En faisant appel à votre expérience et à vos connaissances historiques et littéraires, vous expliquerez et apprécierez le précepte de Voltaire : «Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire. »
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«
En faisant appel à votre expérience et à vos connaissances historiques et littéraires, vous expliquerez et
apprécierez le précepte de Voltaire : «Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au
bout pour que vous puissiez le dire.
»
En déclarant «Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous
puissiez le dire », Voltaire donne une leçon de tolérance et définit ce que doit être l'esprit démocratique.
La valeur
de sa formule vient de ce qu'elle distingue deux plans qu'on a le tort de confondre le plus souvent : celui de l'opinion
et celui de la vérité.
Croire profondément une chose n'implique pas qu'elle soit vraie.
Il faut donc être capable de
mettre en cause ses propres convictions et d'allier le doute à la certitude.
Il faut pouvoir dire « je suis totalement
convaincu que telle chose est vraie mais je me trompe peut-être ».
On voit la difficulté.
Le doute se marie mal avec
la foi; aussi faut-il ne pas avoir de foi; il est permis d'avoir des convictions, certes, mais en restant conscient
qu'elles sont fonction de ce que nous savons, de notre expérience, de notre caractère, et peut-être de nos
passions.
Il faut donc non seulement croire mais savoir que l'on croit, et non pas croire que l'on sait.
Si j'admets que je puis me tromper malgré l'impression de certitude que j'éprouve, j'admettrai du même coup que
l'autre puisse avoir raison, même si tout me fait croire qu'il a tort.
Je me garderai donc d'ériger indûment en vérité
absolue mon opinion et j'éviterai de condamner sans recours celle d'autrui; car si je pense qu'autrui peut se tromper,
pourquoi me croirais-je à l'abri d'une telle défaillance? Si je me crois capable de saisir la vérité, pourquoi ne
reconnaîtrais-je pas cette faculté à un autre que moi-même? Le principe de toute morale est de ne pas faire
d'exception et de reconnaître aux autres les mêmes droits qu'à soi-même, et à soi-même les mêmes droits qu'à
autrui.
Ainsi le veut le caractère universel de la raison (cf.
Kant).
Si j'ai l'amour de la vérité, je ne dois refuser aucun
concours qui me permette de l'atteindre; les opinions d'autrui tout comme les miennes contribuent à la recherche du
vrai.
Le progrès du savoir vient du dialogue, non du monologue.
Le fanatisme consiste non dans l'amour de la vérité
mais dans l'idolâtrie
de sa propre pensée; le véritable amour du vrai doit rendre modeste; paradoxalement, plus haute est l'idée que l'on
se fait de la vérité, plus on est conscient de la difficulté de l'approcher, et plus on doute, non seulement des idées
des autres, mais aussi des siennes propres.
Témoin Descartes.
Le doute cartésien n'est pas l'effet d'une indifférence
à la vérité, ce n'est pas la marque d'un scepticisme, c'est l'expression d'une exigence qui se refuse à confondre nos
impressions subjectives avec la vérité objective.
Le souci du vrai interdit au philosophe de privilégier ou de
condamner sans preuves aucune opinion.
Ainsi on comprend mieux que l'on puisse, comme Voltaire, à la fois
combattre des idées et combattre pour qu'elles puissent s'exprimer librement.
Dans la réalité, cependant, cette attitude est bien difficile à pratiquer.
Il y faut beaucoup de sagesse et beaucoup
de conscience de soi.
Il faut constamment prendre du recul par rapport à soi-même, ce qui est presque impossible
lorsqu'on s'engage avec passion.
Voltaire lui-même a-t-il toujours été fidèle à son précepte? c'est fort douteux.
Nous voyons bien qu'il a aidé de son influence ceux qui pensaient à peu près comme lui (entre autres les
encyclopédistes), mais quand s'est dressée contre lui une pensée contraire à la sienne, quand Rousseau a osé
mettre en doute l'ensemble de ses idées, Voltaire s'est montré le plus intolérant des hommes.
Sarcasmes, ironies,
dénaturation de la pensée d'autrui, persécutions, il a tout mis en oeuvre pour ridiculiser et détruire celui qui ébranlait
sa royauté.
Il y a donc deux Voltaire comme il y a deux êtres en chaque homme.
Ce n'est que lorsque nos intérêts
et nos passions ne sont pas en jeu que nous sommes capables d'idéalisme et de générosité.
C'est ainsi, dit
Rousseau, que le spectateur du théâtre est toujours vertueux, mais quand il retourne à ses affaires, il retourne
aussi à son égoïsme.
On ne peut donc compter sur les seules lumières de la raison pour proscrire l'intolérance.
Elle
est malheureusement trop naturelle à l'homme.
Les hommes politiques de la Révolution française, malgré leurs
bonnes intentions premières, trouvèrent bientôt plus expéditif, pour répondre aux critiques qui leur étaient
adressées, de recourir à la guillotine plutôt qu'à la discussion.
Pour préserver la liberté de pensée et d'expression, il
faut donc autre chose que la bonne volonté individuelle, il faut des institutions.
Et c'est là que, contre Voltaire, nous invoquons Rousseau.
Les institutions ont en général pour rôle de défendre
l'homme contre lui-même; les institutions démocratiques, en particulier, sont le rempart que les hommes élèvent
librement, en s'appuyant sur leur vertu, contre leur
propre égoïsme.
Il faut donc que les citoyens puisent dans ce qu'il y a de meilleur en eux la volonté d'établir une
règle commune à tous et propre à prévenir, y compris en chacun d'eux, le retour du vieux fanatisme jamais guéri et
toujours prêt à se réveiller.
Le « contrat social », c'est-à-dire la démocratie, peut seul assurer à chacun le libre
exercice de sa raison et de sa parole..
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