Georges Bernanos
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Georges Bernanos
Né à Paris, de père lorrain et de mère berrichonne, Georges Bernanos a pour vrai terroir l'Artois.
C'est dans cette province, à Fressin
(Pas-de-Calais) qu'était la maison de famille.
Comme elle servait aux réunions du doyenné, l'enfant y connut beaucoup de prêtres.
Après plusieurs collèges et petits séminaires à Paris et à Bourges, c'est en Artois, au collège Sainte-Marie d'Aire-sur-la-Lys, qu'il reçut
sa formation décisive ; enfin c'est en Artois qu'il situera ses romans.
Il est venu à la littérature relativement tard.
Sa première publication, une nouvelle, Madame Dargent, date de 1922.
Il est inspecteur
d'Assurances quand, en 1925, son roman Sous le soleil de Satan lui vaut une célébrité immédiate.
Dès cette œuvre, le roman
d'inspiration catholique lui doit un renouvellement que les livres suivants ne feront qu'approfondir et dont l'influence se décèle jusque
chez les romanciers agnostiques du moment qu'ils mettent en scène un prêtre.
Le prêtre sera le personnage principal de presque tous les romans bernanosiens et il ne sera totalement absent d'aucun d'eux, dût-il
prendre forme obsessionnelle ou travestie.
La singularité tient à ceci qu'il ne s'agit plus, comme en tant d'autres fictions, d'un spécimen
social (fût-il édifiant) au même titre que le médecin ou l'avocat ; mais de l'être consacré, engagé corps et âme dans le drame spirituel.
Cet être, le romancier s'efforce de le saisir de l'intérieur, comme par affinités de vocation.
Bien entendu le prêtre bernanosien n'est pas conforme à la simple réalité.
Il représente chaque fois un " cas " limite : l'abbé Donissan
(Sous le soleil de Satan) lutte contre le démon à visage découvert, pourrait-on dire et subit " la tentation du désespoir ", en rançon des
âmes qu'il sauve ; l'abbé Cénabre (L'Imposture, 1927), qui a perdu la foi et garde les apparences mensongères de sa dignité, est pris
en charge spirituellement par l'abbé Chevance, humainement très démuni, qui, à son lit de mort, transmet le fardeau à une jeune fille,
Chantal de Clergerie (La Joie 1929) elle-même sujette à des phénomènes extatiques ; le petit curé d'Ambricourt (Le Journal d'un Curé
de Campagne, 1936) est hérédo-alcoolique et souffre d'un cancer ce qui, suivant le sens commun, expliquerait ses " imprudences "
apostoliques, etc.
Il faut, quand il est question du génie tumultueux et tourmenté de Georges Bernanos, renoncer à ce qu'on appelle le sens commun.
Ce
qui anime cet écrivain (il se défendait d'en être un !) c'est le sens surnaturel.
François Mauriac a écrit qu'il a été tout près d'être " le
romancier de la sainteté ".
Seul de son espèce, à tout le moins en a-t-il suggéré le mystère ; et les contemporains les plus éloignés de
la foi ont été fascinés par cette omniprésence du surnaturel dans une œuvre littéraire.
Bernanos professait que " on ne fait pas au surnaturel sa part ", entendant qu'on ne saurait couper la vie humaine en deux, le profane
d'un côté, le sacré de l'autre.
Ses romans nous montrent des personnages qui vont jusqu'au bout de leur choix du Bien ou du Mal, ou
pour mieux dire qui jouent à fond le jeu de Dieu ou du démon ; et à tous risques.
Il dédaigne l'entre-deux, " l'homme moyen " auquel il
ne croit pas, sauf, en polémiste, à le traiter d'imbécile ou de timoré (La Grande Peur des bien-pensants, 1931).
Ou alors, plus
gravement, il montre, en romancier, la fermentation malsaine, jusqu'au crime, la décomposition qui s'étend autour de ceux qui
prétendent se désintéresser du surnaturel, ne se prononcer à son endroit ni par oui ni par non (M.
Ouine, 1943) et font ainsi d'un
village, à l'image d'une grande part du monde contemporain, une " paroisse morte ".
