Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les bords de la route) - Un soir
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Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les bords de la route) - Un soir Avec les doigts de ma torture Gratteurs de mauvaise écriture, Maniaque inspecteur de maux, J'écris encor des mots, des mots... Quant à mon âme, elle est partie. Morosement et pour extraire L'arrière-faix de ma colère, Aigu d'orgueil, crispé d'effort, Je râcle en vain mon cerveau mort. Quant à mon âme, elle est partie. Je voudrais me cracher moi-même, La lèvre en sang, la face blême : L'ivrogne de son propre moi S'éructerait en un renvoi. Quant à mon âme, elle est partie. Homme las de rage, qui rage D'être lassé de son orage, La vie en lui ne se prouvait Que par l'horreur qu'il en avait. Quant à mon âme, elle est partie. Mes poings ont tordu dans le livre L'intordable fièvre de vivre ; Ils ne l'ont point tordue assez Bien que mes poings en soient cassés. Quant à mon âme, elle est partie. Le han du soir suprême, écoute ! S'entend là-bas sur la grand'route ; Clos tes volets - c'est bien fini Le mors-aux-dents vers l'infini.
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