François de La Rochefoucauld
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François de La Rochefoucauld
François VI, prince de Marsillac, puis duc de La Rochefoucauld, issu d'une puissante famille de l'angoumois dont les titres de noblesse remontent au XIe
siècle, est né le 15 septembre 1613.
Marié à quinze ans à A ndrée de V ivonne, il en eut cinq fils et trois filles.
Dans sa première jeunesse, il fut de toutes les
cabales montées par la duchesse de C hevreuse afin de soutenir la reine A nne d'Autriche contre Richelieu.
Mais pendant la Régence, il se retourna contre la
reine elle-même et, après être entré dans le parti des "Mécontents", il se jette dans la Fronde en 1648.
A près l'amnistie de 1652, il se retire de la vie
publique.
Ses Mémoires, qu'une indiscrétion divulgua, parurent en 1662 ; les Réflexions ou Sentences et M aximes M orales, en 1666.
Il mourut le 17 mars
1680.
Il est des êtres qui vous font dans le passé un geste plus significatif, peut-être plus impérieux que les autres.
Il semble qu'ils se soient drapés dans toute la
noblesse de leur temps.
C 'est comme un ample manteau de cour qui les environne, une solitude aussi, qu'il est difficile de vaincre pour parvenir jusqu'à eux,
afin de mesurer vraiment leur stature : François de La Rochefoucauld est de ceux-là.
Il attire et intimide à la fois.
Il a dit de lui-même : "J'ai quelque chose
de chagrin et de fier dans la mine...
Je suis fort resserré avec ceux que je ne connais pas, et je ne suis même pas extrêmement ouvert avec la plupart de
ceux que je connais."
C e portrait date de 1658, mais La Rochefoucauld n'a pas toujours été ainsi.
Introduit très jeune à la cour, il y dépensa un temps cette ardeur, ce goût du
roman et de la chevalerie qu'il conserva jusqu'à la fin de sa vie, à travers la lecture de L'A strée.
Dévoué à la reine malheureuse, que Louis XIII et Richelieu eurent toujours en suspicion, et que l'amour de l'ardent Buckingham avait presque compromise,
il s'en fallut de peu qu'il ne souscrivît à la demande qu'elle lui fit de l'enlever, ainsi que M ademoiselle d'Hautefort, pour laquelle Louis XIII brûlait d'un
chaste amour, afin de les conduire toutes deux en Belgique.
"Q uelque difficulté, quelque péril qui me parussent dans un tel projet, je puis dire qu'il me donna plus de joie que je n'en avais jamais eu de ma vie.
J'étais
dans un âge où l'on aime à faire des choses extraordinaires et éclatantes."
Tant qu'il s'y employa, qu'il s'est donc trompé et dupé lui-même ! A l'encontre du postulat d'une certaine philosophie, l'action chez lui n'est pas révélatrice
de tout l'homme.
Elle le trahit au contraire.
Tant qu'il est engagé dans les intrigues de son époque, comme il piétine dans l'erreur !
Il en voulut profondément à la reine lorsque, devenue régente, elle ne paya pas d'assez de bienfaits tant de services rendus.
"Nous promettons selon nos
espérances, mais nous tenons selon nos craintes." Et dans l'amertume de voir sous-estimer ce qui pourrait être sa vengeance il se jette à corps perdu dans
la Fronde, entraînant avec lui la belle duchesse de Longueville, et jusqu'au Grand C ondé qu'il parvint à détacher de la couronne, lui faisant retourner contre
elle l'épée encore étincelante des victoires de Rocroy et de Nordlingen.
Lorsqu'il renonce à l'action en 1652, après ce combat du faubourg Saint-A ntoine, que lui reste-t-il de tant de vaines entreprises ? Son château de V erteuil à
moitié rasé, et ce coup de mousquet qui lui perça la figure et dont il pensa rester aveugle.
S'il était mort en ce jour, à l'approche de sa quarantième année, quelle pâle image nous eût transmis de lui l'histoire ! C 'est à peine si on l'eût distingué
parmi tous les grands "cabaleurs" de l'époque.
