Heinrich Heine
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Heinrich Heine
Écrivain allemand, il a vécu en France ; juif, il s'est toujours senti attiré par la figure du Christ ; socialiste, il s'est plu dans le luxe et la
fantaisie ; amoureux passionné, il a été malheureux en amour ; poète, il a refusé de s'abandonner à l'inspiration ; sentimental et d'une
sensibilité maladive, il a caché le fond de sa nature sous l'ironie et la blague - tout le destinait à rater sa vie et son œuvre.
Le résultat ?
un des monuments de la littérature universelle : Heinrich Heine.
Lorsqu'il naquit à Düsseldorf, le 13 décembre 1797, les murs d'enceinte du ghetto, malgré les trompettes de la Révolution française,
tenaient solidement debout.
Malgré les idées d'émancipation dont il voulait être le paladin, malgré son libertinage et, bien sûr, malgré sa
conversion de circonstance au protestantisme, Heine est toujours resté lié au ghetto où il avait reçu ses impressions d'enfant.
Ce que
certains biographes appellent son romantisme n'était en réalité que la nostalgie et la honte à la fois de cet ineffaçable souvenir.
Coupé du
monde et sans racines, l'enfant juif rencontre ses deux compagnons de vie, anges ou démons, la susceptibilité et l'orgueil.
Mais c'est
dans l'isolement précisément que naissent les projets de grands royaumes et peu importe leur réalisation, le propre des jeunes princes
étant de ne pas séparer le réel et l'imaginaire.
Le petit garçon trouva dans le grenier de son oncle Simon van Geldern un original ayant la manie d'écrire toute la nourriture (si je me
plaçais au point de vue de la réussite terrestre, je devrais plutôt dire : tous les poisons) dont il était affamé.
A côté de l'habituel bric-àbrac, robes de fée, parures de cérémonie, décors exotiques, il y découvrit des manuscrits et des livres d'un autre membre de la famille,
surnommé “ l'Oriental ” ou “ le Chevalier ” qui, après avoir publié à Londres un volume de vers français, était parti pour la Terre Sainte où,
disait-on, il était devenu chef d'une tribu de Bédouins.
Le second événement décisif de son enfance fut l'entrée de Napoléon à Düsseldorf.
Libérateur des Juifs, dont le nom fut gravé dans la
pierre des synagogues, le “ Grand Empereur ” devint une figure de la légende juive, prolongement et réalisation des récits consacrés aux
libérateurs du peuple persécuté : récits de Joseph en Égypte, de Daniel dans la fosse aux lions, d'Esther à la cour d'Assuérus...
Comme tous les rêveurs sentimentaux avides de posséder le monde tout en restant repliés sur leurs propres désirs, Heine était
prédestiné aux aventures amoureuses.
Cette effraction de l'inconnu, le premier amour réplique mystérieuse du monde extérieur le surprit alors qu'il sortait à peine de l'enfance.
Il tomba amoureux d'une orpheline aux cheveux roux, à la peau blanche, fille du bourreau de Düsseldorf, Josépha.
Elle savait une foule
de contes et de chants populaires, et Heine, dans ses Mémoires, prétend que lui ayant demandé un jour de transcrire sur le papier une
ballade populaire qu'elle lui avait chantée, au lieu de se servir d'encre, elle l'écrivit avec son propre sang.
Mais le soi-disant romantisme
de Heine a toujours tourné court.
Une pirouette, un attendrissement sur lui-même, un rire forcé, et pour finir un mot ironique lui donnant
l'air de surmonter le sentiment toujours un peu banal qu'il est assez intelligent pour reconnaître comme tel.
Le père de Heinrich Heine était peu habile en affaires, mais l'un de ses frères, installé à Hambourg, était devenu immensément riche.
La
fortune de cet oncle devint pour l'apprenti-dandy une source de rêves de puissance.
Un amour malheureux pour la fille aînée du banquier
détermina toute la vie future du poète.
Il s'était élancé vers la conquête de l'univers avec la fougue et les illusions d'un adolescent
sensible et imaginatif.
La poésie n'allait-elle pas lui ouvrir toutes les routes de la gloire et de la fortune ? La cousine hambourgeoise
s'adonnait sans doute à la lecture des poètes, privilège aristocratique mais, comme toutes les filles de banquier, ne songeait qu'à
épouser un homme riche, c'est-à-dire n'importe qui plutôt qu'un poète, fût-il beau et intelligent comme lui.
Il essaya d'abord, pour la conquérir, de devenir riche lui-même.
Tour à tour avocat et commerçant, le succès extraordinaire de son Buch
der Lieder (Livre de Chansons), en 1827, lui fit abandonner ses projets de réussite financière.
Dans ces poèmes, généralement assez
courts, l'effusion sentimentale est niée par la pointe finale : un trait d'esprit, un jeu de mots...
(Voltaire furieux de se découvrir la
sensibilité de Rousseau).
Heine peut ainsi passer pour l'ancêtre de la poésie de cabaret, si largement répandue de nos jours.
L'émancipé du ghetto de Düsseldorf a été mêlé de près aux mouvements politiques et sociaux de son siècle.
Enchanté de se laisser
bercer par les illusions de son époque, Heine, comme nombre de ses contemporains, n'était pas trop mécontent de fermer les yeux
devant la tragique réalité qu'elles recouvraient.
Il a côtoyé Karl Marx, mais il était saint-simonien et ses penchants le portaient plutôt vers
Monsieur Guizot.
Un Français a appelé Heine “ un romantique défroqué ”.
On pourrait également le nommer “ un révolutionnaire défroqué
”.
La Révolution de Juillet fit battre son cœur.
N'était-elle pas le signal de la libération telle qu'il l'entendait ? L'Allemagne, espérait-il, n'allait
pas tarder à emboîter le pas à sa voisine.
La seule réaction allemande, à laquelle il assista lui-même à Hambourg, fut une émeute
antisémite.
Il résolut de quitter sa ténébreuse patrie.
Heinrich Heine arriva le 3 mai 1831 à Paris.
Il s'y sentit très vite à son aise.
Il fréquenta Rossini, Berlioz, Liszt, Chopin.
Dans le salon de la
princesse Belgiojoso, qui avait quitté l'Italie pour des raisons semblables à celles qui lui avaient fait quitter sa patrie, il fit la connaissance
de Thiers, d'Alfred de Musset, de Théophile Gautier, de George Sand, d'Alexandre Dumas.
Lorsqu'on lui demande comment il se sent à Paris, il répond : “ Comme un poisson dans l'eau, mieux : comme Heine à Paris.
” Il
collabore à la Revue des Deux-Mondes, et la plupart de ses essais paraissent en un français un peu maladroit avant d'être publiés dans
sa langue maternelle que Heine maniait par contre avec une aisance et une vigueur inégalées en son temps.
Sauf deux voyages clandestins en Allemagne, Heine ne quitta plus jamais la France.
Il se mit en ménage avec une Parisienne et l'épousa
quelques années après.
En 1846, Heine tomba gravement malade et à partir de 1848, resta cloué à sa “ tombe matelassée ”, comme il disait, jusqu'à la froide et
brumeuse aube d'hiver du 17 février 1856 où il mourut.
Son enterrement au cimetière Montmartre, conformément à ses dernières
volontés, eut lieu sans cérémonie religieuse.
Une centaine de personnes, parmi lesquelles de nombreux écrivains français, assistèrent aux
funérailles..
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