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Denis Diderot, Article "Encyclopédie", Encyclopédie, 1751.

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Denis Diderot, Article "Encyclopédie", Encyclopédie, 1751. Encyclopédie. Ce mot signifie enchaînement de connaissances; il est composé de la préposition grecque en, et des substantifs kuklos, cercle, et paideia, connaissance. En effet, le but d'une Encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la terre; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous, afin que les travaux des siècles passés n'aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont; que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain. [...] C'est à l'exécution de ce projet étendu, non seulement aux différents objets de nos académies, mais à toutes les branches de la connaissance humaine, qu'une Encyclopédie doit suppléer; ouvrage qui ne s'exécutera que par une société de gens de lettres et d'artistes, épars, occupés chacun de sa partie, et liés seulement par l'intérêt général du genre humain, et par un sentiment de bienveillance réciproque. [...] J'ai dit qu'il n'appartenait qu'à un siècle philosophe de tenter une Encyclopédie; et je l'ai dit, parce que cet ouvrage demande partout plus de hardiesse dans l'esprit, qu'on n'en a communément dans les siècles pusillanimes du goût. Il faut tout examiner, tout remuer sans exception et sans ménagement; oser voir [...] que ceux qui sont venus après les premiers inventeurs n'ont été, pour la plupart, que leurs esclaves; que les productions qu'on devait regarder comme le premier degré, prises aveuglément pour le dernier terme, au lieu d'avancer un art à sa perfection, n'ont servi qu'à le retarder, en réduisant les autres hommes à la condition servile d'imitateurs. [...] Il faut fouler aux pieds toutes ces vieilles puérilités; renverser les barrières que la raison n'aura point posées; rendre aux sciences et aux arts une liberté qui leur est si précieuse. [...] Je sais que ce sentiment n'est pas celui de tout le monde; il y a des têtes étroites, des âmes mal nées, indifférentes sur le sort du genre humain, et tellement concentrées dans leur petite société qu'elles ne voient rien au-delà de son intérêt. [...] A quoi bon divulguer les connaissances de la nation, ses transactions secrètes, ses inventions, son industrie, ses ressources, ses mystères, sa lumière, ses arts et toute sa sagesse ! Ne sont-ce pas là les choses auxquelles elle doit une partie de sa supériorité sur les nations rivales et circonvoisines ? Voilà ce qu'ils disent; et voici ce qu'ils pourraient encore ajouter. Ne serait-il pas à souhaiter qu'au lieu d'éclairer l'étranger, nous pussions répandre sur lui des ténèbres, et plonger dans la barbarie le reste de la terre, afin de le dominer plus sûrement ? Ils ne font pas attention qu'ils n'occupent qu'un point sur ce globe, et qu'ils n'y dureront qu'un moment; que c'est à ce point et à cet instant qu'ils sacrifient le bonheur des siècles à venir et de l'espèce entière.

« Commentaire de l’article « Encyclopédie » de Diderot Introduction : L'article Encyclopédie, rédigé par Diderot est placé en tête du premier volume après le Discours préliminaire de d'Alembert et définit le programme d'ensemble de cette entreprise éditoriale philosophique et scientifique menée par Denis Diderot et d'Alembert dans l'esprit de la philosophie des Lumières et parue entre 1751 et 1766. Projet de lecture : En quoi ce texte énonce-t-il le programme et les finalités de cette grande entreprise qu’est l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ? I) Une finalité didactique 1) La promotion du Savoir L’Encyclopédie se présente comme une vaste entreprise de promotion du savoir.

Diderot affirme clairement, dès le début de son article son ambition didactique d’enseigner au monde des connaissances : « Ce mot signifie enchaînement de connaissances; il est composé de la préposition grecque en, et des substantifs kuklos, cercle, et paideia, connaissance.

