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Guy de MAUPASSANT (Une vie, 1883)

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Guy de MAUPASSANT (Une vie, 1883) " Jeanne, sortie la veille du couvent, à Rouen, rentre en calèche au château familial, accompagnée de ses parents et de la servante, Rosalie. " On partit. Le père Simon, le cocher, la tête baissée, le dos arrondi sous la pluie, disparaissait dans son carrick à triple collet. La bourrasque gémissante battait les vitres, inondait la chaussée. La berline, au grand trot des deux chevaux, dévala rondement sur le quai, longea la ligne des grands navires dont les mâts, les vergues, les cordages se dressaient tristement dans le ciel ruisselant, comme des arbres dépouillés ; puis elle s'engagea sur le long boulevard du mont Riboudet. Bientôt on traversa les prairies ; et de temps en temps un saule noyé, les branches tombantes avec un abandonnement de cadavre, se dessinait gravement à travers un brouillard d'eau. Les fers des chevaux clapotaient et les quatre roues faisaient des soleils de boue. On se taisait ; les esprits eux-mêmes semblaient mouillés comme la terre. Petite mère se renversant appuya sa tête et ferma les paupières. Le baron considérait d'un oeil morne les campagnes monotones et trempées. Rosalie, un paquet sur les genoux, songeait de cette songerie animale des gens du peuple. Mais Jeanne, sous ce ruissellement tiède, se sentait revivre ainsi qu'une plante enfermée qu'on vient de remettre à l'air ; et l'épaisseur de sa joie, comme un feuillage, abritait son coeur de la tristesse. Bien qu'elle ne parlât pas, elle avait envie de chanter, de tendre au-dehors sa main pour l'emplir d'eau qu'elle boirait, et elle jouissait d'être emportée au grand trot des chevaux, de voir la désolation des paysages, et de se sentir à l'abri au milieu de cette inondation. Et sous la pluie acharnée les croupes luisantes des deux bêtes exhalaient une buée d'eau bouillante.

« Introduction Dans Une Vie, Guy de Maupassant raconte l'existence malheureuse d'une héroïne, Jeanne, dans sa Normandie natale. Mais au début du roman, la jeune fille est encore naïve et pressée de connaître toutes les joies de l'existence qu'elle a imaginées dans le couvent où se déroula une partie de son enfance. Durant le voyage de retour vers la demeure familiale, ses parents et la servante l'accompagnent dans leur berline.

Il pleut sur le paysage normand.

Maupassant s'attache à décrire avec réalisme ce temps et ces lieux maussades, qu'il connaît bien puisqu'il en est originaire.

Les personnages subissent la morosité de ce cadre, sauf Jeanne, qu'il exalte au contraire. I.

Le paysage A.

La Normandie - Le relief peu accidenté de cette région apparaît à deux reprises avec « les prairies » (l.10), « les campagnes monotones » (l.18). -La proximité de la mer se traduit par la présence d'un port au deuxième paragraphe. B.

L'eau La Normandie est une région humide, souvent pluvieuse.

L'eau envahit le texte sous diverses formes.

Maupassant l'évoque avec réalisme. 1.

Description de la pluie : - Son mouvement : la « bourrasque » (l.2) indique la présence d'un vent violent, qui accentue la force de l'averse : elle « battait les vitres, inondait la chaussée » (l.4), elle est « acharnée » (l.28), les campagnes sont « trempées » (l.18). -Sa température : l'action se déroule au mois de mai, le temps est donc orageux mais chaud, comme le dévoilent le « ruissellement tiède » (l.20) et la « buée d'eau bouillante » (l.29). 2.

Omniprésence de l'eau : Tout le cadre baigne dans l'humidité : - La mer n'est que suggérée, mais jointe au ciel « ruisselant » (l.8) et à l'averse qui tombe sur la terre et la mouille, elle contribue à inonder le paysage. - Le « brouillard d'eau » (l.12) unit l'air et le liquide.

Par eux, la pluie gêne la vision, et l'on ne s'étonne donc pas de l'absence totale de couleur dans le texte.

Tout se mêle, la terre devient « boue » par son mélange avec l'eau, et même les animaux n'exhalent plus un souffle chaud, mais une « buée d'eau bouillante » (l.20).

Même le saule a l'air « noyé » (l.11). -Par un étrange renversement, l'une des seules clartés du passage vient de « soleils de boue » (l.14), donc de la terre et non du ciel.

La boue ne brille pas, elle est sombre, mais sans doute l'auteur pense-t-il aux éclats provoqués par le soulèvement brutal des flaques bourbeuses.

L'image est belle : l'astre unique est absent, mais son souvenir se multiplie sur la route.

Là encore, l'humidité envahit jusqu'à son contraire, avec ces soleils mouillés. - L'autre lumière vient des « croupes luisantes » (l.28) des chevaux trempés. - Les bruits se rapportent aussi à la pluie : gémissement de la bourrasque (l.4), battements sur les vitres (l.4), clapotement des fers (l.13) dans les flaques.

Une allitération en [t] rend le tintement de l'eau sur le verre : « La bourrasque gémissante battait les vitres » (l.4). 3.

La tristesse : - La monotonie du paysage et de l'ondée assombrit le tableau au point qu'il donne une impression de mélancolie profonde. - Le champ lexical de l'attristement est riche : « gravement » (l.12), « tristesse » (l.23), « tristement » (l.7), « gémissante » (l.4), « morne » (l.17), « désolation » (l.26). 4.

Une comparaison accentue cet effet : -Les mâts, pourtant symboles de l'évasion, se dressent « comme des arbres dépouillés » en hiver (l.8). - Mais surtout, la mort est présente à propos du saule, qui semble « noyé, les branches tombantes avec un abandonnement de cadavre» (l.

11-12).

Certes il s'agit ici d'un arbre pleureur, mais l'image suggérée s'accorde bien à la tonalité funèbre du paysage. Transition : Cette tristesse qui envahit le paysage pénètre aussi les personnages. II.

L'influence du paysage sur les êtres Elle est très importante, mais ils réagissent différemment. A.

La tristesse du cadre agit sur les proches de Jeanne 1.

Attitude physique : - Le silence : la monotonie de l'extérieur, la longueur du trajet et le balancement de la berline provoquent. »

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