Huysmans, Les Similitudes.
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Huysmans, Les Similitudes.
Ces évocations d'un autre monde, ces embrasements sauvages, ces tonalités crépusculaires, ces émanations surexcitées disparurent à leur tour et un hallali de couleurs éclata, prestigieux, inouï.
Un ruissellement d'étincelles de pourpre, une fanfare de senteurs décuplées et portées à leur densité suprême, une marche triomphale, un éblouissement d'apothéose parurent dans le cadre de la porte et des filles étalant sur leurs jupes somptueuses toute la fougue, toute la magnificence, toute l'exaltation des rouges, depuis le sang carminé des laques jusqu'aux flambes du capucine, jusqu'aux splendeurs glorieuses des saturnes et des cinabres, tout le faste, tout le rutilement, tout l'éclat des jaunes, depuis les chromes pâlis jusqu'aux gommes-guttes, aux jaunes de mars, aux ocres d'or, aux cadmium, s'avancèrent, chairs purpurines et débordées, crinières rousses et sablées de poudre d'or, lèvres voraces, yeux en braises, soufflant des haleines furieuses de patchouli et d'ambre, de musc et d'opopanax, des haleines terrifiantes, des lourdeurs de serres chaudes, des allégro, des cris, des autodafés, des fournaises de rouge et de jaune, des incendies de couleurs et de parfums.
Puis tout s'effaça, et alors les couleurs primordiales: le jaune, le rouge, le bleu, les parfums pères des odeurs composées: le musc tonkin, la tubéreuse, l'ambre, parurent et s'unirent devant moi en un long baiser.
A mesure que les lèvres se touchaient, les tons faiblissaient, les senteurs se mouraient; comme les phénix qui renaissent de leurs cendres, ils allaient revivre sous une autre forme, sous la forme des teintes dérivées, des parfums originaires.
Au rouge et au jaune succéda l'orange; au jaune et au bleu, le vert; au rose et au bleu, le violet; les non-couleurs même, le noir et le blanc parurent à leur tour et de leurs bras enlacés tomba lourdement la couleur grise, une grosse pataude qu'un baiser rapide du bleu dégrossit et affina en une Cydalise rêveuse: la teinte de gris-perle.
Et de même que les tons se fondaient et renaissaient différents, les essences se mêlèrent, perdant leur origine propre, se transformant suivant la vivacité ou la langueur des caresses en des descendances multiples ou rares: maréchale, à base de musc, d'ambre, de tubéreuse, de cassie, de jasmin et d'orange; frangipane extraite de la bergamote et de la vanille, du safran et des baumes de musc et d'ambre; jockey-club issu de l'accouplement de la tubéreuse et de l'orange, de la mousseline et de l'iris, de la lavande et du miel.
Et d'autres... d'autres... nuances du lilas et du soufre, du saumon et du brun pâle, des laques et des cobalts verts, d'autres... d'autres... le bouquet, la mousseline, le nard, éclataient et fumaient à l'infini, claires, foncées, subtiles, lourdes.
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Je me réveillai - plus rien. - Seule, au pied de mon lit, Icarée, ma chatte, avait relevé son cuissot de droite et léchait avec sa langue de rose sa robe de poils roux.
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