Désert de Jean-Marie Gustave Le Clézio
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Désert de Jean-Marie Gustave Le Clézio
Roman, France, 1980
Résumé
L'hiver 1909 voit la dernière odyssée des hommes bleus du désert, venus, de plus en plus nombreux, rejoindre les
guerriers du grand cheikh Ma el Aïnine, « L'Eau des yeux », aux portes de Smara, dans la vallée de la Saguiet el
Hamra.
En route depuis des mois, des années, pour chasser les « soldats des chrétiens », ils marchent
inlassablement.
Les uns sont morts, les autres sont nés.
Smara héberge les tribus mais cette ville n'est qu'une halte, jusqu'à ce que Ma el Aïnine et son fils indiquent la
direction : le nord, vers la vallée du grand fleuve Souss.
Après une longue nuit de prière, les nomades se remettent
en route; aux jours brûlants succèdent les nuits glacées.
Le jeune Nour, de la lignée d'Al Azraq, l'Homme Bleu, celui
qui montra la Voie au grand cheikh, est du voyage.
Ils sont plusieurs milliers à marcher, enveloppés dans le grand
silence du désert.
Les « soldats des chrétiens » ne sont autres que les armées françaises et espagnoles qui ont envahi le désert et
veulent encercler les derniers nomades.
Mais Ma el Aïnine en a décidé autrement et entraîne avec lui dans sa perte
des milliers de fidèles, animés par l'espoir d'un jour atteindre des terres qui seraient les leurs, nommer leur roi...
Mais
le cheikh ignore la puissance européenne, celle des banques, il ignore les accords qui ont déjà donné à la France le
Maroc et à la Grande-Bretagne l'Egypte, il ignore le traité d'Algésiras qui a mis fin à la guerre sainte pour laquelle il
veut tant se battre.
Il est vaincu, comme tous ceux qui l'ont suivi.
Certains se sont enfuis vers le sud pour ne pas
être encerclés par les armées qui, peu à peu, ont resserré la tenaille.
Aux portes d'Agadir, les sabres et les lances des guerriers harassés ne peuvent rien contre les mitrailleuses de
l'armée française, et c'est le massacre.
Lorsque le silence est revenu sur l'étendue désertique, les survivants
enterrent leurs frères et repartent vers le sud.
Avec eux, Nour se remet en marche et perpétue l'errance...
La jeune Lalla connaît bien tous les chemins qui mènent à la mer.
Le labyrinthe des dunes, les insectes, les plantes
n'ont pas de secret pour elle.
Solitaire, elle passe de longues journées à marcher, bien au-delà des maisons des
pêcheurs, ses pieds foulant le sable des sentiers.
A la tombée du jour, elle rentre dans le bidonville où elle vit; mais,
bien plus que cette «cité de tôle et de papier goudronné », c'est la divine nature qui est sa terre de prédilection,
l'endroit où les heures s'égrènent au rythme de sa rêverie.
Parfois, celui qu'elle appelle Es Ser, le Secret, lui apparaît
et elle garde longtemps en mémoire la force troublante de son regard.
Le vieux pêcheur Naman est son ami, parce qu'il lui raconte des histoires dans lesquelles chantent les noms de villes
lointaines : Algésiras, Madrid, Marseille, Paris.
Ils ont l'auréole de l'inconnu et Lalla aime à les fredonner doucement.
Souvent, elle rejoint dans les montagnes le Hartani, jeune berger muet, parce que leur solitude leur donne un
langage à part.
Lalla aime également entendre les histoires que lui raconte sa tante Aamma; à propos de l'Homme Bleu, ou de Ma el
Aïnine, ou encore d'Hawa, sa propre mère.
Tous ces récits entretiennent en elle le souvenir de ses ancêtres.
Un jour, un homme riche est venu de la ville, les bras pleins de gadgets, pour emmener Lalla.
C'est alors qu'elle a
décidé de fuir, parce que son amour de la liberté est aussi fort que, jadis, celui des nomades.
Avec le Hartani, elle
entame la longue marche dans le désert.
La nuit, ils s'enveloppent dans la même couverture, étroitement enlacés.
C'est là, sous le ciel étoilé, qu'elle se donne au jeune berger.
Maintenant, Lalla est sur le bateau qui la conduit à Marseille où est partie vivre Aamma.
On lui a fait le récit de
l'issue de sa fugue, lorsqu'on l'a retrouvée à moitié morte dans le désert.
Le Hartani a préféré continuer sa route.
Lalla ne reconnaît pas la ville lumineuse des histoires de Naman.
Comme dans son pays, elle marche dans la ville,
elle connaît chaque ruelle pauvre du quartier du Panier où sa tante l'héberge.
Elle rencontre un jeune clochard,
Radicz, tenaillé comme elle par la faim.
Il connaît parfaitement le « métier » de voleur et ramène son butin au chef
de la bande pour lequel il « travaille ».
Un jour, Lalla s'évanouit dans la rue.
Le brave homme qui la relève croit qu'elle est tombée d'inanition, mais
secrètement, elle sait qu'il y a une autre raison : l'enfant qu'elle porte l'affaiblit.
Cela ne l'empêche pas de travailler
quelque temps dans un hôtel miteux.
Elle range et nettoie les chambres des clients...
Jusqu'au jour où elle décide de
quitter ce lieu sordide, profondément troublée par la mort d'un des pensionnaires.
Cet incident lui rappelle Naman le
vieux pêcheur, mort peu de temps avant son départ.
C'est elle qui avait adouci ses derniers instants...
Avec le reste
de sa paie, elle emmène Radicz au restaurant.
C'est là qu'un photographe tombe en extase devant son regard
lumineux.
Peu de temps après, il la croise dans la vieille ville et l'emmène chez lui, prenant des milliers de clichés du
visage parfait de la jeune fille.
C'est elle qui est à présent sur toutes les couvertures des magazines, parée des plus beaux vêtements que dicte la
mode.
Cependant, c'est son vieux manteau râpé qu'elle enfile lorsque, un matin, elle décide de rentrer dans son
pays.
Lalla marche le long des sentiers menant aux dunes.
Derrière elle, la cité de tôle et de papier goudronné dort,
silencieuse.
C'est la nuit.
Ses pieds foulent à nouveau la terre des hommes bleus qui vivent au fond de son âme.
La
fatigue et le poids de son fardeau ralentissent sa marche.
Pliée par une douleur nouvelle, elle avance lentement
tentant d'atteindre le vieux figuier dont le tronc solide lui donnera la force de mettre au monde, seule, son enfant
comme, jadis, sa mère, une nuit, la mit au monde..
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