Georges RODENBACH (1855-1898) (Recueil : Les vies encloses) - L'aquarium, toujours frissonnant, est étrange
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Georges RODENBACH (1855-1898) (Recueil : Les vies encloses) - L'aquarium, toujours frissonnant, est étrange L'aquarium, toujours frissonnant, est étrange Avec son eau qu'on ne sait quoi ride et dérange Et qui se crispe moins d'un éveil de poissons Que des yeux qu'en passant nous posâmes sur elle, Et de savoir un peu de ce que nous pensons. On dirait que toujours quelque chose chancelle Dans cette eau sensitive au silence ambigu. Eau de l'aquarium qui, glauque, se limite Par des cloisons qui sont un palais exigu ; Mais le verre est assez glauque pour qu'il l'imite. Ainsi l'eau, confondue avec lui, se recule Dans un leurre équivoque où chacun s'est accru. Aquarium troublant ! Limbes et crépuscule ! Songe vague et visqueux qu'on craindrait d'avoir eu ! État intermédiaire et qu'aucun ne discerne L'aquarium est-il parfois tout endormi ? Mais voici qu'une bulle expire ; il a frémi Et, la larme étant morte, une moire la cerne... L'aquarium est-il parfois tout éveillé ? Il fait plutôt songer alors aux somnambules ; Car, malgré le frisson des poissons et des bulles Et des herbes qui dans son silence ont grouillé, On le sent étranger à cette vie occulte, À ce qui, dans l'eau claire, en ténèbres se sculpte, Comme si ce n'étaient qu'un cauchemar bénin Et des rêves dont, sans le savoir, il s'image, Symbole de notre âme et du sommeil humain Où toujours quelque songe erre, fleurit ou nage.
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