Hugo, Quatre Vingt Treize, Extrait du chapitre 2 (Deuxième partie)
Extrait du document
«
Introduction.
Quatre-vingt-treize est le dernier roman de Victor Hugo.
Comme son titre l'indique, c'est une
épopée de la Révolution française qui met en scène un aristocrate, un noble combattant dans
les rangs de la Révolution et un homme du peuple incarnant l'intransigeance de la Convention.
Ce roman rend compte de l'évolution politique de Victor Hugo ainsi que de sa conception du
roman historique.
Ainsi, cet extrait présente de façon objective, semble-t-il, le portrait de trois
„ figures remarquables de la Révolution et plus précisément de la Convention.
Nous verrons
qu'en réalité l'objectivité cède le pas au mythe, chaque notation réaliste n'étant qu'un prétexte
pour qu'affleurent le sens et la définition historique des personnages : la Terreur froide de
Robespierre, le tribun populaire qu'est Danton et la violence malsaine représentée par Marat.
Comment se mêlent le mythe et la réalité ?
I.
Une description apparemment réaliste.
A.
La composition du texte.
• C'est un texte composé de deux paragraphes : le premier, décrit successivement les trois hommes, le second dévoile
sans commentaire subjectif leur identité.
• Le plan est identique pour les trois : même longueur, même souci d'objectivité (ex.
: description des vêtements et
des chaussures pour chacun des trois hommes), même importance accordée aux mêmes traits (le teint, la peau, la
forme des lèvres, la qualité du regard, la coiffure).
B.
Des qualités de précision et d'objectivité.
• Recours stylistique à l'énumération d'adjectifs (« pâle », « jeune », « grave »), de substantifs (« une culotte de
nankin, des bas blancs,une haute cravate, un jabot plissé, des souliers à boucles d'argent »).
• Souci de précision dans la description (ex.
: la coiffure de Danton, « quoiqu'on y vit un reste de coiffure et d'apprêt
»).
• Utilisation de termes techniques (le « nankin », une « rouppe »).
• Le réalisme cru dans le portrait de Marat qui insiste sur la laideur, la saleté, afin de créer une impression de malaise
(« plaques livides », « cheveux gras et plats », « un gilet qui semblait avoir été de satin blanc »).
C.
Parcimonie et atténuation des termes subjectifs.
• A propos de Robespierre : relatives et imparfait (« qui devait le gêner pour sourire ») exprimant le doute.
• A propos de Danton : alliance d'un terme concret avec un terme abstrait (« une ride de colère, le pli de la bonté [...]
»).
• A propos de Marat : le verbe sembler (« semblait difforme »).
Transition
La lecture du premier paragraphe évoque un art du portrait objectif.
Cependant, au-delà même de l'effet de suspens et
de coup de théâtre du second paragraphe qui remettent en cause l'apparent réalisme du début du texte, la structure
interne laisse présager des effets de sens.
II.
Un jeu d'opposition et de progression.
A.
Opposition des vêtements.
Les vêtements de Robespierre s'opposent point par point à ceux des deux autres personnages :
- opposition sociale des vêtements : vêtements de bourgeois ou d'aristocrate pour Robespierre qui porte l'habit, avec
la culotte à la française, une chemise à jabot et des souliers à boucles d'argent ; vêtements moins élégants de Danton
(habit de drap, cravate dénouée, veste ouverte, bottes à revers) et complètement hétéroclites pour Marat (pantalon
à pied et pantoufles, gilet de satin et blouse de drap grossier) ;
- opposition symbolique de couleurs : bleu clair pour Robespierre, rouge pour Danton, blanc sale pour Marat (la froideur
incorruptible, la vitalité, la violence et la mort chez Danton, un certain malaise physique pour Marat).
B.
Opposition psychologique reflétée
par la tenue vestimentaire.
• Le soin de Robespierre : l'accumulation d'adjectifs (« poudré, ganté, brossé, boutonné »), la constatation (« son
habit ne faisait pas un pli »).
• Le débraillé de Danton : (« débraillé », « col nu », « cravate dénouée tombant plus bas que le jabot », « boutons
arrachés », « cheveux hérissés »).
• Marat : impression de malaise, de maladie et de violence ; le gilet couvert par la « rouppe dans les plis de laquelle
une ligne droite et dure laissait deviner un poignard » (importance et suspens de la métaphore « ligne droite et dure »)..
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