« J'aime lire comme lit une concierge : m'identifier à l'auteur et au livre. Toute autre attitude me fait penser au dépeceur de cadavres », écrit Cioran dans De l'inconvénient d'être né (1988). Vous commenterez cette réflexion en vous appuyant sur des exemples tirés de votre propre expérience de la lecture.
Extrait du document
Il existe plusieurs revues
consacrées exclusivement à Louis Ferdinand Céline, écrivain particulièrement
hostile au style établi, forgeant son écriture à partir d'un lexique populaire
et parfois ordurier, tandis que les parutions, même savantes, consacrées à des
écrivains défendant l'intérêt discursif ou savant de la littérature (tels les
frères Goncourt, ou encore Sartre) sont beaucoup plus réduites. De ce point de
vue, il serait faux d'affirmer que connaissance et jouissance sont deux mondes
séparés, puisque le principal objet de la critique littéraire est bien de
comprendre les principes de la jouissance du lecteur.
_
Bien plus, la critique s'érige à l'époque moderne au rang de genre littéraire à
part entière. Robert Musil, auteur de L'Homme sans qualités, s'emploie à mêler
écriture romanesque et pensée théorique jusqu'à les rendre rigoureusement
indissociables, autant dans leur structure que dans leur intention. La fiction
se fait le support d'une recherche de la connaissance, un parcours littéraire
qui a pour objet son propre développement. Le résultat de cette entreprise est
défini par l'auteur lui-même, qui prétend parvenir à ce qu'il décrit comme « une
sorte d'ivresse sèche ».
_ Par conséquent,
processus de connaissance et processus de jouissance ne sont pas incompatibles,
mais partagent au contraire leur intention aussi bien que leur structure, et ne
diffèrent que dans la faculté du lecteur qu'il sollicitent. Pourtant, les
frontières du raisonnement et du désir sont elles-mêmes poreuses. Le plaisir
propre au développement philosophique fait ainsi l'objet du Tiers-livre
de Rabelais, dont la célèbre ambition est de décortiquer le réel pour en
atteindre « la substantifique moelle ». C'est certainement pour détourner une
telle image que Cioran parle ici de « dépecer des cadavre », transformant ainsi
le festin intellectuel de Rabelais, appliqué au critique moderne, en une
expérience de dissection, voire de nécrophagie.
Liens utiles
- « J'aime lire comme lit une concierge : m'identifier à l'auteur et au livre. Toute autre attitude me fait penser au dépeceur de cadavres », écrit Cioran dans De l'inconvénient d'être né (1988). Vous commenterez cette réflexion en vous appuyant sur des exemples tirés de votre propre expérience de la lecture ?
- Beaucoup de lecteurs pensent que le compte rendu d'une oeuvre par un critique suffit à en donner la connaissance. Or, Alain a écrit, dans ses Propos sur l'esthétique, en 1949 : «Ce que dit l'oeuvre, nul résumé, nulle imitation, nulle amplification ne peut le dire... » Vous examinerez ces deux points de vue opposés, en appuyant votre réflexion sur des exemples précis, empruntés à votre expérience personnelle et à vos lectures.
- François Bessire a écrit à propos de la rédaction du Traité sur la tolérance de Voltaire : Il faut au public visé par Voltaire, brièveté, variété, surprise, esprit, séduction des ornements, allure de la conversation. Il faut un livre qui pût se faire lire avec quelque plaisir : il faut être court et un peu salé sans quoi les ministres, madame de Pompadour, les commis et les femmes de chambre font les papillotes du livre (citation extraite de la correspondance de Voltaire). Les exigence
- L'écrivain Tchèque Franz Kafka écrit à un ami en 1904 qu'on ne devrait lire que les livres qui vous mordent et vous piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon lire ? Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous. Discutez cette réflexion de Kafka en la limitant au genre romanesque. Votre travail s'appuiera sur les textes étudiés en classe et sur vous lectures personnelles.
- « J'ai l'optimisme de croire qu'on a enfin compris dans les autres sphères de l'Enseignement que plus un auteur est proche de l'enfant dans le temps, plus il a de chance de l'intéresser et de l'enrichir. Toute éducation littéraire doit commencer par les contemporains » écrit Michel Tournier dans Le Vent Paradet (1977). Partagez-vous cette opinion? Vous illustrerez votre pensée par des exemples précis tirés de vos lectures.