Etude de l'introduction de L'homme révolté (Camus)
Extrait du document
«
Au XX° siècle, on connaît deux guerres mondiales, qui vont amener de nombreux auteurs à problématiser le
crime.
D'ailleurs, Camus va beaucoup s'intéresser à cette question dans l'homme révolté, dont nous allons étudier
l'introduction.
Dans cette dernière, il explique quel sera le sujet de son essai.
Afin de ne pas faire de contresens, il
faut rappeler qu'il écrit cette œuvre en 1951, six ans après la fin de la seconde guerre mondiale.
La population est
donc totalement marquée par un traumatisme d'après guerre, car elle découvre petit à petit le vrai visage de ce
conflit ; cependant il faut dire qu'on tente également d'enterrer cette mémoire gênante.
« Il y a des crimes de passions et des crimes de logique », voilà les premières lignes de Camus.
Dans un
premier temps, il marque donc une opposition entre les crimes qui sont faits par amour, comme dans les hauts de
hurlevent de Heathcliff et ceux qui ne sont commis que par pure logique, préméditation.
Les premiers, sont
exceptionnels, ils ont le caractère d'une effraction.
Le criminel est semblable à un enfant qui livre des excuses.
Alors
qu'à l'inverse, le crime marqué de logique est orchestré par un être grandi et raisonnable qui offre un alibi irréfutable.
Il devient alors inquiétant car « il prolifère comme la raison elle-même ».
Le crime intellectualisé est loin de toute
sensibilité, c'est pourquoi il devient un acte courant.
Pour Camus, les meurtres du XX°siècle, sont prémédités et
engendrés par des criminels qui connaissent parfaitement la loi.
Avant, les crimes étaient candides et pouvaient donc être jugés facilement ; alors qu'aujourd'hui ils sont justifiés et
se cachent derrière l'innocence.
Mais l'innocence ne peut-elle s'empêcher de tuer ? A-t-on le droit de tuer ? De consentir au meurtre ? Quoi qu'il en
soit, pour notre auteur, tout acte aboutit aujourd'hui sur le meurtre qu'il soit direct ou indirect.
Le problème n'est
pas d'expliquer le meurtre, mais de savoir comment l'on doit agir face à lui.
Si le meurtre est justifiable, nous en
sommes la conséquence, c'est-à-dire que notre façon d'agir est due à ce système et qu'elle est par conséquent
légitime.
Seulement, si le meurtre n'a pas de raison, nous sommes dans l'erreur et c'est à nous de rechercher une
société alternative ou de basculer dans une paix totale.
D'autre part, on peut distinguer deux temps dans notre rapport avec la crime : celui de la négation et celui de
l'idéologie.
Camus explique que trente ans avant son écrit, on a voulut nier le meurtre suite à la première guerre
mondiale.
Il fallait effacer cette mémoire gênante.
Les hommes buvaient pour se donner le courage au front,
seulement ils n'ont jamais pu accepter le crime, admettre d'être un criminel.
Ces combattants n'ont trouvé d'autres
soulagement que le suicide.
Ils ont connu un choc post-traumatique.
De plus, pour Camus, « Dieu triche » dans la
mesure où il affirme « tu ne tueras point » tout en donnant tout de même à l'homme la possibilité de tuer.
Ainsi,
l'homme se retrouve face à une interrogation sans réponse car le monde reste silencieux.
Mais Camus dit vivre aux temps de l'idéologie, au temps où le suicide n'est plus la question, car le meurtre a pris
tout l'espace.
L'idéologie ne nie pas la mort, elle nie les autres, ceux qui sont différents.
Il fait ici référence au
nazisme et l'extermination qu'il a engendré, époque où le meurtre ne poussait pas au suicide, il était légitimé par
l'idéologie.
Il est donc plus facilement accepté dans l'esprit de l'homme.
Pour Camus les valeurs ont changé, mais il
s'agit de ne pas nier son époque que l'on soit né dans celle de la négation ou de l'idéologie.
Il faut savoir assumer la
société dans laquelle on vit.
Par la suite, Camus admet qu'il n'y a apparemment qu'une théorie pour légitimer le meurtre : l'absurde.
Il s'agit
du fait que tout homme soit en quête de sens, alors que cette quête est irrationnelle, étant donné que personne ne
peut apporter de réponse.
« L'absurde naît de la confrontation, entre l'appel humain et le silence déraisonnable du
monde ».
L'absurde, rend le meurtre indifférent, car il ne peut affirmer aucune valeur, par conséquent « tout est
possible et rien n'a d'importance ».
Le problème étant que le meurtre est possible dans la réalité : nous sommes tous
des meurtriers potentiels, pourtant dans l'esprit le meurtre serait inadmissible, et plus ou moins refoulé par l'homme
(comme il y a trente ans).
L'homme est partagé par son corps et son âme, mais le monde ne lui donne pas de
réponse.
La position absurde entraîne chez lui un certain positionnement par rapport à la vie, ce qui explique qu'il ne
s'interdit pas de tuer.
Le meurtre est à la fois inévitable et inadmissible ! L'homme est victime de la situation, son
devenir est dû au hasard, meurtrier et innocent sont sans distinctions.
Camus note alors trois attitudes que l'homme absurde peut connaître face au meurtre.
Dans un premier cas, il peut
rester inactif, à la manière de Ponspilate, ce qui revient à accepter l'imperfection de l'homme.
Il peut également être
marqué par le « dilettantisme tragique », il est désinvolte face au meurtre, la victime devient alors un prétexte pour
stigmatiser la violence humaine.
Dans cette situation l'homme absurde peut aussi être criminel, dans quel cas « la
vie humaine n'est qu'un enjeu », elle est pour lui peu importante, il s'agit seulement d'une barrière à éliminer.
C'est
alors que la logique et l'intellect de l'homme agissent pour mettre en scène un meurtre parfait.
Enfin, il faut rajouter l'action non gratuite, c'est-à-dire que l'observateur tue le futur meurtrier afin de l'empêcher de.
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