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François René de CHATEAUBRIAND, Itinéraire de Paris à la Palestine

Extrait du document

En Août 1806, il est en Grèce et découvre le Cap Sounion (ou Sunium), promontoire situé à 50 km d'Athènes, à l'extrémité sud-est de l'Attique et au sommet duquel se trouvent les ruines du .temple de Poséidon Je faisais ces réflexions à la vue des débris du temple de Suniumm : ce temple était d'ordre dorique 1 ,et du bon temps de l'architecture. Je découvrais au loin la mer de l'Archipel, avec toutes , ses îles : le soleil couchant rougissait les cotes de Zéa et les quatorze belles colonnes de marbre blanc aux pieds desquelles je m'étais assis. Les saugess et les genévrierss répandaient autour des .ruines une odeur aromatique, et le bruit des vagues montait à peine jusqu'à moi Comme le vent était tombé, il nous fallait attendre une nouvelle brise pour partir. Nos matelots se jetèrent au fond de leur barque, et s'endormirent. Joseph 2 et le jeune Grec demeurèrent avec moi. Après avoir mangé et parlé pendant quelque temps, ils s'étendirent à terre et ,s'endormirent à leur tour. Je m'enveloppai la tête dans mon manteau pour me garantir de la rosée .et, le dos appuyé contre une colonne, je restai seul éveillé à contempler le ciel et la mer Au plus beau coucher du soleil avait succédé la plus belle nuit. Le firmament répété dans les vagues avait l'air de reposer au fond de la mer. L'étoile du soir, ma compagne assidue pendant mon voyage, était prête à disparaître sous l'horizon ; on ne l'apercevait plus que par de longs .rayons qu'elle laissait de temps en temps descendre sur les flots, comme une lumière qui s'éteint Par intervalles, des brises passagères troublaient dans la mer l'image du ciel, agitaient les .constellations, et venaient parmi les colonnes du temple avec un faible murmure Toutefois ce spectacle était triste, lorsque je venais à songer que je le contemplais du milieu des ruines. Autour de moi étaient des tombeaux, le silence, la destruction, la mort, ou .quelques matelots grecs qui dormaient, sans souci et sans songes, sur les débris de la Grèce François René de CHATEAUBRIAND, Itinéraire de Paris à la Palestine

« Introduction En 18o6, Chateaubriand entreprend un long voyage dans ce qu'on appelait « Orient », c'est-à-dire les pays de la Méditerranée orientale.

Quelques années plus tard, il publie ses souvenirs de voyage sous le titre Itinéraire de Paris à Jérusalem. Dans un passage de cet ouvrage il évoque sa visite en août 1806 du célèbre site du Cap Sounion, promontoire de l'Attique où se dressent les ruines du temple de Poséidon, dieu des Mers de la Grèce ancienne. Ce texte se présente d'abord au lecteur comme le récit de la découverte d'un lieu qui frappe par sa beauté.

Mais, associant pour composer une image complexe, la mer et les ruines, le soleil couchant et la nuit étoilée, l'écriture semble entraîner l'auteur au-delà d'un ordinaire récit de voyage.

D'autant plus que le spectacle contemplé et les circonstances particulières l'amènent à dépasser le simple constat du temps présent. Première idée directrice : ce texte est un fragment d'un récit de voyage réellement effectué par l'auteur. I.

C'est un récit non fictionnel : Ce récit n'est pas vraisemblable mais véridique, c'est-à-dire attesté (récit personnel qui rapporte à la première personne des faits vécus par l'auteur). Dix-huit occurrences de la première personne jalonnent ce texte et mettent en relief le point de vue du narrateur qui est en même temps actant. II.

C'est le récit d'un « spectacle » (le mot est utilisé dans le 4e paragraphe) : A.

Primauté de la description 1) La mise en tableau est déterminée : — dès le début par l'expression «à la vue des...

», relayée par le verbe «contempler» (3e et 4e paragraphes) ; — par l'emploi de l'imparfait, temps largement dominant dans ce texte, temps par excellence de la description dans le passé (les faits ou les objets du regard sont envisagés pour eux-mêmes sans que leurs limites dans le temps soient définies). 2) La construction du tableau s'opère grâce à : — l'opposition entre les lignes verticales des colonnes et l'horizon marin ; — la circulation du regard qu'impose le locuteur, dès le premier paragraphe : premier plan (« les débris du temple») plan éloigné (« au loin la mer de l'Archipel », «le soleil couchant [...] Zéa»), puis retour au premier plan (« les quatorze belles colonnes »> «les sauges et les genévriers »). Le troisième paragraphe va entraîner le regard, par un effet d'élargissement du champ de vision, du « firmament » «au fond des mers», pour le ramener de nouveau au premier plan : «les colonnes du temple» . 3) Le pittoresque est rendu : — par des précisions concernant l'architecture du temple « d'ordre dorique», ses colonnes encore dressées dont le nombre est précisé ainsi que la matière ; — par la topographie et la toponymie : « l'archipel », «la côte de Zéa », « Sunium » nommé par sa forme latinisée ; — par le jeu des colonnes et de la lumière : «le soleil couchant rougissait les côtes de Zéa », « le marbre blanc», «les rayons» de la lumière sur la mer ; — par l'intervention d'autres sens que la vue : l'odorat («l'odeur aromatique» des plantes), l'ouïe (le « bruit des vagues» à peine entendu, le «faible murmure» des brises et le « silence »). B.

Insertion de la narration : Le passé simple est typiquement employé dans le deuxième paragraphe.

Les acteurs sont caractérisés par des notations d'attitudes plus que par des d'actions véritables («se jetèrent au fond de leur barque», «s'endormirent», « demeurèrent avec moi », « s'étendirent »).

Ces notations permettent d'isoler le narrateur par rapport au groupe constitué par les «matelots », «Joseph et le jeune grec », et de justifier son attitude désormais contemplative ; des précisions sont données concernant les circonstances de l'action (« après avoir mangé et parlé quelque temps »). III.

C'est un récit rétrospectif : L'acte d'écrire est postérieur aux faits comme le prouve l'emploi constant des temps verbaux du passé, les passés simples du 2e paragraphe essentiellement de type narratif, ou les imparfaits des trois autres paragraphes de type descriptif. Conclusion partielle et transition Associant narration et description — celle-ci dominant nettement — Chateaubriand évoque de façon précise la halte qu'il fait sur ce promontoire avancé en Mer Egée.

Ce fragment fait songer non pas tant à une page de guide ni même. »

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