Est-il nécessaire de plaire au lecteur pour mieux faire passer ce qu'on a à lui dire ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet et problématisation
Le sujet pose le problème de la réception d'un texte et du pouvoir d'un auteur sur son lecteur.
Le verbe « plaire » implique l'idée d'une littérature séductrice, qui charme le lecteur en le divertissant par son
sujet ou par sa forme.
L'expression « faire passer ce qu'on a à lui dire » évoque un message ou une idée que l'auteur voudrait
transmettre à son lecteur, le verbe « faire passer » pouvant suggérer que cette idée soit quelque peu délicate, par
sa nouveauté, sa dureté, sa subversion, etc…
L'adjectif « nécessaire » semble supposer le caractère indispensable de la séduction en littérature pour
atteindre le lecteur.
Il invite donc à dépasser ce premier constat en montrant qu'il n'est finalement que contingent.
Problématique : La littérature ne peut-elle transmettre des idées que par la séduction ? Quels sont
finalement les moyens de véhiculer un message en littérature ?
I)
Certes, la transmission d'un message en littérature passe souvent par le plaisir du
lecteur
Le plaisir du lecteur apparaît comme un des ressorts de la persuasion littéraire.
Si le lecteur n'est pas séduit
par un texte, il n'ira pas forcément au bout de ce texte et n'en découvrira pas le message.
Quels sont les ressorts
du plaisir du lecteur et en quoi permet-il de faire passer le message de l'auteur ?
- Le plaisir du lecteur est souvent procuré par une fiction divertissante.
La fiction suscite le plaisir du lecteur
en le captivant par l'intrigue, en le dépaysant et en provoquant son amusement.
Le lecteur est plongé dans l'intrigue
et désire en connaître le dénouement : il ira donc jusqu'au bout du texte.
(Cf.
Candide de Voltaire : le héros va-t-il
parvenir à retrouver Cunégonde et à l'épouser ?) C'est une assurance pour l'auteur que son message sera transmis
intégralement, contrairement à d'autres formes d'expression plus rébarbatives et austères qui pourraient décourager
le lecteur.
L'écrivain peut provoquer aussi par la fiction l'amusement du lecteur en usant d'humour et d'ironie.
Ex :
·
Dans Candide de Voltaire, le patronyme ridicule du baron de Thunder-ten-tronckh fait rire le lecteur,
et permet également à Voltaire de faire une virulente satire de la noblesse.
·
Dans les comédies de Molière, le rire permet souvent de faire adhérer le spectateur à la satire de la
noblesse
·
Autre ex : Marivaux, L'Ile aux esclaves : le lecteur se prend au jeu de rôle mis en scène sur l'île et
ce faisant, il entend avec sûrement plus de sympathie la critique des inégalités faite par Marivaux.
- Le plaisir du lecteur passe aussi souvent par un processus d'identification qui plonge totalement le lecteur
dans l'intrigue.
Ce plaisir de l'identification convie le lecteur à faire un voyage imaginaire à travers sa lecture.
La
fonction de la littérature est donc ici de charmer le lecteur, de le faire voyager dans un monde imaginaire le temps
de la lecture, un monde dont il peut être le héros en s'identifiant au protagoniste.
Ce processus permet à l'auteur de
s'assurer d'une part que son lecteur ira jusqu'au bout de l'œuvre, et d'autre part, qu'il adhèrera aux idées du
personnage auquel il a pu s'identifier.
L'identification (ou illusion référentielle) est garante du suspense littéraire.
Ex : Dans un célèbre passage de « Combray », dans Du côté de chez Swann, Proust souligne la force
émotionnelle de cette illusion référentielle, l'empreinte qu'elle laisse et la connaissance à laquelle elle donne accès :
« Et une fois que le romancier nous a mis dans cet état, où comme dans tous les états purement intérieurs toute
émotion est décuplée, où son livre va nous troubler à la façon d'un rêve mais d'un rêve plus clair que ceux que nous
avons en dormant et dont le souvenir durera davantage, alors voici qu'il déchaîne en nous tous les bonheurs et tous
les malheurs possibles dont nous mettrions dans la vie des années à connaître quelques-uns et dont les plus
intenses ne nous seraient jamais révélés parce que la lenteur avec laquelle ils se produisent en nous en ôte la
perception.
»
- Le plaisir du lecteur peut être davantage « esthétique » (c'est ici le plaisir du lecteur « littéraire », initié) :
c'est un plaisir complexe, mêlant le plaisir propre à l'activité de lecteur et le plaisir du texte.
Ce dernier est à la fois
plaisir de la découverte et plaisir de la reconnaissance : il naît de la tension entre le dépaysement lié à l'inconnu du
texte et le sentiment de familiarité que confère la reconnaissance de codes, le partage de références.
Il revêt des
formes différentes et intervient à tous les niveaux, du simple plaisir des mots au plaisir subtil lié à l'élaboration d'une
signification dans ses formes savantes, lettrées.
Ex : Les réécritures créent souvent ce type de plaisir entre découverte et reconnaissance de codes.
Cf.
Ulysse de Joyce : Dans ce roman de Joyce, seul le titre indique expressément que l'on a affaire à une réécriture de
l'Odyssée d'Homère : le plaisir du lecteur peut donc être la recherche les parallèles pouvant être établis entre
Stephen Dedalus, Dublinois juif au début du XXe siècle et Ulysse.
II)
Les écueils du plaisir littéraire.
»
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