» La référence à l’étymologie du mot « encyclopédie » accentue la visée didactique et l’ambition éducative de Diderot qui présente cette œuvre comme objective et dispensant un savoir précise te scientifique.

Il développe la genèse et le fonctionnement d’un tel projet en montrant l’ambitieuse promotion du savoir désirée : « le but d'une Encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la terre; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ».

Il s’agit donc de « rassembler » (c’est-à-dire à la fois collecter et trier des informations), « exposer » ( présenter d’une manière claire et raisonnée) et de « transmettre » ( dédier ce travail à la postérité).

L’Encyclopédie s’inscrit donc dans un mouvement de jonction de trois paradigmes temporels : le passé (où il faut puiser les connaissances), le présent (auquel il faut expliquer le passé) et le futur (auquel il faut transmettre cet héritage).

La promotion du Savoir visée par l’Encyclopédie est celle d’un savoir total ( relever ici les expressions nombreuses suggérant l’idée de totalité et d’exhaustivité : « sur la terre…toutes les branches de la connaissance humaine…tout examiner, tout remuer sans exception et sans ménagement… » 2) Un « éclairage » sur le monde La finalité didactique de l’Encyclopédie ne consiste pas seulement dans la promotion d’un savoir le plus complet possible, mais aussi dans une formation de l’esprit à un regard « éclairé », raisonné sur le monde.

Il s’agit d’ « oser voir » le monde tel qu’il est avec les yeux de la raison et non aveuglé par les apparences ; il faut dépasser les impressions premières pour accéder à la vérité ; c’est ce que Diderot suggère dans le passage évoquant les imitateurs des premiers inventeurs qui prétendent à une fausse avancée technique : « les productions qu'on devait regarder comme le premier degré, prises aveuglément pour le dernier terme, au lieu d'avancer un art à sa perfection, n'ont servi qu'à le retarder, en réduisant les autres hommes à la condition servile d'imitateurs » Le dernier paragraphe du texte utilise la métaphore de la lumière et de l’obscurité pour justifier l’entreprise didactique menée par l’Encyclopédie : « Ne serait-il pas à souhaiter qu'au lieu d'éclairer l'étranger, nous pussions répandre sur lui des ténèbres, et plonger dans la barbarie le reste de la terre, afin de le dominer plus sûrement ? » L’ambition de Diderot est ce répandre sur l’étranger, sur le novice les lumières de la raison afin de le libérer du joug de l’obscurité et de lui permettre de penser par lui-même afin d’assurer sa liberté.

C’est une véritable entreprise de formation de l’esprit humain que souhaite mettre en place Diderot. ( remarquer la reprise de ces idées par Kant en 1984 dans « Qu’est ce que les Lumières ») II) Une entreprise humaniste 1) L’amour du genre humain Diderot, dans cet article exprime son amour inconditionnel pour le genre humain en qui il exprime sa foi profonde. L’Encyclopédie est une entreprise directement tournée vers les hommes : « d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous » ; l’homme est au centre de cet entreprise.

L’amour de Diderot pour le genre humain se manifeste notamment à travers l’emploi du substantif « neveux », à connotation affective ici , désignant la postérité.

Diderot, dans cette entreprise, souhaite donc « avoir bien mérité du genre humain ».

L’amour de Diderot pour le genre humain s’exprime à travers sa volonté de faire passer l’intérêt général de l’humanité avant l’intérêt personnel, entreprise humaniste qu’il tentera de mettre en œuvre dans l’Encyclopédie en donnant accès au Savoir à tous ; ainsi les rédacteurs de l’Encyclopédie seront-ils tous « liés seulement par l'intérêt général du genre humain, et par un sentiment de bienveillance réciproque ».

Cet amour de l’homme conduit Diderot à faire, dans le dernier paragraphes, une critique implicite des conflits guerriers et des rivalités qui mettent en avant seulement un intérêt personnels et empêchent des entreprises telles que celle de l’Encyclopédie, de voir le jour.. »

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