Henri Michaux, Exorcismes, Ecce homo
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Henri Michaux, Exorcismes, Ecce homo
J'ai vu l'homme.
Je n'ai pas vu l'homme comme la mouette, vague au ventre, qui file rapide sur la mer indéfinie.
J'ai vu l'homme à la torche faible, ployé et qui cherchait. Il avait le sérieux de la puce qui saute, mais son saut était rare et réglementé. [...]
Je n'ai pas vu l'homme répandant autour de lui l'heureuse conscience de la vie. Mais j'ai vu l'homme comme un bon bimoteur de combat répandant la terreur et les maux atroces.
Il avait, quand je le connus, à peu près cent mille ans et faisait aisément le tour de la Terre. Il n'avait pas encore appris à être bon voisin.
Il courait parmi eux des vérités locales, des vérités nationales. Mais l'homme vrai, je ne l'ai pas rencontré.
Toutefois, excellent en réflexes et en somme presque innocent : l'un allume une cigarette, l'autre allume un pétrolier.
Je n'ai pas vu l'homme circulant dans la plaine et les plateaux de son être intérieur, mais je l'ai vu faisant travailler des atomes et de la vapeur d'eau, bombardant des morceaux d'atomes qui n'existaient peut-être même pas, regardant avec des lunettes son estomac, sa vessie, les os de son corps et se cherchant en petits morceaux, en réflexes de chien.
Je n'ai pas entendu le chant de l'homme, le chant de la contemplation des mondes, le chant de la sphère, le chant de l'immensité, le chant de l'éternelle attente.
Mais j'ai entendu son chant comme une dérision, comme un spasme.
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