Au sens étroit, l'apologue est un court récit à visée morale.
En un sens plus
large, le mot s'applique à toute fiction à visée argumentative.
Il ne s'agit donc pas d'un genre littéraire aux
frontières fixes, mais d'une forme en mouvement, qui inclut, la fable, le conte, la parabole, l'utopie, voire le roman à
thèse.
Il a en propre, du point de vue de la recherche de conviction, de recourir à l'argumentation dite indirecte : le
contenu argumentatif est dissimulé dans un contenu d'une autre nature – notamment fictionnel.
L'essai, d'autre
part, est défini comme une œuvre en prose plus ou moins longue dans laquelle l'auteur traite un ou plusieurs sujets
de morale, de philosophie, de littérature, de politique, sans s'astreindre à une étude systématique et exhaustive ni à
une composition rigoureuse et dans laquelle il expose ses idées avec une grande liberté de style et de présentation ;
l'essai, malgré sa souplesse générique, a recours à une forme directe d'argumentation : il soutient des thèses en
exposant ces thèses et en argumentant ouvertement pour elles.
La comparaison entre les deux genres doit se faire du point de vue de leur pouvoir de conviction, et pas, il faut le
remarquer, de leur pouvoir de persuasion.
Il faut en effet distinguer ces deux termes : si le résultat des processus
de persuasion et de conviction est sensiblement le même (une adhésion du lecteur à certaines idées), leurs moyens
ne sont pas exactement les mêmes, la conviction procédant par des techniques strictement rationnelles et
démonstratives alors que la persuasion peut en appeler à des éléments plus irrationnels, et même recourir à la
manipulation intellectuelle.
Autrement dit, il va falloir évaluer les deux genres du strict point de vue de leurs efficacités argumentatives
respectives.
Il faudra poser la question de savoir quel est le mode d'argumentation le plus pertinent : celui qui se
pose directement comme argumentatif – c'est le cas de l'essai, ou celui qui n'est qu'indirectement argumentatif –
c'est le cas de l'apologue.
Eléments pour le développement
I.
Examen de la force de conviction de l'apologue
L'apologue est indirectement argumentatif, ou plutôt, il enrobe son contenu argumentatif dans un contenu
fictionnel, qui peut avoir le mérite d'être séduisant, plus facilement abordable peut-être, et donc de faire adhérer
plus aisément, par le biais de la séduction de la fiction, aux idées que l'auteur veut défendre.
On pourra penser
notamment aux Fables de La Fontaine – chacune de ces fables vise à poser une vérité morale (« la raison du plus
fort est toujours la meilleure », par exemple) en prenant à cette fin le détour de la fiction et de la poésie.
Ce
procédé semble efficace en ce qu'il propose une meilleure mémorisation de la vérité morale en question, en ce qu'il
fait en sorte que le lecteur y souscrive sans même s'en apercevoir puisqu'il est occupé à se divertir des vers de La
Fontaine ; un apologue habile semble donc avoir une grande force de conviction parce qu'il constitue, en plus d'une
argumentation, une pièce plaisante.
II.
Examen de la force de conviction de l'essai
L'essai se pose comme étant le genre visant à provoquer l'adhésion du lecteur par la pure argumentation.
C'est le
genre philosophique par excellence : on y expose des idées, on les soutient, on permet au lecteur de suivre un
cheminement démonstratif rationnel, c'est-à-dire de construire pas à pas une conviction en passant non pas par
une séduction mais par un raisonnement.
Autrement dit, le lecteur, s'il suit le cheminement démonstratif proposé par
l'essai, construit sa propre conviction en même temps que l'auteur de l'essai et ne se contente donc pas de la
recevoir et d'y souscrire.
L'essai semble donc rendre possible une conviction construite, fondée, particulièrement
forte, donc.
III.
Evaluation comparative finale
Il apparaît que l'essai et l'apologue entraînent deux types de conviction différentes : il faut maintenant décider
quelle est le type de conviction le plus pertinent et le plus puissant.
La conviction entraînée par l'apologue est une
conviction due à la séduction, celle entraînée par l'essai est, elle, due au raisonnement.
Si l'on en appelle à la
distinction entre conviction et persuasion posée dans l'introduction, il semble qu'il faille réserver le mot de conviction
au genre de l'essai et celui de persuasion au genre de l'apologue, qui joue de la séduction pour entraîner l'adhésion.
La distinction entre les deux genres ne se fait donc pas tant du point de vue de la puissance de la conviction qu'ils
entraînent, mais du genre de conviction qu'ils induisent.
Conclusion
La conclusion pourra reprendre la distinction entre les deux genres différents de conviction posés en troisième
partie, et exposer votre choix personnel entre ces deux formes de conviction.
Ce choix devra être brièvement
justifié en rappelant les caractéristiques du genre choisi comme le plus convaincant telles qu'elles ont été exposées
dans les deux premières parties du devoir..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- De l'essai ou du dialogue, quel vous paraît être le genre le plus adapté pour faire adhérer à une thèse ?
- Voltaire écrit dans ses Lettres philosophiques : « Il me paraît qu'en général l'esprit dans lequel M. Pascal écrivit ces Pensées était de montrer l'homme sous un jour odieux. Il s'acharne à nous peindre tous méchants et malheureux. Il écrit contre la nature humaine à peu près comme il écrit contre les jésuites. Il impute à l'essence de notre nature ce qui n'appartient qu'à certains hommes. Il dit éloquemment des injures au genre humain. » Expliquer et discuter ce jugement.
- Ecrivez un dialogue entre A et B, le premier cherchant à démontrer que « il sera toujours beau de gouverner les hommes en les rendant plus heureux », le second remettant en question cette assertion. Vous veillerez à leur faire utiliser des arguments pertinents, des exemples précis et à les faire s'exprimer dans une langue soutenue (deux pages maximum).
- La littérature d'idée trouve-t-elle une meilleure efficacité en divertissant son lecteur? Cette distraction provoquée par la légèreté ne risque-t-elle pas de détourner le lecteur (du message philosophique) des idées de l'auteur ? N'existe t-il pas d'autres stratégies plus aptes à faire adhérer le lecteur à ces idées ?
- Vous imaginez un dialogue de 80 lignes entre deux élèves de lycée; l'un est sensible à la poésie lyrique, apprécie l'expression de sentiments tristes et malheurs, et l'autre refuse ce genre de poésie, et préfère d'autres formes artistiques ou d'autres sources d'inspiration poétique.