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En une réponse à des critiques qui lui reprocheraient d'avoir engagé la littérature dans le combat politique, Montesquieu écrit un essai dans lequel il défend le choix de tout écrivain de mettre la littérature au service de grandes causes. Rédigez cet essai.

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Elle est, en outre, d'une nature artistique qui ajoute, au contenu doctrinal, un plaisir : autrement dit, la littérature mise au service de grandes causes peut être un moyen particulièrement efficace de servir ces grandes causes. On pourra prendre pour exemple le texte de Montesquieu sur l'esclavage, dans l'Esprit des lois :   « Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais : Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique pour s'en servir à défricher tant de terres. Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves. Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir. Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples d'Asie qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une façon plus marquée. On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d'une si grande conséquence qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains. Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez des nations policées, est d'une si grande conséquence. Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens. De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains.

« Explication des termes du sujet Il s'agit ici d'avancer des arguments en faveur d'un engagement de la littérature, cet engagement, « au service de grandes causes », pouvant être de différentes natures – la formulation du sujet est en effet assez large pour ne pas se limiter à la question de l'engagement politique.

On pourra procéder d'une manière exclusivement positive, en avançant divers arguments en faveur de cet engagement, ou bien d'une manière plus dialectique, en ajoutant à ces arguments positifs des contre-arguments que l'on s'emploiera à réfuter. Un des problèmes posés par ce sujet d'invention est que l'essai qu'il s'agit de produire est supposé être le fait de Montesquieu : on ne pourra donc pas exploiter des exemples postérieurs à l'époque de celui-ci, comme celui de Hugo avec le Dernier jour d'un condamné, plaidoyer littéraire contre la peine de mort, par exemple.

On pourra en revanche imaginer que Montesquieu fasse la promotion d'une littérature se mettant explicitement au service de certains engagements, de certaines causes. Il faudra envisager, comme source de contre-arguments que l'on réfutera, tout le domaine de la littérature dont la recherche est simplement esthétique, ou encore toute l'esthétique littéraire de l'imitation, qui veut que l'art cherche à imiter la nature, à en exprimer l'essence par exemple, et que sa posture n'est pas une posture d'action sur le monde, mais de contemplation.

La formulation du sujet d'invention (« En une réponse à des critiques qui lui reprocheraient d'avoir engagé la littérature dans le combat politique »), invite à prêter cette position-là aux critiques dont serait victime Montesquieu, et donc à commencer l'essai par une réfutation de ces critiques et de leurs positions. Il faudra enfin prendre la mesure de l'expression « tout écrivain » : il s'agit en effet ici de définir non pas une posture possible de l'écrivain, mais celle que doit prendre TOUT écrivain – autrement dit, l'essai appuyer l'idée selon laquelle la seule forme de littérature qui soit valable est celle qui se met au service de grandes causes. Arguments possibles - Réfutation d'une compréhension purement esthétique, non engagée, de la littérature : On pourra arguer de l'ancrage nécessaire de l'homme dans le monde, de la nécessité de son action sur celui-ci, et donc faire la promotion d'une littérature « utile » : la littérature à vocation uniquement esthétique couperait l'homme de son action sur le monde, pourrait présenter le danger de lui faire perdre la conscience de la réalité des choses au profit d'une réalité imaginaire et illusoire qui aurait pour effet de le rendre inapte à l'action, inapte à l'engagement dans le monde. On pourra aussi critiquer un certain narcissisme, peut-être, de la littérature à vocation uniquement esthétique : elle se suffit à elle-même, se contemple elle-même, ne se soucie peut-être pas de se rendre accessible aux hommes, elle ne sert aucune autre cause qu'ellemême. NB : dans le cadre de l'essai demandé par ce travail d'invention, ne pas hésiter à présenter ces arguments, assez extrêmes et conditionnés par le refus d'une littérature désengagée du monde, avec une certaine virulence : ne pas oublier que Montesquieu répond à des critiques. - Promotion du « choix de tout écrivain de mettre la littérature au service de grandes causes » : Il faut réfléchir d'abord sur la nature de la littérature du point de vue de sa diffusion : elle consiste en des écrits aisément reproductibles ou communicables à l'oral, elle constitue sans doute un des meilleurs moyens de diffuser les idées nouvelles. Elle est, en outre, d'une nature artistique qui ajoute, au contenu doctrinal, un plaisir : autrement dit, la littérature mise au service de grandes causes peut être un moyen particulièrement efficace de servir ces grandes causes.

On pourra prendre pour exemple le texte de Montesquieu sur l'esclavage, dans l'Esprit des lois : « Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais : Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique pour s'en servir à défricher tant de terres. Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves. Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir.

Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples d'Asie qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une façon plus marquée.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d'une si grande conséquence qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.

Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez des nations policées, est d'une si grande conséquence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains.

Car, si elle était telle qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ? » Ce n'est pas seulement un texte idéologique contre l'esclavage, c'est aussi un texte littéraire, qui emploie la figure de l'ironie pour marquer les esprits : si Montesquieu avait simplement avancé des arguments bruts contre l'esclavage, son texte aurait eu moins de force. Au contraire, le texte qu'il a effectivement écrit est à lire au second degré, on dépasse le domaine de l'information pour entrer dans celui de la littérature, qui apparaît bien plus efficace pour servir la cause de la lutte contre l'esclavage.

Compte tenu de cette efficacité idéologique de la littérature, c'est pour elle un devoir de servir de grandes causes. On pourra enfin réfléchir sur la posture de l'écrivain face au monde, et faire la promotion d'un statut actif de cette posture : il écrirait pour améliorer le monde, et pas seulement pour l'imiter ou le contempler.

L'écrivain serait avant tout un homme plongé dans le monde ; le fait qu'il doive se mettre au service de grandes causes serait en quelque sorte la manière dont il traduirait son engagement dans le monde, qui peut apparaître comme un devoir moral.. »

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