François de Malherbe (1555-1628), poète de Cour, aurait dit un jour: "Un bon poète n'est pas plus utile à l'État qu'un bon joueur de quilles". Qu'en pensez-vous?
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Sujet: François de Malherbe (1555-1628), poète de Cour, aurait dit un jour: "Un bon poète n'est pas plus utile à l'État qu'un bon joueur
de quilles".
Qu'en pensez-vous?
Introduction
Si l'on en croit Malherbe, le poète (et par extension son art) n'est pas d'un grand secours pour le monde dans lequel il évolue.
Il
représente uniquement un « bon ouvrier du vers », non pas un mage ou un prophète, d'où sa fameuse réplique : « Un bon poète n'est
pas plus utile à l'État qu'un bon joueur de quilles ».
De ce fait, que peut la poésie, que peut le poète ?
Jusqu'au XVIII e siècle ces questions n'ont pas de sens ? Un poète, est alors un artiste comme un autre, proche encore de
l'artisan sans doute capable d'invention, mais concevant d'abord son art comme une ornementation.
Or depuis cette époque, sa
fonction a été bouleversée, pour s'éloigner peu à peu de cette vision restreinte des pouvoirs du poète.
Désormais l'homme de lettres
reprend à son compte une mission éducative.
Il devient un intermédiaire entre Dieu et les hommes, un explorateur du langage capable
de réorganiser le monde.
Ainsi on peut s'interroger sur la nature des liens qui peuvent exister entre poésie et engagement (politique, social ou bien
humain) : le poète est-il réellement inutile à l'État, comme l'affirme Malherbe ou bien indispensable comme semble le démontrer des
siècles de poésie ?
I/Ancienne et nouvelle fonction du poète
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Les XVIe , XVIIe et XVIII e siècles voient poindre une insatisfaction existentielle.
Progressivement la quête d'un monde meilleur et
l'annonce d'un avenir réconcilié se disent dans une langue nouvelle, poétique et prophétique.
Les poètes romantiques, à l'encontre
des Anciens, se considèrent comme les dépositaires d'une vision plus haute : ils veulent être les guides spirituels et politiques d'une
France et d'un monde appelés à se régénérer.
Victor Hugo en est le parfait exemple.
Autour de 1830 s'impose l'image d'une poésie inspirée.
Mais le message compte davantage que l'écriture.
Le travail du poète est
en quelque sorte indépendant de cette mission sacrée, il n'en est que l'expression ou la traduction.
L'ambition suprême de Rimbaud (ou son suprême échec) va poser et reposer la question de la fonction du poète.
Le jeune
écrivain voulait changer la vie, il finit malheureusement par se taire.
C'est à partir de ce silence que l'écriture poétique va être
métamorphosée.
Tout d'abord avec Mallarmé, Apollinaire, puis la génération des surréalistes qui rêve le monde, s'en éloigne pour
retrouver les structures profondes de l'inconscient et chercher la vérité de l'homme dans le langage.
Enfin dans les années 1950,
l'exploration du langage ne sera pas une fin en soi mais davantage un travail qui permettra de retrouver la présence des choses,
de revendiquer son droit à la liberté, à l'existence.
II/Le poète engagé : grandeur d'une écriture et répercussions
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Héritier des philosophes des Lumières, le poète du XXe siècle se donne pour mission de s'engager à changer la vie.
Une position
qui est devenue à ses yeux une nécessité existentielle et un rôle qui est autant social qu'humanitaire.
Il s'agit, en effet, de guider le
peuple dans sa marche vers l'avenir, Victor Hugo l'avait formulé ainsi: « Peuples, écoutez le poète !» (Les rayons et les ombres).
L'expérience poétique (de poiein qui signifie « faire ») s'impose comme une absolue nécessité et s'articule à la difficulté
d'affronter le monde.
Adhérer à ce monde qu'on ne comprend pas et que l'on refuse tel est le projet fondamental de cette poésie
dérivée de la douleur et du sentiment d'une difficulté à vivre.
Paul Éluard, notamment, affirme à ce propos « une fois de plus la
poésie mise au défi se regroupe, retrouve un sens précis à sa violence latente, crie, accuse, espère ».
En ce sens le poète devient
le guide de tout un peuple.
Notons, toutefois, que cette fonction de la poésie était déjà latente aux siècles précédents, notamment dans Les châtiments de
Victor Hugo, la plus représentative d'une poésie de combat contre un pouvoir autoritaire ou encore dans Les Tragiques d'Agrippa
d'Aubigné au XVIe siècle…
III/La pluralité de l'écriture poétique : l'engagement l'un de ses moteurs
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Le poète est reconnu pour sa capacité à appréhender poétiquement le monde, à entrer en communion avec l'univers.
Il
représente à la fois la figure d'un médiateur entre les hommes et Dieu, d'un Prométhée « voleur de feu » et d'un éclaireur.
« Grand
œil fixe, ouvert sur le grand tout » le poète chez Hugo est beaucoup plus qu'un spectateur il est un visionnaire, chargé d'une
mission civilisatrice.
Or le fait que la parole poétique acquiert une dimension oraculaire et dans la mesure où le sens profond de la
poésie est plus traditionnellement lié à la mythologie, n'attendons-nous pas de la lyrique qu'elle nous peigne un sentiment plus
intime tel que l'amour ? L'engagement politique parasite-t-il l'ambition poétique pris dans son sens le plus stricte celui de la lyrique
courtoise ?
Le courant lyrique est certainement celui que l'on retrouve le plus tout au long de l'histoire poétique.
Accueillant l'expression
personnelle des sentiments du poète il permet d'utiliser le pronom personnel « je ».
Ainsi des troubadours (qui utiliseront la forme
et le fond de la poésie lyrique pour chanter l'amour), à Ronsard (qui élargira cet espace du lyrisme dans de nombreux recueils
célébrant toujours le sentiment amoureux et plus particulièrement la femme notamment dans Les Amours de Cassandre, Les
Amours de Marie, Hymnes…) à Chateaubriand, Apollinaire, Hugo ou Aragon, chaque siècle aura son ou ses poètes pour gloser sur
l'amour.
Négligent-ils pour autant d'autres aspects de la vie ? Vont-ils faire perdre son âme à la poésie en évoquant le drame, la
mort ou la guerre ?
Vraisemblablement l'engagement politique en poésie est à considérer comme l'un des moteurs potentiel de l'écriture.
Il suffit de
jeter un regard sur le passé pour prendre conscience qu'il n'existe pas de poète qui se soit limité au thème unique de l'amour.
Précédemment nous évoquions Les Châtiments d'Hugo (l'homme eut une grande carrière politique) mais il fut également l'auteur
des Contemplations, un recueil du souvenir de l'amour, de la joie, de la mort, du deuil voire de la mystique.
Enfin, afin de renforcer
notre propos, citons certains poètes du XXe siècle, qui furent tout autant poète de l'amour que poète engagé.
Éluard était l'un de ces
grands personnages capables d'imaginer les plus beaux vers d'amour comme ceux-ci : « La courbe de tes yeux fait le tour de mon
cœur/Un rond de danse et de douceur » (Capitale de la douleur) et de coucher sur le papier l'expression parfaite de la condition
humaine qui ne renonce pas malgré l'adversité : « Sur les champs sur l'horizon/ Sur les ailes des oiseaux/ Et sur les moulins des
ombres/ J'écris ton nom » extrait du poème « Liberté », largué par les avions de la RAF en milliers de tracts sur la France occupée..
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