Se référant à l'absolu, le romanesque bernanosien relève donc de la tragédie ; mais le destin y a nom de vocation.
La fatalité n'y est
jamais telle, ni l'apparent manichéisme, que la charité ne puisse l'emporter.
L'affrontement du Bien et du Mal se traduit par
l'engagement " âme pour âme " qu'exprime le petit curé d'Ambricourt (Le Journal d'un Curé de Campagne) dont les derniers mots,
empruntés à sainte Thérèse de Lisieux, sont le fameux : " Qu'importe.
Tout est grâce.
" Dans les romans de Bernanos les champions
de Dieu n'ont de cesse qu'ils n'arrachent sa proie au démon ; les forts prennent sur eux la peine des faibles, comme dans Dialogues
des C armélites (1948) où la mort humiliée d'une Prieure, sous la Révolution française, assurera le martyre glorieux d'une jeune
religieuse atteinte de pusillanimité maladive.
Illustration constante du dogme de la Communion des saints " dont la majesté nous
étonne " selon les propres termes de l'écrivain.
Illustration non moins constante, aussi, de ce qu'il appelle " l'éternelle jeunesse des
Béatitudes " et qui explique, d'ailleurs, dans des perspectives évangéliques poussées à l'extrême, un certain renversement des valeurs
courantes : les personnages de prédilection, à commencer par les prêtres, sont comme chez Dostoïevski les plus humbles, voire les
plus déshérités, humainement.
Une compassion profonde, une véritable tendresse animent Bernanos envers une petite fille telle que
l'héroïne de La Nouvelle Histoire de Mouchette (1937) de qui il est évident que le suicide en appelle de la tricherie de ce monde à la
justice du Royaume des cieux.
Dans cette vision surnaturelle des êtres, la " psychologie ", au sens explicatif du terme, ne veut rien dire.
Bernanos qui en plus d'un
roman, notamment dans La Joie, marque son aversion des psychiatres et des psychanalystes, excelle à " confesser " la vérité
essentielle des âmes.
Pour lui, cette vérité s'éprouve selon la fidélité à l'enfance, à " l'esprit d'enfance " qui est franchise, honneur,
générosité, courage.
Il l'identifie aussi bien à " l'esprit de chrétienté " qui soutient ses œuvres de combat.
Au-delà des circonstances qui les ont provoquées, au-delà de ce qui n'intéresse qu'un pays donné, la France, au-delà des véhémences
et des outrances de plume, ces œuvres, pour l'essentiel, manifestent la même spiritualité intransigeante que les romans.
Il y avait du "
prophétisme " chez Bernanos ; nombre d'assertions touchant le sort des peuples pendant et après la guerre se révèlent étonnamment
exactes.
Mais le plus intéressant, le plus fondamental de ces essais, les uns d'une seule coulée (Les Grands Cimetières sous la lune,
1938 ; Scandale de la vérité, 1939 ; Lettre aux Anglais, 1942 ; Les Enfants humiliés, 1949), les autres sous forme de journal intime ou
d'articles de presse (Le Chemin de la C roix des âmes, 1942) regarde les revendications du chrétien.
L'essayiste comme le romancier
refuse la coupure radicale entre le surnaturel et le temporel ; il s'indigne si celui-là compose avec celui-ci et si celui-ci se couvre
indûment des exigences de celui-là ; fils soumis de l'Église, il n'hésite pas à fustiger la diplomatie ecclésiastique quand il juge qu'elle fait
bon marché de " l'honneur chrétien " ; il veut " réconcilier la morale avec la politique " ; il croit que les patries (mais non les " nations ")
sont des personnes, qu'elles ont leur vocation propre et qu'elles risquent elles aussi de perdre leur âme.
Bref ! il aura rêvé que le
Sermon sur la Montagne soit la charte du " doux royaume de la terre ".
Ce rôle de grand protestataire est inséparable de la personnalité de Bernanos quand même c'est le romancier qui devant la postérité
l'emporte.
Isolé, tiré à hue et à dia par les partis les plus opposés, l'écrivain, en diverses occasions, aura fait entendre la voix de la
conscience catholique ; cette voix aura, pour beaucoup, signifié une apologétique vivante..
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