C 'est à l'instant qu'il se prend à méditer dans le fauteuil où le clouera de plus en plus la goutte, qu'il déploie
toute son envergure, entre Pascal et La Bruyère, au seuil de ce qui fut le véritable début du "Grand Siècle".
Son ennemi, le cardinal de Retz, a justement décelé ce "je ne sais quoi" qui le rendait impropre à s'accomplir dans l'ambition.
Et sans doute est-ce parce
que tout ce qui touche à ce domaine était voué, chez lui, à une sorte d'échec, que V oltaire a pu dire de ses M émoires, où transparaît presque exclusivement
encore l'homme politique et le courtisan, qu'on "les lit seulement, alors que l'on connaît par coeur les M aximes".
On a remarqué justement que l'esprit des Maximes c'est celui du jansénisme sans la grâce ; on n'y trouve que la faiblesse de l'homme démuni des divins
secours qui l'aideraient à s'élever au-dessus de "la fausseté de tant de vertus apparentes".
Elles furent composées lorsqu'il n'était encore que sous l'affectueuse protection de cette marquise de Sablé, d'un commerce si sûr, en tout c e qui
concernait les lettres, qu'A rnauld lui soumettait le texte de son Discours sur la Logique.
Peut-être faut-il nous féliciter qu'il n'eût pas encore noué avec
Madame de La Fayette, de vingt ans plus jeune que lui, cette tendre liaison qui ne devait cesser qu'à sa mort ; car, blessée par leur pessimisme, elle n'eut
de cesse qu'elle ne fût parvenue à force de constance et de douceur à pouvoir déclarer un jour : "Monsieur de La Rochefoucauld m'a donné de l'esprit, mais
j'ai réformé son coeur."
Il disait au chevalier de M éré, en parlant des Maximes : "Pour avoir décelé les défauts de l'esprit et du coeur de la plupart du monde, ceux qui ne me
connaissent que par là pensent que j'ai tous les défauts comme si j'avais fait mon portrait." Cependant les témoignages abondent sur la fidélité de son
amitié et la générosité de son coeur.
Des relations si suivies qu'il eut avec M adame de La Fayette devait sortir une postérité plus durable que celle de la chair et du sang, et quand on s'arrête
aux qualités de construction qui distinguent la Princesse de C lèves des autres ouvrages de son amie, on comprend la part que La Rochefoucauld prit à cette
oeuvre, cet hiver de 1677, où "ils s'enfermèrent tous deux pour préparer quelque chose", retrouvant par le souvenir un peu de "cette première beauté de
l'âge où ils ne s'étaient pas connus et où ils n'avaient pu s'aimer".
L'homme qui écrivit de la raison qu'elle nous trahit dès lors qu'il s'agit d'envisager la mort, puisque au lieu de nous en inspirer le mépris, elle ne sert "qu'à
nous découvrir ce qu'elle a d'affreux et de terrible", a dû subir sa fin en toute lucidité.
S'il est vrai que l'illusion sur laquelle se fonde la croyance même en notre vie est que "la mort, c'est ce qui arrive aux autres", La Rochefoucauld, condamné
à une mort lente, sut se désolidariser de lui-même, jusqu'à se devenir étranger.
"Son état est une chose digne d'admiration.
Du reste, c'est la maladie et la
mort de quelqu'un d'autre.
Il n'en est pas affecté." A u milieu de tant de vues sans espoir, pour tout ce qui avait trait au commerce des hommes, il gardait
cette foi en Dieu qui permet de contempler fixement le soleil de la mort.
Étrange fortune réservée à ces trois cent seize maximes, constituant le principal d'une oeuvre qui s'enlève tout entière sur un fond d'amertume et de
mélancolie ! Par l'examen de conscience auquel elles nous convient, se reforme, de génération en génération, l'intérêt, mêlé d'inquiétude, que nous inspire
ce moraliste, à la fois notre confesseur et notre confident.
Madame de Sévigné écrivait, trois jours après qu'elle eut assisté à sa fin : "Nous sommes mercredi, et Monsieur de La Rochefoucauld est toujours mort."
C e qui lui paraissait invraisemblable l'était effectivement ; c'est pourquoi nous pouvons dire aujourd'hui : trois s i è c l e s o n t p a s s é e t Monsieur de La
Rochefoucauld est toujours vivant..
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