Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les soirs) - Les complaintes
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Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les soirs) - Les complaintes Les complaintes qu'on va chantant par la grand'route Avec leurs vieux refrains de banal désespoir, Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute, Sont plus tristes encor, les dimanches, le soir, A l'heure où vont mourir les tons et les lumières. Le village, s'endort : la cloche des saluts Tinte minablement et tinte ; et les chaumières Qu'on ferme, et les volets et leurs airs vermoulus Poussent des cris souffrants, comme des voix humaines. Parfois, dans les vergers, un très doux meuglement S'entend au loin et réveille un écho. Les plaines Se remplissent de nuit et de tressaillement. Personne. A l'horizon, rien que la solitude Et des nuages lents qui voyagent par tas. Et dans cet infini d'ombre et de lassitude Et dans cette douleur des campagnes, là-bas, Les complaintes qu'on va chantant par la grand'route, Avec leurs vieux refrains de banal désespoir, Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute, Meurent, en cette fin de dimanche et de soir.
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