Gustave Flaubert, Mémoires d'un fou
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Gustave Flaubert, Mémoires d'un fou
C'étaient d'effroyables visions à rendre fou de terreur.
J'étais couché dans la maison de mon père; tous les meubles étaient conservés, mais tout ce qui m'entourait cependant avait une teinte noire. C'était une nuit d'hiver, et la neige jetait une clarté blanche dans ma chambre. Tout à coup la neige se fondit et les herbes et les arbres prirent une teinte rousse et brûlée, comme si un incendie eût éclairé mes fenêtres; j'entendis des bruits de pas, on montait l'escalier; un air chaud, une vapeur fétide monta jusqu'à moi. Ma porte s'ouvrit d'elle-même, on entra. Ils étaient beaucoup, peut-être [sept à huit], je n'eus pas le temps de les compter. Ils étaient petits ou grands, couverts de barbes noires et rudes, sans armes, mais tous avaient une lame d'acier entre les dents, et comme ils s'approchèrent en cercle autour de mon berceau, leurs dents vinrent à claquer et ce fut horrible.
Ils écartèrent mes rideaux blancs, et chaque doigt laissait une trace de sang; ils me regardèrent avec de grands yeux fixes et sans paupières; je les regardai aussi, je ne pouvais faire aucun mouvement, je voulais crier.
Il me sembla alors que la maison se levait de ses fondements, comme si un levier l'eût soulevée
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