Emile Zola, Nana
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Emile Zola, Nana
Tous se tournèrent. Elle ne s'était pas couverte du tout, elle venait simplement de boutonner un petit corsage de percale, qui lui cachait à demi la gorge. Lorsque ces messieurs l'avaient mise en fuite, elle se déshabillait à peine, ôtant vivement son costume de Poissarde. Par-derrière, son pantalon laissait passer encore un bout de chemise. Et les bras nus, les épaules nues, la pointe des seins à l'air, dans son adorable jeunesse de blonde grasse, elle tenait toujours le rideau d'une main, comme pour le tirer de nouveau, au moindre effarouchement.
" Oui, j'ai été surprise, jamais je n'oserai..., balbutiait-elle, en jouant la confusion, avec des tons roses sur le cou et des sourires embarrassés.
- Allez donc, puisqu'on vous trouve très bien ! " cria Bordenave.
Elle risque encore des mines hésitantes d'ingénue, se remuant comme chatouillée, répétant :
" Son Altesse me fait trop d'honneur... Je prie Son altesse de m'excuser, si je la reçois ainsi...
- C'est moi qui suis importun, dit le prince ; mais je n'ai pu, madame, résister au désir de vous complimenter... "
Alors, tranquillement, pour aller à la toilette, elle passa en pantalon au milieu de ces messieurs, qui s'écartèrent. Elle avait les hanches très fortes, le pantalon ballonnait, pendant que, la poitrine en avant, elle saluait encore avec son fin sourire. Tout d'un coup, elle parut reconnaître le comte Muffat, et elle lui tendit la main, en amie. Puis, elle le gronda de n'être pas venu à son souper. Son Altesse daignait plaisanter Muffat, qui bégayait, frissonnant d'avoir tenu une seconde, dans sa main brûlante, cette petite main, fraîche des eaux de toilette. Le comte avait fortement dîné chez le prince, grand mangeur et beau buveur. Tous deux étaient même un peu gris.
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