Georges RODENBACH (1855-1898) (Recueil : La jeunesse blanche) - Dimanches
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Georges RODENBACH (1855-1898) (Recueil : La jeunesse blanche) - Dimanches Morne l'après-midi des dimanches, l'hiver, Dans l'assoupissement des villes de province, Où quelque girouette inconsolable grince Seule, au sommet des toits, comme un oiseau de fer ! Il flotte dans le vent on ne sait quelle angoisse ! De très rares passants s'en vont sur les trottoirs : Prêtres, femmes du peuple en grands capuchons noirs, Béguines revenant des saluts de paroisse. Des visages de femme ennuyés sont collés Aux carreaux, contemplant le vide et le silence, Et quelques maigres fleurs, dans une somnolence, Achèvent de mourir sur les châssis voilés. Et par l'écartement des rideaux des fenêtres, Dans les salons des grands hôtels patriciens On peut voir, sur des fonds de gobelins anciens, Dans de vieux cadres d'or, les portraits des ancêtres, En fraise de dentelle, en pourpoint de velours, Avec leur blason peint dans un coin de la toile, Qui regardent au loin s'allumer une étoile Et la ville dormir dans des silences lourds. Et tous ces vieux hôtels sont vides et sont ternes ; Le moyen âge mort se réfugie en eux ; C'est ainsi que, le soir, le soleil lumineux Se réfugie aussi dans les tristes lanternes. Ô lanternes, gardant le souvenir du feu, Le souvenir de la lumière disparue, Si tristes dans le vide et le deuil de la rue Qu'elles semblent brûler pour le convoi d'un Dieu ! Et voici que soudain les cloches agitées Ébranlent le Beffroi debout dans son orgueil, Et leurs sons, lourds d'airain, sur la ville au cercueil Descendent lentement comme des pelletées !
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