Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les vignes de ma muraille) - Novembre
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Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les vignes de ma muraille) - Novembre Les grand'routes tracent des croix A l'infini, à travers bois ; Les grand'routes tracent des croix lointaines A l'infini, à travers plaines ; Les grand'routes tracent des croix Dans l'air livide et froid, Où voyagent les vents déchevelés A l'infini, par les allées. Arbres et vents pareils aux pèlerins, Arbres tristes et fous où l'orage s'accroche, Arbres pareils au défilé de tous les saints, Au défilé de tous les morts Au son des cloches, Arbres qui combattez au Nord Et vents qui déchirez le monde, Ô vos luttes et vos sanglots et vos remords Se débattant et s'engouffrant dans les âmes profondes ! Voici novembre assis auprès de l'âtre, Avec ses maigres doigts chauffés au feu ; Oh ! tous ces morts là-bas, sans feu ni lieu, Oh ! tous ces vents cognant les murs opiniâtres Et repoussés et rejetés Vers l'inconnu, de tous côtés. Oh ! tous ces noms de saints semés en litanies, Tous ces arbres, là-bas, Ces vocables de saints dont la monotonie S'allonge infiniment dans la mémoire ; Oh ! tous ces bras invocatoires Tous ces rameaux éperdument tendus Vers on ne sait quel christ aux horizons pendu. Voici novembre en son manteau grisâtre Qui se blottit de peur au fond de l'âtre Et dont les yeux soudain regardent, Par les carreaux cassés de la croisée, Les vents et les arbres se convulser Dans l'étendue effarante et blafarde, Les saints, les morts, les arbres et le vent, Oh l'identique et affolant cortège Qui tourne et tourne, au long des soirs de neige ; Les saints, les morts, les arbres et le vent, Dites comme ils se confondent dans la mémoire Quand les marteaux battants A coups de bonds dans les bourdons, Ecartèlent leur deuil aux horizons, Du haut des tours imprécatoires. Et novembre, près de l'âtre qui flambe, Allume, avec des mains d'espoir, la lampe Qui brûlera, combien de soirs, l'hiver ; Et novembre si humblement supplie et pleure Pour attendrir le coeur mécanique des heures ! Mais au dehors, voici toujours le ciel, couleur de fer, Voici les vents, les saints, les morts Et la procession profonde Des arbres fous et des branchages tords Qui voyagent de l'un à l'autre bout du monde. Voici les grand'routes comme des croix A l'infini parmi les plaines Les grand'routes et puis leurs croix lointaines A l'infini, sur les vallons et dans les bois !
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