En quoi peut-on dire que dans la tragédie tout est déjà joué lorsque la pièce commence, qu'il n'y a rien à faire comme le dit le prologue d'Antigone d'Anouilh ?
Extrait du document
Définition des termes du sujet
Le sujet porte sur la
définition et les caractéristiques de la tragédie tels qu'ils sont posés par
Anouilh dans le prologue de sa pièce Antigone (on pourra se référer à ce
passage du prologue :
« Et puis, surtout, c'est reposant, la
tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; qu'on est
pris, qu'on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur le dos, et qu'on
n'a plus qu'à crier, - pas à gémir, non, pas se plaindre, - à gueuler à pleine
voix ce qu'on avait à dire, qu'on n'avait jamais dit et qu'on ne savait
peut-être même pas encore. [...] Et il n'y a plus rien à tenter, enfin ! »).
La définition d'Anouilh met en
lumière le caractère d'inéluctabilité de l'intrigue tragique, c'est-à-dire que
la tragédie ne répondrait pas aux schémas narratifs traditionnels (noeud -
péripéties - dénouement) puisque le dénouement serait déjà contenu en elle dès
le départ - et connu ou du moins deviné du spectateur - et qu'il n'y aurait donc
aucune possibilité pour les personnages d'échapper à leur sort : c'est
finalement la question de la place du destin - ou du fatum, en latin -
tragique qui se pose, et qui est en effet un élément fondamental du genre
tragique depuis l'Antiquité.
Il faut préciser maintenant
les deux éléments contenus dans le sujet. Le premier élément est : « tout est
joué lorsque la pièce commence » : cela renvoie, nous l'avons vu, au fait que le
fonctionnement de la tragédie n'est pas une fonctionnement de péripéties et de
dénouement, et que la fin est pratiquement connue avant même d'entrer dans le
théâtre, notamment dans la mesure où les tragédies reprennent des canevas
anciens et connus de tous. Le second élément est plus précis et porte sur la
place des personnages et de leur volonté dans la tragédie : « il n'y a rien à
faire » : non seulement la tragédie semble avoir sa fin contenue dans la
situation même qu'elle met en place, mais encore elle ne laisse aucune marge de
manoeuvre possible à ses personnages, dont la volonté n'existe finalement que
parce qu'elle se soumet au destin que la tragédie fait peser sur elle. Ces deux
éléments invitent à s'interroger sur le rôle que joue le destin dans la tragédie
et sur
Il va falloir se demander en
quoi cette définition se vérifie dans l'ensemble du genre tragique, si elle est
pertinente et si elle est suffisante - renvoie-t-elle à une simple
caractéristique ou à un élément constitutif fondamental du genre tragique ?
Eléments pour le développement
* L'intrigue déjà connue de la
tragédie : l'enjeu de la pièce n'est pas de raconter une histoire nouvelle
L'intrigue a une place tout à
fait particulière dans le genre tragique, dans la mesure où elle est presque
toujours empruntée à des schémas anciens, souvent antiques - ainsi, en allant
voir l'Antigone d'Anouilh, le spectateur a en tête le schéma de
l'Antigone de Sophocle et connaît déjà l'enjeu de l'intrigue et son dénouement.
Cela est vrai pour toutes les tragédies écrites au XXème siècle - Antigone,
donc, mais aussi La machine infernale de Cocteau ou Amphitryon 38
de Giraudoux - mais aussi et surtout pour les tragédies classiques que l'on
considère comme les tragédies majeures de la littérature française. Dans les
préfaces de la plupart de ses tragédies, Racine fait ainsi référence à l'auteur
antique auquel il emprunte son canevas, et annonce que l'intrigue que l'on va
suivre est sans doute déjà connue de nous.
Liens utiles
- TRAGÉDIE Antigone (1944) JEAN ANOUILH (1910-1987)
- Antigone, de Jean Anouilh (de «Un matin, je me suis réveillé roi de Thèbes.» à … «C'est laid un homme qui a peur.»)
- Tout est permis au théâtre: incarner des personnages, mais aussi matérialiser des angoisses, des présences intérieures. Il est donc non seulement permis, mais recommandé, de faire jouer les accessoires, faire vivre les objets, animer les décors, concrétiser les symboles. De même que la parole est continuée par le geste, le jeu, la pantomime, qui, au moment où la parole devient insuffisante, se substituent à elle, les éléments scéniques matériels peuvent l'amplifier à leur tour. A la l
- Anouilh: Antigone face à Créon
- Quelles sont, dans la pièce que vous avez étudiée cette année (Antigone de Jean Anouilh), les relations entre le mythe et le tragique ?