Gertrude Stein
Extrait du document
«
Gertrude Stein
Aucune oeuvre n'a été plus expérimentale que celle de Gertrude Stein, dans le domaine littéraire s'entend, aucune
qui n'ait posé puis résolu tant de problèmes et de problèmes si nouveaux.
Mais, de même qu'un politicien
contemporain a dit paraît-il, et à tort ou à raison, peu importe qu'il ne faisait pas une expérience politique, mais la
politique de l'expérience, ainsi Gertrude Stein n'a pas fait seulement une expérience littéraire, mais aussi la
littérature de l'expérience.
Ce qui paraît aujourd'hui cela s'imposera un jour comme ceci.
On a fini par savoir que les
peintres cubistes savaient dessiner.
L'allusion à cette école de peinture n'est pas ici déplacée puisque Gertrude
Stein fut une des premières à collectionner leurs oeuvres et qu'elle a elle-même fait le rapprochement entre son
effort et la révolution picturale parallèle, née, pas de l'ignorance, mais d'une connaissance des problèmes posés par
les prédécesseurs.
Les premiers travaux de Gertrude Stein ont été des recherches de laboratoire, mais c'est en
voulant traduire Flaubert qu'elle devint écrivain.
Née à Allegheny (Pennsylvanie), le 3 février 1874, Gertrude Stein fait ses débuts dans la vie scientifique en 1896 par
des travaux sur l'écriture automatique.
Elle est alors l'élève de Münsterberg et de William James.
L'Inconscient de
Hartmann date de 1868 et L'Essai sur les données immédiates de la conscience, de 1889.
La Science des Rêves
paraîtra en 1900 et le Manifeste du Surréalisme en 1924 ; pour le moment, il ne s'agit que de psychologie
expérimentale, non de littérature.
Quoique ces travaux n'aient pas abouti à des résultats précis et plus tard
Gertrude Stein mit en doute la réalité, ou la sincérité, de l'automatisme de l'écriture automatique un certain nombre
de thèses soutenues alors par James et Münsterberg ont été à la base de la recherche steinienne.
Que ces thèses
aient été plus tard abandonnées ou modifiées par leurs auteurs, par leurs disciples ou par Stein elle-même, n'enlève
rien à la valeur de l'oeuvre littéraire qui en est sortie, de même que le bergsonisme de Proust échappe à la critique
philosophique lorsque l'oeuvre est achevée et s'impose.
Parmi ces thèses, il faut citer surtout celle de la pensée
comme relation et non comme entité, et, par conséquent, la primauté du présent sur le passé et l'avenir, d'où le
goût de Gertrude Stein pour le présent comme temps grammatical, surtout pour le présent continu (la " progressive
form ") et le participe présent.
D'où également son goût pour la répétition, car, lorsque rien ne change, lorsque rien
ne se passe, il n'y a qu'à réitérer la formule " parfaite " déjà trouvée, qui est bonne tout le temps du moment qu'elle
a été bonne une fois.
A la rigueur on peut reformuler la réitération.
Par cette répétition, par la déclinaison et la
conjugaison de ses phrases, par leur addition, Gertrude Stein atteint le même but que Flaubert émondant les redites
et soulignant les lieux communs à savoir l'objectivité absolue, un texte-objet d'où l'auteur est totalement absent, un
texte qui atteint à la forme inhumaine mais concrète et irréfutable du galet, du cristal, de la fleur ou du fruit.
Ce qui prend alors le plus de valeur objective, à ce stade de la recherche steinienne, ce sont les mots ; Gertrude
Stein tend à leur redonner une vigueur qu'ils ont perdue, usés par leur fonctionnement.
Comme l'a dit Sherwood
Anderson, elle a " revivifié les mots ", et cela bien sûr, au début, aux dépens de la phrase, oratoire et mensongère.
"
Je hais les mots ", écrit Gertrude Stein en 1901.
Mais plus tard elle réhabilitera les phrases et redécouvrira le sens
profond des paragraphes, elle ira même jusqu'à considérer la page comme un " cadre ", comme la " mesure " d'un
texte.
Dans son Autobiographie d'Alice Toklas, une oeuvre de 1933 qui se situe après le stade des problèmes et des
interrogations, Gertrude Stein s'est exprimée avec une parfaite lucidité sur ce qu'elle avait voulu faire : " Gertrude
Stein, dans son oeuvre, a toujours été possédée par la passion intellectuelle de l'exactitude dans la description de la
réalité extérieure ou intérieure.
Elle est parvenue à la simplification grâce à cette concentration et, comme résultat,
à la description des associations affectives en poésie et en prose...
(La poésie et la prose) doivent consister dans la
reproduction exacte soit d'une réalité extérieure, soit d'une réalité intérieure.
"
C'est, d'une part, en voulant traduire Trois contes de Flaubert et surtout Un coeur simple, d'autre part, en voulant
faire un portrait de femme comparable à un tableau de Cézanne qu'elle venait d'acheter, que Gertrude Stein écrivit
sa première oeuvre, Trois vies, qui parut en 1909.
Elle avait alors trente-cinq ans.
Elle avait passé son enfance à
Vienne, à Paris, en Californie, à Baltimore.
Elle avait fait quatre années de médecine.
Orpheline et suffisamment
riche, elle abandonna ses études, malgré l'intérêt qu'elles pouvaient présenter pour elle, et alla rejoindre son frère à
Londres en 1903.
Ils ne tardèrent pas à préférer Paris.
Gertrude Stein trouve un atelier, 27, rue de Fleurus, lieu qui
deviendra célèbre dans l'histoire du cubisme.
On ira chez cette grande et perspicace collectionneuse voir ses
Cézanne, ses Matisse, ses Picasso.
Elle connut intimement ce dernier.
Plus tard, elle fera dire à son amie Alice
Toklas qu'elle n'avait jamais rencontré que trois génies : Whitehead, Picasso et Gertrude Stein.
Trois vies ne trouva pas d'éditeur et fut publié à compte d'auteur.
Bien que l'écho dans le grand public ait été nul,
on peut dire que ce livre (dont le curieux homme que fut H.
G.
Wells découvrit d'ailleurs les mérites) est à l'origine de
toute la littérature américaine contemporaine.
Sherwood Anderson, Thornton Wilder, Ernest Hemingway lui doivent
leur liberté.
Après Trois vies, Gertrude Stein écrivit de 1906 à 1908 The Making of Americans, un livre de mille pages qui ne parut
qu'en 1925.
Elle allait jusqu'au bout de ce qu'elle avait esquissé dans son oeuvre précédente : " Atteindre le présent
continu, se servir de n'importe quoi et toujours recommencer.
" Cette utilisation du présent continu pouvait d'ailleurs
apparaître comme paradoxale puisqu'il s'agissait de l'histoire d'une famille américaine et que le thème sous-jacent
était la formation du nationalisme américain.
Mais justement, par l'utilisation du présent continu, cette histoire
devient " l'histoire de tout le monde...
de tout être qui a jamais existé et existera jamais " du moins était-ce là.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Gertrude Stein
- À la recherche d'un objet improbable et fuyant, la passion chez Marguerite Duras se vit toujours comme une tragédie (...) L'enjeu de la passion dans l'oeuvre et, semble t-il, de montrer cette mort dans une vie en cours qui devient l'ombre même du passionné. Ces propos vous paraissent-ils rendre compte des oeuvres au programme ? (Le Ravissement de Lol V. Stein ; La Princesse de Clèves et La Princesse de Montpensier de Madame de Lafayette ; Les Désordres de l'Amour de Madame de Villedieu