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François Mauriac, Le Baiser au lépreux.

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François Mauriac, Le Baiser au lépreux. En dépit de la sieste paternelle, la fournaise extérieure attira Jean Péloueyre ; d'abord elle l'assurait d'une solitude : au long de la mince ligne d'ombre des maisons, il glisserait sans qu'aucun rire fusât des seuils où les filles cousent. Sa fuite misérable suscitait la moquerie des femmes ; mais elles dorment encore environ la deuxième heure après midi, suantes et geignantes à cause des mouches. Il ouvrit, sans qu'elle grinçât, la porte huilée, traversa le vestibule où les placards déversent leur odeur de confitures et de moisissures, la cuisine ses relents de graisse. Ses espadrilles, on eût dit qu'elles ajoutaient au silence. Il décrocha sous une tête de sanglier son calibre 24 connu de toutes les pies du canton : Jean Péloueyre était un ennemi juré des pies. Plusieurs générations avaient laissé des cannes dans le porte-cannes : la canne-fusil du grand-oncle Ousilanne, la canne à pêche et la canne à épée du grand-père Lapeignine et celles dont les bouts ferrés rappelaient des villégiatures à Bagnères-de-Bigorre. Un héron empaillé ornait une crédence. Jean sortit. Comme l'eau d'une piscine, la chaleur s'ouvrit et se referma sur lui. Il fut au moment d'aller à l'endroit où le ruisseau, près de traverser le village, concentre sous un bois d'aulnes son haleine glacée, l'odeur des sources. Mais des moustiques, la veille, l'y avaient harcelé ; puis son désir était d'adresser une parole à quelque être vivant. Alors il se dirigea vers le logis du docteur Pieuchon, de qui le fils Robert, étudiant en médecine, était revenu ce matin même pour les vacances.

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