Ionesco, le Roi se meurt - Commentaire de la tirade sur le chat
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Ionesco, le Roi se meurt - Commentaire de la tirade sur le chat
J'avais un petit chat tout roux. On l'appelait le chat juif. Je l'avais trouvé dans un champ, volé à sa mère, un vrai sauvage. Il avait quinze jours, peut-être plus. Il savait déjà griffer et mordre. Il était féroce. Je lui ai donné à manger, je l'ai caressé, je l'ai emmené. Il était devenu le chat le plus doux. Une fois, il s'est caché dans la manche du manteau d'une visiteuse, Madame. C'était l'être le plus poli, une politesse naturel, un prince. Il venait nous saluer, les yeux tout engourdis, quand on rentrait au milieu de la nuit. Il allait se recoucher en titubant. Le matin, il nous réveillait pour se coucher dans notre lit. Un jour, on a fermé la porte. Il a essayé de l'ouvrir, il la poussait avec le derrière, il s'est fâché, il a fait un beau tapage ; il a boudé une semaine. Il avait très peur de l'aspirateur, c'était un chat poltron, un désarmé, un chat poète. On lui a acheté une souris mécanique. Il s'est mis à la renifler d'un air inquiet. Quand on a tourné la clef et que la souris s'est mise à marcher, il a craché, il s'est enfui, il s'est blotti sous l'armoire. Quand il a grandi, des chattes rôdaient autour de la maison, lui faisaient la cour, l'appelaient. Cela l'affolait, il ne bougeait pas. On a voulu lui faire connaître le monde. Nous l'avons mis sur le trottoir près de la fenêtre. Il était atterré. Des pigeons l'entouraient, il avait peur des pigeons. Il m'a appelé avec désespoir, gémissant, tout collé contre le mur. Les animaux, les autres chats étaient pour lui des créatures étranges dont il se méfiait ou des ennemis qu'il craignait. Il ne se sentait bien qu'avec nous. Nous étions sa famille. Il n'avait pas peur des hommes. Il sautait sur leurs épaules sans les avertir, leur léchait les cheveux. Il croyait que nous étions des chats et que les chats étaient autre chose. Un beau jour, tout de même, il a dû se dire qu'il devait sortir. Le gros chien des voisins l'a tué. Il était comme une poupée-chat, une poupée pantelante, l'oeil crevé, une patte arrachée, oui, comme une poupée abîmée par un enfant sadique.
Liens utiles
- « Le personnage dramatique ne commence vraiment à vivre que sur scène. Les diverses interprétations qu'on peut en donner le modifient de façon sensible » de Maurice Desotes dans Les grands rôles du théatre de Racine en 1957. Je doit discuter cette affirmation en un développement organisé, s'appuyant sur des exemples précis tiré du corpus donné c'est à dire Phèdre de Racine, Hernani de Victor Hugo, En attendant Godot de Beckett et Le Roi se meurt de Ionesco.
- Eugène IONESCO, Le Roi se meurt, 1962.
- commentaire: Laurent Gaudé, La Mort du roi Tsongor, Actes Sud, collection Babel, 2002, p.16-17
- Après avoir lu plusieurs chroniques de Jean Giono, l'écrivain Jean-Louis Bory faisait ce commentaire : Giono avait longtemps cru que la machine et les allumettes chimiques, voilà les responsables du malheur. Tout se passait comme s'il ouvrait les yeux et sous la somptueuse peau de tigre, qu'est le feuillage des arbres, découvrait un corps cruel. Dans quelle mesure, Un roi sans divertissement peut-il illustrer ces propos ?
- Commentaire composé "Je vis, je meurs" Louise Labé